Annoncé il y a moins de dix jours, le partenariat d’un montant de 91,5 milliards de francs CFA pour le développement d’une plantation de caoutchouc et d’une usine de transformation dans la province du Woleu-Ntem, enregistre de nouvelles appréhensions qui concernent notamment la viabilité du projet.
Après les inquiétudes et le refus soulevés par les populations du Woleu-Ntem au sujet du projet de plantation de caoutchouc de 208 000 ha et d’une usine de transformation annoncé dans leur province, voici que Gert Vandersmissen, directeur général de la Société d’investissement pour l’agriculture tropicale (Siat Gabon) vient y ajouter son grain de sable.
Dans un entretien avec le quotidien L’union, le directeur général de Siat Gabon a indiqué : «si Olam dit qu’il peut planter (…) 4000 hectares d’hévéa par an, c’est impossible. Le miracle n’existe pas.» Et de préciser, «Sauf s’il importe de la main d’œuvre étrangère.»
Indisponibilité de la main d’œuvre
Le directeur de Siat Gabon a en effet souligné, «il n’y a aucun problème si vous utilisez des engins pour pousser la forêt. Avec des bulldozers, vous pouvez défricher 100 000 hectares de forêt. Mais le vrai problème, c’est de planter les arbres et les maintenir. Pour un palmier ça prend entre trois et quatre ans pour que ça produise, et l’hévéa, c’est sept ans. Pendant cette période, il faut beaucoup de gens pour maintenir les champs.» Siat Gabon plante environ 1000 ha par an. Ce qui nécessite 1000 personnes supplémentaires que l’entreprise ne parvient pas à trouver. La faiblesse démographique du Gabon ne permettrait pas le recrutement massif indispensable à ce genre de culture. Et Gert Vandersmissen de conclure, «si Olam veut faire 10 fois plus que nous par an, je reste dubitatif.»
Déjà, le 22 mars dernier à Libreville au siège de l’ONG Brainforest, lors d’une réunion avec une délégation officielle d’Olam, les représentants du Woleu-Ntem ont indiqué, selon l’hebdomadaire Echos du Nord, leur refus du projet, soulignant : «nous sommes des agriculteurs, nous ne voulons pas devenir des ouvriers agricoles.» Une déclaration que vient corroborer les allégations du patron de Siat Gabon et qui indique la non motivation de ces populations à travailler pour le projet d’Olam.
Selon Magloire Ngambia, ministre gabonais en charge de la Promotion des Investissements, le projet d’Olam devrait créer plus de 6000 emplois directs et 5000 emplois indirects. Où donc trouver tout ce monde à moins de procéder à l’importation massive de la main d’œuvre, ainsi que l’indique M. Vandersmissen dans L’union.
Du droit des paysans
Reste par ailleurs à savoir si les populations d’une zone donnée ont le droit de s’opposer à un projet emmené par l’Etat, d’autant plus que, selon la loi, «la terre appartient à l’Etat». Selon les experts présents à la réunion du 22 mars au siège de Brainforest, le projet d’Olam va s’implanter dans l’«espace réservé aux ruraux pour vivre», dénommé domaine rural. Les populations ont donc, en théorie, le droit de revendiquer et de protéger leurs moyens de subsistance.
Dans un document intitulé «Tenure foncière et problématique du développement au Gabon : Le cas des secteurs forestier et Agro industriel», l’expert Richelieu Zue Obame, responsable programme Forêt et gouvernance à Brainforest et coordonnateur du programme FLEGT/APV–Union Européenne, indique que «les groupes ethniques gabonais fondent leur droit foncier coutumier sur le fait social de l’occupation première des terres qu’ils revendiquent. Le fait social préexistant le droit, il se développe dans nos cultures des systèmes juridiques traditionnels pour réglementer l’accès à la terre.»
Concernant le domaine rural, l’expert indique «la Loi 16/01 stipule en son Article 12 que le domaine forestier rural est constitué des terres et forêts dont la jouissance est réservée aux communautés villageoises, selon les modalités déterminées par voies réglementaires. En d’autres termes qu’elles y exercent un droit d’usage coutumiers (Loi 16/01, Chapitre VI, Art 252 à 261)». Voilà qui promet et qui devrait indiquer aux pouvoirs publics gabonais que la loi a déjà tranché au sujet de certains domaines forestiers qu’ils voudraient concéder à quelques partenaires économiques et financiers.
Expectative
Toutes choses qui amènent à se poser des questions sur la réalisation des études de préfaisabilité et de faisabilité de certains projets, qui ont parfois l’effet d’un lapin soudainement sorti du chapeau d’un prestidigitateur. Les études préalables au projet d’Olam nouvellement annoncé dans la province du Woleu-Ntem, ont-elles réellement été menées ?
Peut-être ce projet sera-t-il remplacé par un autre, si l’on s’en tient à ce qu’en mars 2011, le groupe singapourien avait annoncé le démarrage, en octobre de la même année, d’un projet industriel de développement de 300 000 hectares de palmiers à huile. La première phase de ce projet, concernait 50 000 hectares de palmeraies qui devaient être plantés dans la région de Lambaréné (Moyen-Ogooué). Pour cette phase, 700 emplois directs et 21 000 indirects pour un investissement de l’ordre de 118 milliards de francs CFA, avaient alors été annoncés. Une seconde phase avait également été annoncée qui tablait sur 150.000 ha de palmier à huile à planter autour des villes de Tchibanga et de Mayumba, dans la province de la Nyanga.
Les populations de Lambaréné attendent toujours le démarrage de ces projets. En toute logique, le Woleu-Ntem pourrait également attendre un tout petit peu.