L’équipe Afrique de CMS Bureau Francis Lefebvre, a conseillé le groupe Rougier pour l’entrée de la Caisse des Dépôts et Consignations du Gabon au capital de Rougier Afrique International, leader des forêts naturelles dans le Bassin du Congo. Pour Jean-Jacques Lecat et Pierre Marly, avocats associés du Cabinet, cette opération préfigure d’autres rapprochements gagnants gagnants de ce type. Entretien.
Agence Ecofin : Pourquoi Rougier a-t-il ouvert son capital à l’Etat gabonais ?
Pierre Marly : Rougier était une entreprise familiale traditionnelle, fondée en 1923 et implantée en Afrique depuis lors qui a fait le choix d’une alliance à long terme avec un partenaire stratégique local pour poursuivre son développement africain. L’Etat gabonais s’est révélé le meilleur choix de partenaire que l’entreprise puisse faire.
AE : Pourquoi pensez vous qu’un Etat soit un meilleur partenaire ?
Pierre Marly : La reprise d’un concurrent privé n’aurait pas résolu le problème d’ancrage local, au contraire. Une telle approche n’aurait pas nécessairement permis d’assoir le développement sur le long terme. La stratégie de Rougier était davantage en ligne avec celle de l’Etat du Gabon qui développe une politique de capitalisme d’Etat en prenant des participations dans les secteurs clés de son économie. Pas seulement le bois, mais aussi les mines, les hydrocarbures… La récente création d’un fonds souverain gabonais relève de cette détermination.
AE : Pourquoi le Gabon ? D’autres pays africains forestiers auraient–ils pu s’intéresser à cette opportunité ?
Jean-Jacques Lecat : Il se trouve que le changement de présidence au Gabon a créé une nouvelle dynamique. Le président Ali Bongo a, dès le début de son mandat, accéléré le processus d’interdiction d’exportation des grumes, estimant a juste titre que l’économie forestière brute ne contribuait pas assez au PIB du pays. Il a exprimé le souhait de devenir un acteur du développement économique à travers des prises de participations dans les entreprises stratégiques, fixé des exigences en terme de développement durable… Ce sont précisément des approches avec lesquelles Rougier était en phase. L’entreprise avait déjà mis en place les meilleures pratiques en terme de gestion forestière durable et développé des capacités de transformation sur place. Il y avait une vraie convergence de points de vue qui a permis à Rougier de valider ses acquis et de renforcer sa légitimité africaine.
Pour l’Etat cette opération parait s’inscrire dans une politique de « patriotisme économique » à la gabonaise que la crise justifie désormais.
Il faut rappeler à ce sujet que déjà en 1972, puis en 1983, la législation gabonaise avait prévu une obligation pour les investisseurs de proposer à l’Etat gabonais une participation gratuite de 10% au capital de toute société ; obligation qui en pratique n’avait été que partiellement mise en œuvre.
En mai 2011, un Décret Présidentiel a institué une obligation d’autorisation préalable à la réalisation d’investissements étrangers en particulier dans les activités liées à l’exploitation durable des produits forestiers ainsi que dans la recherche et l’exploitation des mines et des hydrocarbures. Cette mesure concerne également les investissements réalisés avant l’entrée en vigueur de ce Décret, les investisseurs étrangers disposant jusqu’à mai 2012 pour solliciter une autorisation et régulariser leur situation. Parallèlement la Caisse des dépôts et consignation gabonaise était créée avec notamment pour mission la gestion des fonds souverains et des revenus des participations de l’Etat puis un Fond stratégique était institué.
Cependant les participations du Gabon au capital des sociétés mères françaises comme Rougier ou Eramet vont plus loin et pourrait s’apparenter à la stratégie à long terme suivie par certains producteurs de pétrole du Moyen Orient.
AE : D’autres entreprises et d’autres pays africains sont-ils susceptibles d’emprunter le même chemin ?
Pierre Marly : C’est une tendance qui se dessine car le principe de capitalisme d’Etat n’est plus un tabou aujourd’hui. D’ailleurs les autres Etats africains ont très bien accueilli cette initiative du Gabon. Ils ne se sont pas positionnés en rivaux et ont, au contraire, jugé l’expérience intéressante. Les grandes entreprises occidentales intègrent de plus en plus les nouvelles régles de responsabilité sociétales (RSE), ce qui les rapprochent naturellement des Etats africains qui veulent que le développement de ces entreprises profitent davantage aux populations, apportent localement davantage de valeur ajoutée, créent des activités et des emplois durables. A contrario, certains Etats mesurent les limites et les dangers de certaines approches moins responsables, notamment en provenance des BRIC.
La stratégie d’investissement du Gabon pourrait donc faire école, un peu comme celle du Maroc qui investit depuis un certain temps, avec succès, dans des entreprises françaises.
Propos recueillis par Dominique Flaux
L’équipe Afrique de CMS Bureau Francis Lefebvre
L’équipe Afrique de CMS Bureau Francis Lefebvre, créée depuis plusieurs décennies, apporte une assistance efficace et constructive à ses clients grâce à son expérience, aux compétences de son équipe d’avocats dédiée à ces pays, à ses implantations d’Alger et de Casablanca, à son réseau de contacts auprès des professionnels locaux. Les membres de l’équipe pluridisciplinaire d’avocats basée à Paris se consacrent exclusivement aux projets des entreprises en Afrique. La plupart d’entre eux ont vécu et ont exercé leur métier sur le continent. Ils maîtrisent le droit des affaires et la fiscalité des principaux pays africains, disposent d’une expérience internationale et s’appuient sur un centre de documentation dédié au droit des affaires africain constitué depuis l’indépendance de ces pays.
L’équipe Afrique est dirigée par deux associés:
Jean-Jacques Lecat
Avocat Associé
Président de la Commission juridique et fiscal du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique)
Tél. : + 33 (0) 1 47 38 56 82
Mobile : 00 33 (0) 6 85 55 34 88
E-mail : jean-jacques.lecat@cms-bfl.com
Pierre Marly
Avocat Associé
Tél. : + 33 (0) 1 47 38 56 10
Mobile : 00 33 (0) 6 14 22 36 98
E-mail : pierre.marly@cms-bfl.com
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