Il a été indiqué que les autorités gabonaises ont obtenu le retrait, de Canal +, d’un film traitant des crimes rituels au Gabon, intitulé «Les organes du pouvoir». La vidéo a été diffusée le 8 avril sur la chaine française et le président gabonais a organisé, deux jours après, une importante réunion sur la question de l’insécurité et de la criminalité au service de la magie noire.
Diffusé le 8 avril dernier sur Canal + dans le cadre de son émission de reportage «l’Effet Papillon», un documentaire intitulé «Les organes du pouvoir» a alimenté les débats en fin de semaine dernière, notamment sur la toile mondiale. Il s’est dit çà et là que les autorités gabonaises ont fait des pressions sur la chaine française de télévision afin que le film soit retiré des plateformes de stockage et de partage de vidéos.
Pression gabonaise sur Canal +
Le 11 avril en effet, le site Koaci.com a indiqué que «le média privé français Canal+ a plié face à la menace de plainte de l’Etat gabonais suite à la diffusion d’un reportage sur les crimes rituels diffusé dans l’émission L’effet papillon». Si le site a retiré cette annonce, il n’est pas moins vrai que le documentaire n’est plus accessible à partir du site Internet de Canal + qui indique en effet que «cette vidéo n’est plus disponible». De même, elle n’était plus disponible sur Youtube ou Dailymotion, sites les plus populaires de partage de vidéos.
Dans une discussion sur Facebook ce même 11 avril, le Français Laurent Despas, connu comme ancien de TF1, ancien conseiller en commination de Guillaume Soro et promoteur du site Koaci.com, a confirmé que «la vidéo a été retirée du serveur du site info direction Canal+», indiquant que l’information a été communiquée par «la journaliste Amy» avant de lui être «confirmée par un pote de Canal +».
Vraisemblablement, la vidéo n’avait été que restreinte au visionnage à partir de l’Afrique et à ce jour, elle a été dupliquée et est visible sur bien d’autres sites de partage, notamment le Youtube russe ou sur Nemesis TV.
Une image abominable du Gabon
Les autorités gabonaises ont-elles vraiment fait des pressions sur Canal + ? On ne saurait l’affirmer. Toujours est-il que deux jours après la diffusion du documentaire sur Canal +, le président Ali Bongo a convoqué, le 10 avril au Palais du Bord de mer, une réunion de travail sur la question de la criminalité et des assassinats rituels. Réunion d’autant plus importante que le Premier ministre, les ministres de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice et le commandant en chef des Forces de police nationale ainsi que le procureur de la République près du Tribunal de Libreville, y ont pris part. Ali Bongo Ondimba a en effet marqué son indignation devant le phénomène de l’insécurité et manifesté sa colère face à la montée des crimes rituels. «Il ne sera plus question de continuer à tolérer qu’un certain nombre de personnes puissent prendre en otage toute une société par des pratiques qui sont inqualifiables et inhumaines», a indiqué le président de la République.
«Les organes du pouvoir», fameux documentaire de Canal +, ne révèle pourtant rien de nouveau qui ne soit connu des Gabonais. Brossant les contours de la question des crimes rituels, la vidéo indexe tout simplement l’horreur que vivent régulièrement les Gabonais avec cette série macabre qui devient de plus en plus répandue et cruelle. Si le film a gêné les autorités gabonaises aux entournures, ce ne pourrait être que pour l’image abominable et arriérée qu’il donne du Gabon.
La trame du film documentaire en question
La vidéo s’ouvre sur le témoignage d’Honorine Monabio, mère de Marcelle Mouketou, 24 ans, étudiante en première année de psychologie à Libreville, retrouvée morte en décembre 2011 sur la plage de l’hôpital Jeanne Ebori. La victime, selon un rapport d’autopsie, avait subi l’extraction du cœur et d’une partie du lobe supérieur du poumon gauche. L’ablation du cœur induisait qu’il s’est agi d’un crime rituel. Sa mère pense que ces ablations se sont effectuées alors que sa fille était encore en vie.
Thierry Pasquet, réalisateur du film documentaire, entraine ensuite le téléspectateur sur les plages de Libreville où des badauds s’émeuvent devant un cadavre baigné par les vagues. Des titres de la presse locale illustrés de photographies, notamment le quotidien L’union, défilent sur l’écran. On peut y lire : «Encore un macchabée retrouvé sur la plage», «Qui a décapité le jeune Alfred Ndimina ?», «Il soignait les malades avec le crâne de sa grand-mère», «Des vendeurs d’ossements humains appréhendés», etc.
Et la voix off du documentaire de renseigner qu’il s’agit de «sacrifices humains pour prélever des organes, les pièces détachées comme on dit ici. Lors de cérémonies de magie noire, de vaudou ou de sorcelleries, ils servent à la confection de soi-disant puissants fétiches (…) Parfois, les rites et les coutumes servent de couverture à des pratiques beaucoup plus obscures.»
Pierre, un féticheur, un ganga, comme on dit en Afrique centrale, reconnait dans la vidéo que la possession d’organes humains est un gage de puissance : «Dans certaines formes de rites, l’organe humain est très très très recommandé. C’est-à-dire que sans organes humain, vous ne pouvez pas avoir accès au pouvoir.» La voix off souligne que les organes humains «les plus prisés pour le pouvoir sont le cœur, pour rassembler les foules, la langue pour s’exprimer facilement, et les organes génitaux qui apportent la vitalité.» Et, selon Pierre le féticheur, la souffrance de la victime est un élément indispensable pour garantir l’efficacité du fétiche : «Lorsqu’on vous prélève vivant, c’est-à-dire qu’on vous coupe le clitoris vivant, qu’on vous coupe la langue vivant, qu’on prend un œil vivant, c’est là où il y a la souffrance et là, c’est une lutte, à partir de là, vous êtes doublé, vous êtes dédoublé, vous êtes triplé et vous êtes plus fort et, plus vous êtes plus fort, plus vous criez, plus vous avez mal, plus vous vous dédoublez et plus vous serez utile.»
Association de lutte contre les crimes rituels
Le documentaire présente ensuite Jean-Elvis Ebang Ondo, président de l’Association de lutte contre les crimes rituels au Gabon, et le combat qu’il mène depuis 2005 lorsque le corps de son fils de 12 ans avait été retrouvé mutilé sur une plage de Libreville. Une vidéo en provenance du Nord-est Gabon, est visionnée dans le bureau de l’association. On y aperçoit un homme assis à côté d’un cadavre d’enfant, tenant en ses mains la tête décapitée de sa victime.
On débouche après quoi sur la problématique de l’impunité des commanditaires de ces crimes, qui seraient pour la plupart des hommes et des femmes de pouvoir, idée sans doute confortée par l’indication de Jean-Elvis Ebang Ondo selon laquelle les années électorales sont les plus meurtrières. L’impunité des commanditaires, le classement sans suite de nombreuses affaires dont les faisceaux de présomption pointent sur des hommes politiques ou des personnalités du parapublic, sont également indiqués dans le film qui note qu’en 2011 l’Association de lutte contre les crimes rituels au Gabon a enregistré 62 crimes, soit un crime environ par semaine. L’association a par ailleurs recensé 40 cas de crime rituels au Gabon en 2008, 42 cas en 2009 et 37 en 2010.
La voix off clos le documentaire en ces termes : «les crimes rituels continuent au Gabon. Grâce au courage et au travail de Jean Elvis et de son association, le tabou est brisé. Certains hommes politiques commencent à en parler publiquement. Mais dans un pays où pouvoir et sorcellerie sont intimement liés, l’estuaire de Libreville n’a pas fini de livrer des corps mutilés.»
tant que Ali sera au pouvoir ces crimes contunierons sans cesse