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Le Gabon et l’illusion pétrolière

Gabriel Zomo Yebe
Agrégé de sciences économiques, doyen de la faculté de droit et de sciences économiques de l’université Omar Bongo de Libreville (UOB)

Après un ralentissement provoqué par la crise financière et celle du bois, la reprise semble désormais engagée au Gabon, comme dans tous les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Si la croissance a retrouvé son niveau de 2007, elle est cependant de faible qualité, parce qu’elle dépend en grande partie d’un seul produit, le pétrole, et ne se répercute pas sur le niveau de vie et le pouvoir d’achat des Gabonais. Au contraire, l’accroissement des prix internationaux des denrées alimentaires risque d’aggraver une situation sociale déjà tendue.

L’équation gabonaise reste la même que dans les années 1980 : comment passer d’une économie de rente à une économie diversifiée, attirer les investisseurs étrangers et répartir les ressources de manière optimale sans hypothéquer l’avenir des générations futures ?

La principale force du pays réside dans le retour de la croissance. Le taux de croissance du PIB réel est passé de – 1,4 % en 2009 à 5,6 % en 2011. Une remarquable remontée, étant donné que, entre 2004 et 2009, les performances du Gabon étaient restées en deçà de celles des autres pays africains producteurs de pétrole. Cet accroissement du PIB peut être considéré comme un facteur d’attractivité, d’autant qu’il s’est accompagné d’une faible inflation (en deçà, depuis trois ans, du critère de convergence de la Cemac, qui est de 3 %) et d’une amélioration de la solvabilité du pays.

Autre facteur d’attractivité : l’annonce d’une stratégie de développement qui, dans un environnement mondialisé et concurrentiel, constitue un signal fort des orientations que compte prendre l’État. Conscient des limites à long terme d’une croissance basée sur le pétrole, le gouvernement a engagé des réformes structurelles pour diversifier l’économie en se basant sur le projet de société du chef de l’État, lequel s’articule autour du triptyque « Gabon vert, Gabon des services, Gabon industriel ».

Par ailleurs, le pays s’est doté de l’un des codes des marchés publics les plus libéraux de la sous-région, ainsi que de toute une réglementation en matière de concurrence et de promotion de l’investissement. Enfin, son appartenance à la Cemac est le meilleur moyen de contourner l’étroitesse du marché gabonais et de bénéficier de la stabilité monétaire.

Cette stratégie peut être discutable à plus d’un titre, mais c’est surtout la faible qualité de la croissance – d’aucuns diraient sa mauvaise qualité – qui constitue le principal handicap au développement du pays : elle reste dépendante du pétrole et s’accompagne d’un taux de chômage élevé, ainsi que d’une détérioration du niveau de vie de nombreux Gabonais.

En 2010, le secteur pétrolier a fourni 51,69 % du PIB marchand en volume et 53,86 % des recettes budgétaires… La même proportion que dans les années 1980. L’optimisation des recettes hors pétrole par l’extension de la base taxable (lutte contre la fraude fiscale, suppression des régimes spéciaux et des exonérations, etc.) n’a pas eu non plus les effets escomptés. La faible qualité de la croissance résulte aussi du manque de diversification et de choix contestables. Ainsi, alors que l’agriculture et la pêche restent des secteurs à fort potentiel (un marché entier à prendre, de plus de 200 milliards de F CFA, soit plus de 300 millions d’euros), la création de palmeraies dans l’une des rares régions agricoles du pays risque de se faire au détriment des paysans et de tuer le peu d’agriculture vivrière existante.

Enfin, l’emploi a régressé de 10 % dans le secteur privé, passant d’un peu moins de 50 900 postes en 2007 à 45 850 en 2010. L’État a pallié ce déclin en augmentant le nombre de fonctionnaires de 21 % en trois ans (de 51 500 à 62 600). Malgré ces efforts, le taux de chômage reste élevé (27,5 %) et devient le principal problème à résoudre.

Tel est le paradoxe gabonais. Tant que la croissance et la restauration des grands équilibres reposeront principalement sur les recettes pétrolières, qui ne font que créer une illusion de richesse, l’impact sur le bien-être des populations sera toujours moindre. Plus que jamais, l’heure n’est plus à la politique politicienne, mais à la politique au sens noble du terme. La politique de l’après-pétrole ne peut plus être une clause de style, elle est une impérieuse nécessité.

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