Les violences à Dakar ont fait un mort après la validation de la candidature d’Abdoulaye Wade, qui brigue un troisième mandat présidentiel, bien que la Constitution limite le nombre de mandats possibles à deux. Youssou N’Dour, dont la candidature a été écartée, parle d’un « coup de force ».
Les premiers heurts ont éclaté dès vendredi soir à Dakar, puis dans plusieurs villes sénégalaises, avec l’annonce de la validation par le Conseil constitutionnel de la candidature d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle. Une annonce d’autant plus mal perçue par les opposants au président que, parallèlement, la candidature du très populaire Youssou N’Dour était, elle, écartée. Dès la nouvelle connue, des jeunes qui attendaient depuis des heures Place de l’Obélisque, à Dakar, ont jeté des pierres sur les policiers qui ont riposté à coups de gaz lacrymogène et de matraque. Les manifestants, armés de barres de fer, ont également mis le feu à des pneus et des courses-poursuites se sont engagées avec les policiers dans les rues adjacentes au lieu de rassemblement. Les violences ont duré toute la nuit, et pendant que plusieurs quartiers de Dakar s’emplissaient de pneus et de voitures enflammés, la télévision locale a fait état de la mort d’un policier au cours des émeutes, sans davantage en préciser les circonstances.
Des heurts semblables ont été signalés dans la ville de Kaolack, dans le centre du pays : des témoins ont signalé un poste de police mis à sac et selon la radio publique, l’antenne locale du Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation de Wade, a été détruite par les flammes. On annonçait également des manifestations dans les localités de Thies et de Mbour.
« Je suis candidat et je le reste »
Au total, le Conseil constitutionnel a validé vendredi quatorze candidatures pour la présidentielle, dont celle d’Abdoulaye Wade. Les adversaires du président sénégalais contestent sa légitimité à se représenter et renvoient à la Constitution, qui interdit d’effectuer plus de deux mandats présidentiels consécutifs. Abdoulaye Wade, 85 ans, arrivé au pouvoir en 2000 puis réélu en 2007, leur répond que son premier mandat ne compte pas, car il a été entamé avant l’ajout de cet amendement constitutionnel, en 2001. Parmi les treize autres candidatures validées par le Conseil constitutionnel, on trouve le chef de file du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng et trois ex-Premier ministres : Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall. Celle du chanteur Youssou N’Dour a en revanche été déclarée non valide au motif qu’il n’avait pas réuni les 10.000 signatures de soutien requises. Le chanteur en avait pourtant déposé 12.000 ; mais le Conseil constitutionnel a indiqué que 4000 des soutiens revendiqués par l’artiste n’avaient pu être vérifiés.
En réaction, Youssou N’Dour a appelé ses partisans à s’opposer à la tenue du scrutin. « Nous n’autoriserons jamais Abdoulaye Wade à participer à cette élection », a-t-il affirmé à l’antenne de sa chaîne de télévision, TFM. « La décision de me tenir à l’écart n’a rien à voir avec le droit. C’est une décision politique, à laquelle nous répondrons par une décision politique ». Dénonçant un « coup de force » du président Wade, il a assuré : « Je suis candidat et je le reste », en précisant qu’il avait « 48 heures pour un recours » contre la décision du Conseil.
Le Mouvement du 23 juin (M23), coalition de partis politiques d’opposition et d’organisations de la société civile contestant la candidature du président Wade, a appelé à « marcher sur le palais » présidentiel pour l’en « déloger ». Abdoul Aziz Diop, un des responsables du M23, a exhorté les Sénégalais « à se joindre au Mouvement pour organiser la reprise du territoire occupé par Abdoulaye Wade et ses sbires ». Autre candidat à la présidentielle, Moustapha Niasse a assuré : « Wade n’a aucun droit d’effectuer un troisième mandat, et le peuple saura résister ». Devant ces réactions violentes, le président sénégalais a pris la parole à la télévision pour appeler les manifestants à cesser « les manifestations d’humeur qui ne conduisent à rien », en promettant : « La campagne électorale sera ouverte, il n’y aura pas de restrictions à la liberté ».