Après quatre tours de scrutin, aucun des deux candidats en lice pour la présidence de la Commission de l’Union africaine ne l’a emporté.AP/Ding Haitao
Abidjan (Côte d’Ivoire) Correspondant régional – Pour son premier sommet depuis la crise de Libye, l’Union africaine (UA) devait entrer dans une nouvelle ère, celle de l’après-Kadhafi. L’organisation panafricaine, qui a pour vocation de conduire les réformes au niveau du continent et d’y résoudre les conflits, devait aussi renouveler la présidence de son organe exécutif, la Commission. Le spectre du Guide libyen semble avoir plané au-dessus des divisions de l’Afrique qui ont éclaté, lundi 30 janvier, à Addis-Abeba (Ethiopie) avant de tout balayer sur leur passage.
Du blocage politique à Madagascar, où l’ex-président Marc Ravalomanana tente de rentrer sans se faire arrêter, aux deux Soudans, au bord de la guerre, aucune des urgences inscrites au programme n’a eu droit de cité à Addis-Abeba, tandis que se déchiraient deux blocs. Le premier, réuni autour de la candidature de Jean Ping (Gabon). Le second autour de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma.
Lundi, aucun des deux candidats n’est parvenu à l’emporter à la majorité des deux tiers au terme de trois tours successifs. Un quatrième a alors été organisé, comme le prévoient les statuts en cas de blocage, au cours duquel M. Ping, président sortant, s’est présenté seul, son adversaire étant contraint de se retirer. Allait-il enfin l’emporter, comme l’espéraient les pays qui le soutenaient, notamment en Afrique francophone ? C’était compter sans la profondeur des divisions de l’Union africaine. Ses adversaires ayant voté blanc, Jean Ping n’a pu être élu.
Ces scissions se sont révélées d’abord durant la crise en Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud menant le camp des pro-Gbagbo. Elles se sont transformées en déchirements durant la crise libyenne, Pretoria prenant la tête des pays opposés à toute action contre le Guide, regroupés autour de l’idée que ses ennemis faisaient le jeu des pays occidentaux. L’organisation a perdu la main sur le dossier libyen, suscitant une immense amertume, et d’autant plus de violence dans le combat autodestructeur à venir pour la conquête du pouvoir au sein de la Commission de l’UA.
Après l’annonce de la défaite de M. Ping, tandis que la délégation sud-africaine dansait de joie dans le hall flambant neuf du siège de l’UA – inauguré la veille en grande pompe en présence de la Chine (qui paye la facture) -, les participants les plus réalistes cédaient à l’abattement. L’Union venait de faire la démonstration de ses divisions, et des blocages de l’institution.
Nouvelles règles de vote
Il a fallu plusieurs heures pour décider, ensuite, de la marche à suivre. L’élection est repoussée au prochain sommet, qui doit se tenir dans six mois ; Jean Ping reste dans l’immédiat à la tête de la Commission. Et un comité de cinq chefs d’état, représentant toutes les régions du continent, doit travailler pour encadrer, par de nouvelles règles, le vote à venir et éviter la répétition de ce désastre.
Jean Ping demeure candidat potentiel, tout comme Nkosazana Dlamini-Zuma. Cette dernière, ex-ministre des affaires étrangères, avait été l’un des piliers du rayonnement diplomatique de l’Afrique du Sud lorsque Thabo Mbeki en était le président, et s’impliquait dans les conflits de l’Afrique des Grands lacs (Congo-Kinshasa, Burundi), tout en développant une politique de tolérance vis-à-vis de Robert Mugabe, qui, déjà, suscitait des divisions.
Jean-Philippe Rémy
Article paru dans l’édition du 01.02.12