Le capitaine Sanogo justifie sa décision de déposer le président Touré et appelle à l’aide contre les rebelles touareg.
Rien ne semble pouvoir ébranler la langueur des putschistes maliens. Vendredi, le camp Kati, caserne plantée sur une colline à une quinzaine de kilomètres de Bamako, désormais érigée en nouveau cœur du pouvoir, refusait de s’agiter. Entre les groupes de bâtiments jaunes et poussiéreux, des militaires aux tenues disparates semblaient attendre qu’un ordre vienne rompre le quotidien. Pour le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), les nouvelles ne sont pourtant pas bonnes.
Vendredi, Kidal, une grande ville du Nord, est tombée entre les mains de la rébellion nordiste. La veille, le Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avait posé un ultimatum, menaçant de placer le Mali sous «embargo diplomatique et financier» si l’ordre constitutionnel n’était pas rétabli dans les 72 heures. Soumis à cette double pression, le capitaine Amadou Haya Sanogo a tenté de jouer l’apaisement. Large sourire et uniforme impeccable, le chef d’État autoproclamé a même longuement remercié la Cédéao.
Menace d’un blocus financier
«Nous avons compris cette position», a assuré l’officier, tout en appelant l’organisation à «approfondir davantage son analyse de la situation au Mali». Le nouvel homme fort a plaidé sa cause, affirmant que la décision de déposer le président Touré a été prise après avoir constaté que le Mali «allait mal dans sa démocratie et dans son corps avec la guerre que nous connaissons au Nord». Mais le capitaine, entre deux compliments, s’est bien gardé de répondre aux demandes de la Cédéao.
Les menaces brandies sont pourtant sérieuses. Un blocus financier entraînerait la fermeture des banques, la coupure des routes et un rapide assèchement des marchés. «Nous sommes un pays enclavé qui dépend totalement des ports d’Abidjan et de Dakar pour son commerce. Et les Maliens vivent en grande partie de produits importés», explique Ousmane Babalaye Daou, le président du Comité malien des chargeurs, qui évoque une «catastrophe pour les populations». Vendredi, Abidjan a annoncé la fermeture de sa frontière.
Une longue liste de revers militaires
Sans doute la junte espère-t-elle que le risque humanitaire infléchira les positions de la Cédéao. Le capitaine entend aussi bénéficier de la solidarité africaine, «contre les rebelles qui continuent d’agresser notre pays et de terroriser des citoyens de la Cédéao». Une allusion à la chute de Kidal qui, pour le CNRDRE, sonne comme un aveu d’impuissance. Cette défaite s’ajoute à la longue liste des revers militaires encaissés par l’armée malienne ces derniers mois – à laquelle la junte se promettait de mettre un terme.
Selon une bonne source, Kidal est tombé aux mains d’Ansar Dine, une milice salafiste alliée aux rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Les renforts promis par le CNRDRE à la ville n’ont, sans surprise, pas pu inverser le cours d’une bataille commencée depuis des semaines. Dès l’annonce du putsch à Bamako, le MNLA avait d’ailleurs annoncé son intention de profiter du désordre politique malien pour renforcer son emprise sur le nord du pays. Kidal étant soumise, les séparatistes peuvent maintenant envisager des assauts sur Tombouctou et surtout Gao, ville où siège l’état-major de l’armée malienne.
Par Tanguy Berthemet