Le projet de 28 000 hectares d’hévéaculture récemment mis en perspective par l’État gabonais et le groupe singapourien Olam, vient d’enregistrer les prémisses de sa controverse dans la province concernée du Woleu-Ntem. Une forte délégation est en arrivée pour une discussion avec Olam, arbitrée par l’ONG Brainforest, le jeudi 22 mars dernier à Libreville.
L’ONG Brainforest a ouvert des discussions, le 22 mars à son siège de Libreville, avec des représentants du groupe singapourien Olam et une forte délégation de ressortissants de Bitam et de Minvoul, villes agricoles entre autres du Woleu-Ntem. La présence d’une délégation de l’Estuaire, notamment de Kango où le singapourien dispose d’une plantation, a également été notée. Certaines organisations internationales préoccupées par les questions agricoles et environnementales ont assisté à ces discussions via Internet par le système d’appel vidéo instantané dénommé Skype. Il s’est principalement agi d’examiner les projets agricoles dernièrement annoncés par Olam et l’Etat gabonais dans la province septentrionale du Gabon.
La semaine dernière, en effet, l’État gabonais et Olam ont passé une nouvelle convention de partenariat portant sur 91,5 milliards de francs CFA pour le développement d’une plantation de caoutchouc et d’une usine de transformation. La joint-venture, dans laquelle le gouvernement gabonais aura une prise d’intérêts de 20%, permettra la création d’une plantation de 28 000 hectares dans la zone de Bitam.
En attendant le rapport que devrait publier Brainforest au sujet de cette rencontre, il en a filtré que les populations du Woleu-Ntem ont signifié à Olam leur refus de voir à nouveau développé dans leur province des plantations d’hévéa. Echaudées par les précédentes expériences d’hévéaculture dans cette région, notamment à Mitzic et à Bitam, ces populations rejettent le projet annoncé par l’État gabonais et Olam sur leurs terres ancestrales. Les Woleu-Ntemois savent désormais que les plantations d’hévéa en régime de monoculture portent atteinte aux forêts, aux sols, aux ressources fauniques, à la diversité biologique et aux moyens de subsistance des gens.
Selon un participant à cette rencontre, les débats ont très houleux. Se basant sur le droit de savoir et d’exercer son rôle de contrôle citoyen de l’action publique, Brainforest a demandé à examiner les différents contrats que le pays a passés avec Olam. L’ONG déplore, par exemple, le fait que la pépinière de palmeraies gérée par le groupe singapourien dans la zone de Kango, soit totalement fermée au public, à la presse et aux ONG. Que pourrait donc, en effet, y cacher Olam pour que la simple photographie y soit interdite ?
En novembre dernier, l’hebdomadaire Échos du Nord s’interrogeait déjà sur les visées d’Olam, qui avait alors lancé «une vaste opération de séduction des populations du Woleu-Ntem, en vue de se faire octroyer plusieurs milliers d’hectares de leurs forêts ancestrales» pour y développer la culture de l’hévéa à grande échelle. Le titre s’étonnait de ce que Olam, connu comme l’un des leaders mondial des chaines d’approvisionnement d’aliments et de produits agricoles, puis comme négociant de bois en grumes, en vienne à embrasser bien d’autres secteurs au Gabon. A l’instar de la réalisation de la Zone économique de Nkok, de l’achèvement du projet de zone franche à Port-Gentil. Ce, après s’être lancé dans le palmier à huile à Kango, avec un autre «engagement de réaliser 150 ha de palmier dans les provinces de la Nyanga et de la Ngounié.»
«Le Woleu-Ntem est une province à vocation agricole. Elle ne refusera pas de devenir le grenier du pays. Si Olam veut y arriver avec des cultures comme le cacao et le café qui sont entrées dans nos traditions agricoles, nous l’accepterons volontiers, mais nous ne voulons plus de l’hévéaculture», a indiqué un agriculteur à la sortie de la rencontre. Affaire à suivre.