L’Université Omar Bongo de Libreville est de nouveau sous les projecteurs de l’actualité depuis le lundi 16 avril dernier, avec les assemblées générales à répétition des étudiants et les violences entre ceux-ci et les forces de sécurité nationale. La violence est sortie de l’épicentre de l’université ce 18 avril.
Ce mercredi 18 avril en effet, la tension est encore montée d’un cran du côté du «Grand portail» où les forces de l’ordre ont mis un terme à une autre assemblée générale des étudiants qui réclamaient leur départ de l’enceinte de cette académie. Les choses ont donc dégénéré et les violences qui partaient de l’université, se sont étalées le long du boulevard Léon Mba où les barricades habituelles ont été érigées.
Les forces de l’ordre répliquaient aux projectiles des étudiants avec des grenades assourdissantes et alternaient la course poursuite des étudiants avec l’observation statique. Des feux allumés par cette furie ont été signalés au rond-point de la Démocratie, à Sotéga et notamment sur la voie principale jusqu’à l’Ex-gare routière de Libreville. De violents échanges, projectiles contre grenades assourdissantes, ont été signalées sur le pont de l’ancienne RTG, de même qu’aux alentours du quartier Derrière-la-prison. La perturbation de la quiétude publique s’est étendue jusqu’aux abords du marché de Nkembo et de nombreux parents ont accourus aux établissements scolaires en vue d’y récupérer leurs enfants, le bruit ayant couru sur Libreville selon lequel les étudiants faisaient sortir les élèves des salles de classe en vue de donner plus de volume à leur manifestation. De nombreux pneus, poubelles et ordures diverses ont été mis à feu dans un rayon considérable autour de l’université. Comme toujours en pareille circonstance, la disparition des moyens de transports en commun, a engendré des colonnes de piétons et de longues files d’attentes aux points de ramassage des bus ou des taxis.
Depuis quelques jours déjà, des détonations et des colonnes de fumée montent de l’Université Omar Bongo. Elles sont la conséquence, selon le témoignage de nombreux étudiants, des frictions régulières entre les étudiants et les forces de l’ordre. «Au sein du campus, nous ne sommes plus à l’université. La tension là-bas est celle du quartier Awendjé au moment des crises politiques. Nous ne pouvons plus parler entre nous. Dès qu’il y a plus de trois étudiants ensemble, les gendarmes interviennent pour nous disperser. Parfois ils rodent dans les couloirs alors que nous sommes en plein cours. Nous n’avons plus notre intimité. Nous voulons le rétablissement de la franchise universitaire», explique un étudiant agacé. Certains enseignants s’inscrivent d’ailleurs dans cette logique et ne veulent plus dispenser leurs enseignements tant que ne sera pas estompée la présence des agents en tenue au sein de l’institution.
Pour rappel, cette situation est la résultante des grèves répétitives qu’enregistre l’université Omar Bongo depuis près d’une vingtaine d’années. Cette fois, dans la première quinzaine du mois de mars dernier, les étudiants ont déclenché un mouvement de grève pour revendiquer le paiement de leurs bourses et la fin de la limitation d’attribution de celles-ci à 27 ans. Une situation qui a occasionné de violentes manifestations, entrainant des dégâts matériels, la séquestration du Recteur, la suspension de près d’une dizaine d’étudiants et l’arrestation puis la relaxe de certains d’entre eux, leaders présumés de ces mouvements.
Les enseignants-chercheurs sont également entrés dans la danse le 16 mars dernier à travers le Syndicat national des enseignants-chercheurs (SNEC) pour revendiquer la régularisation des situations administratives, l’aboutissement du dossier des parcelles à Agondjé et l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie.
Après quelques pourparlers et la montée au créneau du gouvernement gabonais, les choses semblaient rentrées dans l’ordre. Tous les étudiants arrêtés suite aux actes de vandalisme perpétrés dans cet établissement avaient été libérés après leur audience du 28 mars au parquet, selon un communiqué du gouvernement. Aussi, deux commissions chargées de la régularisation des situations administratives et de l’aboutissement du dossier des parcelles des enseignants ont été mises en place pour apporter des solutions à ces problèmes.
Ce qui avait favorisé la reprise des enseignements dans cette académie. Cependant, les forces de l’ordre y sont restées pour assurer la sécurité des biens et des personnes, à la demande du Rectorat, au regard des récentes violences qui y ont eu cours. De facto, « ce sont les franchises universitaires qui ont été violées », dénoncent les étudiants en colère.
On s’interroge alors sur la question de la politisation des universités gabonaises, notamment de l’UOB. A ce sujet, le président du SNEC, Jean Rémy Yama, répondait : « Ceux qui voient la politique partout sont des incompétents. Je fais du syndicalisme depuis 12 ans, je n’ai jamais été politisé. Je n’ai jamais vu un étudiant pour lui dire de faire quoique ce soit. Les hommes politiques, ceux qui ont plus de moyens sont ceux qui sont au pouvoir. Si c’est politisé, alors dans ce cas, ce sont ceux qui sont au pouvoir qui politisent cela. Vous pensez que quelle que soit votre opinion politique, vous pouvez manipuler 12 000 ou 20 000 étudiants? Ce n’est pas possible! Les étudiants posent des problèmes qui sont réels même s’il y a une petite dose d’exagération, ça existe partout. Même nous au syndicat, lorsque nous posons des problèmes, il y a aussi des extrémistes parmi nous, mais le bon sens gagne toujours à la fin. Pour les étudiants, c’est la même chose. Je ne crois pas à la politisation des universités. Je crois plutôt à l’incapacité de certains de régler les problèmes ».
Quoi qu’il en soit, l’UOB connaît les mêmes problèmes depuis plusieurs décennies et les uns et les autres ne souhaitent qu’une réelle implication des autorités gabonaises pour apporter des solutions concrètes et durables à cette académie pour qu’on en arrive plus à de tels dépassements.