Macky Sall a réussi l’impensable : mettre Abdoulaye Wade, 85 ans, en ballottage. Le second tour de l’élection présidentielle est prévu le 18 mars.
De notre envoyé spécial à Dakar Bruno FANUCCHI
« Sall tour de Macky à Wade », titrait hier « le Quotidien » en jouant sur le nom du candidat qui a réussi à mettre en ballottage le président sénégalais, Abdoulaye Wade, 85 ans. Et à le contraindre à un second tour, a priori programmé pour le 18 mars. Une issue que le vieux chef d’Etat contesté jugeait jusque-là impensable.
Dimanche soir, en apprenant les résultats très provisoires qui mettraient les deux adversaires au coude à coude (environ 30% des voix chacun), les partisans de celui que tout le monde appelle Macky jubilaient, comme si la victoire finale leur était déjà acquise. « Le peuple nous a choisis. Obliger Wade à un second tour, c’est déjà une superbe victoire », jubile Aïssata Sall, 29 ans, une lointaine parente venue de France pour participer à sa « caravane » de campagne. « Champagne pour tout le monde, même pour les musulmans », s’écrie Abou, l’un de ses conseillers, au quartier général de Macky 2012, niché dans le quartier Liberté-VI de Dakar. « On va mettre démocratiquement le Vieux dehors! » se félicite son directeur de campagne, qui avait pourtant fait celles du Gorgui (le vieux, en wolof) en 2000 et 2007.
Dans un grand concert de klaxons et de sono poussée à fond, tout le quartier commence à se rassembler, chanter et danser devant le QG dès les premières tendances connues. « Ils sont pressés de faire la fête », lâche Macky en apparaissant au balcon vers 20h30, dimanche, pour saluer ses partisans. « Un second tour est inéluctable », confie-t-il en privé. Il faudra attendre 2h30 pour qu’il mette en garde « les apprentis sorciers contre toute tentative de confiscation de cette volonté populaire ». En d’autres termes : que Wade ne tente pas de « passer en force ».
Pas de triomphalisme
Car Macky Sall, qui estime avoir gagné les « plus grands départements du Sénégal », connaît trop bien le vieux président pour ne pas faire de triomphalisme hâtif. Agé de 50 ans, et donc né après l’indépendance, Sall est en effet un enfant du Sopi (le changement, en wolof), ce mouvement qui porta en mars 2000 le libéral Wade à la tête de l’Etat en mettant fin à quarante ans de pouvoir du Parti socialiste dans le pays. Ingénieur né à Fatick (centre-ouest du pays), dont il est aujourd’hui le maire, il participe activement à cette campagne du changement. Remarqué par le nouveau président Wade, il devient son homme de confiance. Son ascension, sous l’aile d’Abdoulaye Wade, est fulgurante à partir de 2004 : ministre des Mines, ministre de l’Intérieur, puis Premier ministre. En 2007, il dirige même la campagne de celui qui sera son adversaire cinq ans plus tard. Wade est triomphalement réélu avec 56% des voix dès le premier tour.
Elu dans la foulée président de l’Assemblée nationale, Macky Sall tombe cependant en disgrâce en 2008, car il s’intéresse de trop près — dit-on — aux affaires de Karim, le fils du président. Leurs chemins se séparent alors définitivement. Depuis, Macky Sall a créé l’Alliance pour la République, déterminé à jouer sa carte personnelle… Il est peut-être sur le point de remporter la mise dans un peu moins de trois semaines.