Des chars de l’armée syrienne ont pilonné la ville de Hama jeudi, au lendemain de l’adoption au Conseil de sécurité de l’Onu d’une déclaration qui exhorte Damas à mettre fin aux violences et à entamer le dialogue avec l’opposition.
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a estimé que ce texte adopté à l’unanimité, Russie et Chine comprises, adressait un signal clair au régime de Bachar al Assad.
Mais il n’a guère eu de conséquences sur le terrain, où des opposants syriens ont fait état d’intenses tirs de blindés sur Hama à la suite d’accrochages entre les forces gouvernementales et les insurgés de l’Armée syrienne libre (ASL).
Les tirs d’obus ont détruit des habitations et fait un nombre indéterminé de victimes dans le quartier d’Arbaïn, dans le nord-est de cette ville à la pointe du soulèvement en cours depuis un an contre le régime d’Assad.
De source proche de l’opposition, on assure qu’une vingtaine de personnes ont été tuées dans un bombardement militaire contre la ville et ses environs au cours des dernières 48 heures.
« Au moins 70 chars ont pris position dans Hama il y a une semaine, renforçant les véhicules blindés qui s’y trouvaient déjà. Les pilonnages se concentrent sur les quartiers d’habitation de Machaa, Hamidiya et Arbaïn », a déclaré un militant de l’opposition présent à Hama.
L’armée syrienne avait déjà pris le contrôle de Hama en août
pour réprimer les grandes manifestations qui s’y déroulaient contre le président Assad.
L’Observatoire syrien pour les droits de l’homme (OSDH), basé à Londres, a signalé pour sa part de violents affrontements à Al Koussaïr, localité située sur la frontière avec le Liban. Trois habitants auraient été tués, de même que quatre membres des forces syriennes tombés dans une embuscade.
Les soldats gouvernementaux ont également tenté jeudi d’entrer dans la ville de Sermine (nord), où deux personnes auraient été tuées et plusieurs dizaines d’autres blessées. L’OSDH évoque en outre la mort de plusieurs militaires lors de nouveaux affrontements à Deraa, dans le sud, et de raids menés par les forces d’Assad dans la province orientale de Daïr az Zour et dans la région côtière de Lattaquié.
POUR ANKARA, PAS ENCORE DE POSITION UNIE
Les informations émanant de sources syriennes sont impossibles à vérifier du fait de l’interdiction de travailler faite par les autorités aux journalistes indépendants.
Ces nouveaux affrontements ont éclaté moins de 24 heures après l’adoption à l’Onu d’une déclaration d’un Conseil de sécurité pour une fois unanime soutenant la mission de Kofi Annan, l’envoyé spécial conjoint de l’Onu et de la Ligue arabe pour la Syrie, et souscrivant « sans réserve à (sa) proposition préliminaire en six points soumise aux autorités syriennes ».
Cette proposition appelle les autorités syriennes 1. à s’engager à collaborer avec Kofi Annan dans le cadre d’un processus politique ouvert « de façon à répondre aux aspirations et préoccupations légitimes du peuple syrien »; 2. à s’engager à cesser les combats; 3. à assurer l’acheminement de l’aide humanitaire en temps voulu dans les zones touchées par les combats; 4. à accélérer et multiplier les libérations de personnes arbitrairement détenues; 5. à assurer aux journalistes la liberté de circulation dans tout le pays; 6. à respecter la liberté d’association et le droit de manifester pacifiquement.
Le texte, une déclaration sans valeur contraignante, a été accepté par la Russie et la Chine, qui ont opposé par deux fois, en octobre et le mois dernier, leur veto à des projets de résolution condamnant la répression syrienne.
Mais le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a estimé que cette déclaration ne démontrait pas que les puissances étrangères impliquées dans la recherche d’une solution en Syrie avaient défini une position unie susceptible de déboucher sur un plan d’action.
« Naturellement, avoir un simple message commun ne fait pas tout. Nous devons aussi travailler à un plan d’action commun », a-t-il dit jeudi en déplacement à Vienne. « A cet égard, nous n’avons pas été capables de voir émerger une position commune. »
Si la déclaration du Conseil de sécurité parle de la nécessité d’une transition politique en Syrie, elle ne réclame pas le retrait de Bachar al Assad, une exigence que portent à la fois les rebelles syriens et les pays de la Ligue arabe.
Mais pour Kofi Annan, « le Conseil de sécurité a réclamé dans des termes clairs et évidents l’arrêt des violences et des atteintes aux droits de l’homme ».
En Syrie même, l’agence officielle de presse Sana a semblé vouloir minimiser la portée de ce texte, soulignant qu’il ne comportait « ni avertissement, ni signal ».
Avec Khaled Yacoub Oweis à Amman, Eric Faye et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser