Le président de l’Assemblée nationale Dioncounda Traoré a été désigné mardi comme chef de l’Etat de transition au Mali et sera investi jeudi à la tête de ce pays sahélien dont le nord se trouve sous la coupe de rebelles touareg et d’islamistes armés.
« Le président de l’Assemblée nationale, M. Dioncounda Traoré, assure l’intérim du président de la République », indique la Cour constitutionnelle dans un arrêt, après avoir constaté la « vacance de la présidence » pour cause de démission ce week-end du chef de l’Etat Amadou Toumani Touré (ATT), renversé par un coup d’Etat militaire le 22 mars.
« L’investiture du président intérimaire aura lieu après-demain (jeudi) à 09H00 » (locales et GMT), a indiqué à l’AFP une source proche de la Cour.
Son intronisation marquera le coup d’envoi de la transition, prévue par un accord conclu entre la junte qui a renversé ATT et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Un Premier ministre de transition investi des « pleins pouvoirs » doit dans la foulée être désigné, avant la formation d’un gouvernement d' »union nationale » qui sera aux affaires jusqu’aux élections présidentielle et législatives.
Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle stipule que « le scrutin en vue de l’élection du nouveau président de la République doit être organisé 21 jours au moins et 40 jours au plus à compter de la notification du présent arrêt ».
Cependant, l’accord de sortie de crise précise que les « circonstances exceptionnelles » que connaît le Mali rendent « impossible » la tenue des élections dans ces délais, et qu’une transition sera mise en place jusqu’à ces scrutins dont les dates ne sont pas précisées.
La junte se retire donc comme promis, mais selon nombre d’observateurs les putschistes devraient tenter de conserver un droit de regard sur les dossiers militaires, alors que l’armée malienne vient de subir la plus cuisante déroute de son histoire.
La Cédéao a obtenu de la junte « un accord de principe » pour la libération de neuf personnalités du régime ATT, dont au moins cinq ministres, arrêtés après le coup d’Etat, une libération qui pourrait intervenir jeudi, a déclaré mardi l’AFP le ministre ivoirien de l’Intégration africaine, Adama Bictogo.
Après le coup d’Etat, le Nord est entièrement passé sous le contrôle de rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), dont l’offensive avait démarré en janvier, de groupes islamistes armés, de trafiquants et d’autres groupes criminels.
« Profonde inquiétude » de l’ONU
La Cédéao fait toujours planer la menace d’une intervention militaire pour contrer les combattants du Nord.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a exprimé lundi sa « profonde inquiétude à propos de la menace terroriste grandissante » dans cette région, « due à la présence parmi les rebelles de membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d’éléments extrémistes ».
Le Conseil a condamné l’enlèvement de sept diplomates algériens le 5 avril à Gao, l’une des capitales du Nord malien, par un groupe dissident d’Aqmi, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Selon des témoins, des membres du groupe islamistes nigérian Boko Haram, qui sème la terreur au Nigeria, ont participé à l’opération. Au total, au moins une centaine d’éléments de ce mouvement ont été signalés dans la ville, selon des sources concordantes.
Aqmi –qui a multiplié les rapts d’Occidentaux dans le Sahel ces dernières années– et Boko Haram ont noué des contacts et, selon certaines sources, ont entamé une coopération qui fait craindre une plus grande déstabilisation de la zone.
Au cours d’une marche de quelques centaines de personnes mardi à Bamako pour la « libération » du Nord, certains protestaient contre la présence d’éléments « étrangers » parmi les groupes armés de la région.
« A bas les indépendantistes, à bas les séparatistes », ont scandé les manifestants. Safiatou Traoré, 68 ans, a tenu à être présente: « je suis vieille mais aujourd’hui je vais trouver la force de marcher pour la libération du nord du Mali », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Enfin, le ministère français des Affaires étrangères a mis en garde les journalistes qui voudraient se rendre dans le Nord, en raison de la présence de « terroristes en tous genres ».