Le parquet de Paris a ouvert lundi une enquête préliminaire de police sur les accusations de financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007 par le régime de Mouammar Kadhafi en Libye, vivement contestées par le président-candidat.
Cette affaire envenime la campagne présidentielle à deux jours du débat télévisé entre les deux candidats et à six jours du second tour pour lequel le socialiste François Hollande est le favori des sondages.
L’ouverture de la procédure, confiée au directeur régional de la police judiciaire, a immédiatement suivi la plainte déposée par le chef d’Etat sortant contre deux journalistes et le directeur de publication du site d’informations Mediapart pour « faux, usage de faux, recel de faux et publication de fausses nouvelles ».
Cette qualification, préférée à celle de la diffamation, va amener la police à s’intéresser au fond du problème et donc à la véracité éventuelle du document publié samedi par Mediapart, portant ce qui est présenté comme la signature du patron des services secrets libyens de l’époque, Moussa Koussa.
Le site l’a présenté comme une note des autorités libyennes formalisant un accord pour un appui à la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007 pour un montant de cinquante millions d’euros.
Mediapart dit avoir obtenu ce document « d’anciens hauts responsables du pays » qui ne sont pas nommés.
Sur France 2 lundi matin, le président français a parlé de manipulation. « Ce document est un faux grossier (…) tout simplement parce que les deux personnes en Libye censées avoir envoyé ce document et le recevoir l’ont démenti », a dit Nicolas Sarkozy en accusant une nouvelle fois Mediapart d’être une « officine ».
NÉGATIONS DES INTÉRESSÉS LIBYENS
Exilé au Qatar, Moussa Koussa a nié dans plusieurs médias être le signataire de ce document. Nommé aussi, Bachir Saleh, autre ex-dignitaire du régime Kadhafi censé en avoir été le « trésorier », a publié un communiqué via son avocat Pierre Haïk à Paris, où il est réfugié. Il dit que la note est mensongère.
Bachir Saleh vit à Paris alors qu’un avis de recherche des autorités libyennes a été diffusé par Interpol. Il a un passeport diplomatique du Niger et bénéficie de l’immunité diplomatique, a dit sur RTL lundi le Premier ministre, François Fillon, qui assure que le gouvernement français n’a pas connaissance de l’existence d’un mandat d’arrêt contre lui.
Nicolas Sarkozy a tenté d’éloigner l’accusation en rappelant que la France avait fait la guerre en Libye en 2011.
« Vous croyez vraiment qu’avec ce que je lui ai fait, M. Kadhafi m’a fait un virement ? Pourquoi pas un chèque endossé, c’est grotesque », a-t-il dit.
La France a été un des fers de lance dans la guerre contre le régime Kadhafi en 2011, mais auparavant, en 2007, le leader libyen avait été reçu en grande pompe à Paris. Des accords avaient été signés prévoyant notamment la vente possible d’une centrale nucléaire, ce que le chef d’Etat français a contesté pendant la campagne.
Mediapart appuie ses accusations, outre cette supposée note libyenne, sur un autre document publié début mars, une note censée avoir été rédigée par un témoin devenu enquêteur privé, Jean-Charles Brisard, rapportant les supposés propos d’un deuxième homme.
Il y aussi les déclarations à Mediapart et à la presse de l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, qui a joué un rôle d’intermédiaire économique entre la Libye et la France à l’époque où Kadhafi était en place, jusqu’à l’insurrection qui devait conduire à sa mort le 20 octobre.
Ziad Takieddine assure qu’il juge crédible les faits, tout en expliquant n’avoir pas d’information directe. Il est mis en examen dans d’autres affaires où il dénonce un supposé « système de corruption » qu’il impute à des proches de Nicolas Sarkozy.
Le candidat socialiste, François Hollande, a estimé que la justice devait être saisie au sujet de cette note. « C’est à la justice d’être saisie. Si c’est un faux, eh bien le site sera condamné, et si ce n’était pas un faux, à ce moment-là il y aurait des explications à fournir », a-t-il dit sur Europe 1.
Thierry Lévêque, avec le service France, édité par Patrick Vignal et Gilles Trequesser