par Rob Taylor et Hamid Shalizi
Le président afghan, Hamid Karzaï, a estimé lundi que l’attaque de grande ampleur lancée par les taliban à Kaboul traduisait un « échec » des services de renseignement afghans et également de ceux de l’Otan.
Les combats qui opposaient depuis dimanche des insurgés et les forces de sécurité afghanes dans le quartier des ambassades et près du Parlement dans le centre de la capitale ont cessé lundi, a annoncé la police afghane.
« Le fait que les terroristes aient pu pénétrer dans Kaboul et frapper dans d’autres provinces est un échec pour nos services de renseignement et en particulier pour l’Otan », juge le président afghan dans un communiqué.
Hamid Karzaï salue cependant la réaction des forces de sécurité afghanes, qui ont évité selon lui un bilan très lourd en montrant leur capacité à tenir tête aux assaillants -un enjeu crucial à l’approche du retrait des troupes de combat étrangères.
Un porte-parole du Pentagone a rejeté les critiques du président afghan.
« Si le critère sur lequel on est jugé est que l’on doit savoir précisément quand et où chaque attaque des insurgés va se dérouler, alors ce critère est injuste », a déclaré George Little. « C’est une zone de guerre », a-t-il rappelé.
Les combats, qui ont duré dix-huit heures, ont fait au moins 51 morts, dont 36 insurgés, onze membres des forces de sécurité et quatre civils à Kaboul et dans trois autres provinces, selon un bilan du ministère de la Défense.
« Dans un bref laps de temps, nous avons réussi à faire échouer leurs plans diaboliques. Ils portaient des ceintures d’explosifs, mais ils ont seulement réussi à se faire tuer », a dit le directeur des opérations du ministère de la Défense, Afzal Aman.
L’assaut spectaculaire, présenté par les taliban comme le début d’une « offensive de printemps », n’en a pas moins souligné la capacité des insurgés à frapper des cibles symboliques -Parlement, ambassades, QG de l’Isaf (Force internationale d’assistance à la sécurité) – en plein coeur de Kaboul, plus de dix ans après leur renversement par les forces américaines.
L’OMBRE DU RÉSEAU HAQQANI
Cette attaque a été soigneusement préparée pendant des mois grâce à des entraînements sur des cibles factices et le pré-positionnement d’armes, a déclaré lundi le porte-parole des taliban, Zabihullah Mujahid.
« Nos experts militaires ont dessiné des croquis des cibles visées et créé un site d’entraînement que les combattants ont utilisé avant de lancer leur attaque », a-t-il dit au cours d’une interview téléphonique accordée à Reuters.
« Ils ont également appris comment entrer dans les bâtiments, puis comment les tenir », a ajouté le porte-parole, précisant que les hommes chargés de mener l’assaut avaient été sélectionnés parmi les 50.000 insurgés qui, selon lui, luttent contre le gouvernement afghan et l’Otan, afin de recevoir « un entraînement spécifique ».
A Kaboul, des hélicoptères de l’Otan ont dû mener des raids pour venir à bout des hommes armés cachés sur le site de construction surplombant le QG de l’Alliance et plusieurs ambassades, dont les missions britannique et allemande.
Des soldats d’élite ont grimpé à des échafaudages pour prendre à revers les assaillants, retranchés au dernier niveau de l’immeuble à moitié construit, les forces de sécurité afghanes ne semblant pas avoir retenu les leçons d’une précédente attaque. En septembre dernier, des insurgés avaient déjà pris position sur des chantiers de construction de Kaboul et s’en étaient servis comme fortins.
L’organisation dont ont fait preuve les assaillants a conduit certains officiels à soupçonner l’implication du réseau de rebelles tribaux Haqqani, opérant le long de la frontière avec le Pakistan.
« Compte tenu des expériences passées, je pense qu’il s’agit d’une série d’opérations du réseau Haqqani venu du Nord-Waziristan et des région tribales pakistanaises », a dit Ryan Cocker, ambassadeur des Etats-Unis. « Franchement, je ne pense pas que les taliban sont assez bons pour cela », a-t-il assuré sur l’antenne de CNN.
Zabihullah Mudjahid a nié que le réseau Haqqani soit impliqué dans ces attaques, qu’il a présentées comme des représailles contre plusieurs incidents en Afghanistan, dont le massacre de 17 civils par un soldat américain et l’affaire des Corans retrouvés brûlés dans les poubelles d’une base de l’Otan.
Avec Mirwais Harooni; Pierre Sérisier, Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français, édité par Gilles Trequesser