L’hebdomadaire « Echos du Nord », dans sa livraison du 19 décembre, révèle que «Le sulfureux directeur de cabinet du président de la République vient de donner l’ordre au Cocan de payer un mystérieux fournisseur en matériel de sécurité. Sauf que cette entreprise, à la date d’émission de sa facture, n’avait pas les autorisations nécessaires pour exporter ce type d’équipements depuis la France vers le Gabon.» Récit !
Maixent Nkani Accrombessi a-t-il encore frappé ? En tout cas, l’intervention, pour le moins incongrue, du directeur de cabinet du chef de l’Etat auprès du Comité d’organisation de la coupe d’Afrique des nations (COCAN), ressemble à une tentative de trafic d’influence. En effet, M. Accrombessi a demandé à cet organisme de régler en «urgence», la facture de la Société française d’exportation du matériel de sécurité (SOFEXI). Ce qui est une faute aussi lourde que se balader avec l’avion présidentiel au Benin, bourré de drogue, de devises et en compagnie de prostituées.
En date du 5 décembre 2011, au plus fort de la controverse sur l’arraisonnement de l’avion présidentiel au Benin, Maixent Accrombessi Nkani, comme si de rien n’était, a saisi par écrit le haut-commissaire au COCAN pour que celui-ci prenne en compte «dans les différents règlements prévus» et en urgence «en raison de la date de son envoi», la facture de la SOFEXI. Cette société, en date du 13 juillet 2011, avait facturé au ministère gabonais de la Défense nationale, un ensemble de matériel de sécurité pour une valeur globale de 6 307 354 534 FCFA.
En date du 4 juin 2011, c’est-à-dire un mois avant l’émission de cette facture définitive, près de 2 517 000 000 FCFA, soit 40% du montant global avait été viré dans un compte de la SOFEXI, logé auprès de la banque Martin Maurel en France. C’est pour apurer cette note que l’auguste directeur de cabinet du chef de l’Etat a cru devoir faire pression sur le COCAN.
Cette démarche du tout-puissant DC comporte de nombreuses irrégularités qui, dans un pays sérieux, aurait dû intéresser soit la Cour des comptes, soit la Commission contre l’enrichissement illicite, pour savoir s’il n’y a pas derrière cet appui accrombessien, un retour d’ascenseur sous forme de quelques rétros commissions. Car le risque que prend Maixent Accrombessi en appuyant le règlement définitif d’une telle facture, peut-il exclusivement se justifier par le seul souci d’entrer en possession du matériel de sécurité avant la CAN 2012 ?
D’abord la facture est adressée au ministère de la Défense nationale qui a été doté pour cela d’un budget conséquent par l’Assemblée nationale. Pourquoi une facture qui lui est destinée, est-elle envoyée au COCAN ? L’Assemblée nationale aurait-elle, dans le cadre du vote de la loi des finances, logé certaines lignes budgétaires du ministère de la Défense au sein de l’enveloppe allouée au COCAN ? Ceci parait tout simplement invraisemblable, selon plusieurs spécialistes en matière d’élaboration du budget contactés. Accrombessi a-t-il tout simplement décidé de s’affranchir des dispositions réglementaires, notamment celles contenues dans la loi des finances de l’année en cours, en faisant payer par le COCAN, une facture de l’armée? En tout cas, à la lecture de son «Soit transmis», l’impression qui se dégage est que le COCAN était, à la base, totalement étranger à cette transaction. Puisque Accrombessi ne met en pièce jointe ni le bon de commande que n’aurait pas manqué d’émettre le COCAN, s’il avait effectivement passé cette commande, ni un quelconque justificatif de l’acompte déjà perçu, si le COCAN avait effectivement réglé cette première tranche. D’ailleurs, la SOFEXI elle-même se garde bien de rappeler le numéro dudit bon de commande sur sa facture, comme il est d’usage en la matière. Faire endosser les factures de l’armée par le COCAN, hors de toute autorisation du Parlement, constitue un détournement des fonds publics. Maixent Accrombessi, en appuyant cette démarche, s’est rendu, à tout le moins, complice de ce délit.
Le plus grave encore, et c’est la suite des irrégularités de ce document, est que cette commande à la SOFEXI a commencé à être payée alors même que l’entreprise ne disposait d’aucune autorisation des autorités françaises, pour exporter du matériel de guerre en direction du Gabon. Sur la facture émise par l’entreprise, elle précise bien qu’elle n’a obtenu du gouvernement français que l’autorisation d’exportation des produits explosifs à usage militaire (AEPE) dont la validité court jusqu’au 7 décembre 2011. Par contre, elle ne possédait ni la licence d’exportation à double usage, ni l’autorisation du Comité interministériel pour l’étude d’exportation du matériel de guerre (CIEEMG), encore moins l’autorisation d’exportation du matériel de guerre (AEMG) que ce comité délivre.
Pourtant, ce comité interministériel qui contrôle la vente du matériel de guerre se réunit une fois par mois, sauf le mois d’août. Cela suppose que trois réunions au moins de ce comité se sont tenues – septembre, octobre, novembre- sans que celui-ci n’accorde le précieux sésame à SOFEXI. Pourquoi? L’Etat gabonais, sous l’impulsion d’Accrombessi, a donc pris le risque de rémunérer un fournisseur sans être sûr d’entrer en possession du matériel acheté. Non seulement la seule autorisation que cette entreprise possède expire le 7 décembre 2011, mais surtout qu’elle n’a jamais obtenu, au regard de la législation française, le droit de vendre un tel équipement au Gabon. Le forcing opéré par Accrombessi en date 5 décembre 2011 à 2 jours de l’expiration de la validité de la seule autorisation (AEPE) que possédait SOFEXI, pour que le COCAN règle 3 784 412 720 FCFA en sa faveur, est dès lors très troublant.
Cela signifie que si le COCAN s’exécute- il n’y a pas de raison qu’il n’en soit ainsi- Karengall et Oyima prenant leurs ordres au palais, le Gabon va débourser plus de 6 milliards de FCFA sans en avoir la contrepartie. A moins que certaines des personnalités qui gèrent ce dossier ne repassent par Argenteuil, en France et surtout à la Banque Martin Maurel, pour récupérer, à leur profit, ces six milliards. C’est peut-être ce qui expliquerait le silence total de l’entreprise SOFEXI que nous avons joint au téléphone, le mardi 13 décembre 2011 en début d’après-midi. A cette occasion, nous lui avons demandé comment elle comptait exporter le matériel de guerre au Gabon sans autorisation, et pourquoi exiger un règlement intégral avant certification du service fait ? Pour toute réponse, l’assistante qui était au bout du fil a promis nous faire rappeler par le service marketing. A ce jour nous attendons toujours cet appel !
Accrombessi Nkani plus que jamais doit partir
Le directeur de cabinet du président de la République représente un risque pour la République. Si Ali Bongo Ondimba a un soupçon de considération pour son serment «Je jure de consacrer toutes mes forces au bien du peuple gabonais, en vu d’assurer son bien-être et de le préserver de tout dommage…», il doit sans délai démettre Maixent Nkani Acrombessi de sa charge. Car à l’allure où l’intéressé va de bourde en bourde, il n’est pas exclu que le Gabon y perde davantage de son crédit international, chaque jour supplémentaire qu’il le maintient en fonction. Dès lors, l’engagement présidentiel de «préserver» le peuple gabonais de tout dommage devient incompatible avec la présence de Maixent Nkani Acrombessi à ses côtés.
Cet homme, non seulement ternit l’image de la première institution du Gabon en s’appropriant les attributs de souveraineté – Accrombessi lit en premier les bulletins de renseignement destinés au chef de l’Etat, prend l’avion présidentiel comme un vulgaire taxi où l’on peut entasser drogue et petites -, mais s’évertue aussi, dans ses actes quotidiens, à démontrer que le Gabon est géré comme une épicerie de quartier.
L’affaire SOFEXI est à ce titre très édifiant. Que vient chercher le directeur de cabinet du chef de l’Etat, dans la gestion financière d’un comité chargé d’organiser la coupe d’Afrique des nations de football ? Peut-on imaginer le DC de Bill Clinton demandant au président du comité d’organisation des jeux d’Atlanta de régler un fournisseur ? Ou bien celui de François Mitterrand donnant des injonctions au président du comité des jeux d’hiver d’Albertville ? La réponse est non. Car un DC a d’autres prérogatives qui généralement les occupent presque 18 à 20 heures par jour. Accrombessi a-t-il autant de temps libre au point d’aller empiéter sur les platebandes des autres ? En tout cas, cette affaire noircit le Gabon. Tout comme du reste l’affaire de l’avion. A ce titre le Président doit en tirer toutes les conséquences.
source: Echos du nord