Des milliers de Syriens manifestaient vendredi dans l’ensemble du pays, y compris à Damas, pour marquer le 30e anniversaire du massacre de Hama (centre), où les forces du régime de Bachar al-Assad ont tiré comme ailleurs pour disperser les manifestants.
«Hafez (al-Assad) est mort, Hama n’est pas morte, Bachar va mourir et la Syrie ne mourra pas», proclamaient des pancartes brandies par des manifestants dans le quartier al-Kidam à Damas, en référence à l’ex-président syrien, père de l’actuel chef de l’Etat, selon une vidéo publiée par des militants.
«La politique de la punition collective ne portera pas ses fruits cette fois-ici», assurait une autre pancarte, alors que la mobilisation ne faiblit pas depuis le début de la révolte en mars 2011.
Dans la province de Damas, mais aussi à Deraa (sud), Idleb (nord-ouest) et à Hama même, les habitants sont descendus en masse pour répondre à l’appel à manifester en l’honneur des dizaines de milliers de personnes tuées en 1982 dans cette ville lors de la répression d’un soulèvement des Frères musulmans.
Beaucoup de personnes habillées en noir en signe de deuil chantaient et dansaient, criant à la gloire de l’Armée syrienne libre (ASL), force d’opposition armée qui lutte contre le régime.
Les manifestants ont subi partout les tirs des forces de sécurité qui ont fait trois morts: deux à Daraya, dans la province de Damas, et un dans un quartier à Hama. Les violences ont également fait cinq autres morts, dont deux enfants, à travers le pays.
Un projet de résolution et des concessions
Ces manifestations, les premières en public pour commémorer le massacre, interviennent alors que la répression a fait au moins 6 000 morts depuis plus de dix mois selon les militants, et que la communauté internationale ne parvient pas à s’unir pour y mettre fin.
Principal obstacle: la position de la Russie, alliée de Damas qui bloque depuis des mois une résolution de l’ONU et insiste pour que le Conseil de sécurité réclame par a priori le départ du président Assad. D’après la dernière mouture du projet de résolution, les Occidentaux ont fait des concessions à la Russie, jusqu’à abandonner toute référence explicite au départ de M. Assad.
Le texte «soutient pleinement» la décision de la Ligue arabe du 22 janvier de «faciliter une transition politique», mais les détails -notamment le transfert des pouvoirs de M. Assad à son vice-président- n’apparaissent plus, à la demande de Moscou.
Il devrait être soumis aux capitales des pays membres du Conseil de sécurité dans l’espoir d’un vote dans les prochains jours, mais Moscou continue malgré les concessions de vouloir l’affaiblir, selon des diplomates.
Parallèlement à la mobilisation internationale et à celle de l’opposition, les combats se poursuivent en Syrie et l’ASL, bien que largement inférieure en équipements et effectifs, semble marquer des points.
Des enfants torturés
Un soldat a été tué et cinq autres blessés vendredi à l’aube lors de combats entre l’armée et l’ASL dans la province de Deraa. Ce genre d’affrontements s’est intensifié ces dernières semaines, donnant à la crise l’allure d’un conflit armé.
Jeudi, une vidéo postée par des militants sur internet montrait une vingtaine de membres armés de l’ASL, le visage à découvert, paradant en plein jour sur un véhicule de l’armée dans la vieille ville de Homs. Ils étaient acclamés par des habitants qui criaient «Que Dieu protège l’ASL».
De plus en plus nombreuses sont les vidéos qui montrent des membres de l’ASL revendiquant la prise de véhicules militaires ou de barrages.
Il restait difficile d’obtenir une confirmation indépendante de ces informations en raison de l’accès limité des journalistes étrangers à la couverture des événements en Syrie.
Selon Human Rights Watch, les forces de l’ordre syriennes se livrent à des tortures y compris sur des enfants âgés d’à peine de 13 ans, qui ont rapporté avoir été placés à l’isolement,«brutalement battus et électrocutés», brûlés avec des cigarettes ou encore suspendus avec des menottes métalliques, parfois pendant des heures, à quelques centimètres du sol.
Par ailleurs, l’Iran, principal allié régional de Damas, a interdit à ses ressortissants de se rendre par la route en Syrie, après l’enlèvement de 29 Iraniens dans ce pays par des groupes hostiles au régime de Bachar al-Assad, selon l’agence Mehr.