S’il y a un dénominateur, voire un trait commun à la race des Bongo Ondimba qui, depuis 44 ans, préside à une gestion du Gabon outrageusement familiale, ce trait est d’avoir contribué non seulement à désarticuler l’Etat, mais aussi à l’amener à sa faillite généralisée. Ils ont réussi l’exploit de transformer l’une des nations les plus riches d’Afrique en l’une des nations les plus pauvres du continent. Inexplicablement.
Et on reconnaît un Etat en faillite quand, justement, un président autoproclamé est obligé, seulement deux ans et demie après sa frauduleuse prise de pouvoir, de:
1) se doter d’un Conseil Présidentiel qui, bizarrement, devient un organe concurrent du Conseil des ministres ;
2) doter le pays de tellement d’agences avec des fonctions gouvernementales tellement concurrentes du Conseil des ministres que, là encore, l’on se retrouve, d’une part, avec un gouvernement officiel vidé de ses pouvoirs et prérogatives et, à côté, un anachronique Conseil présidentiel et des agences aux fonctions redondantes qui dispersent, compliquent et compromettent l’action gouvernementale.
Il n’y a que dans le Gabon des Bongo Ondimba qu’une telle incongruité peut être vue comme constituant un mode de gestion rationnelle de l’Etat. Un Gabon, finalement, où on croit pouvoir développer le pays avec des fêtes tournantes arrivant à chaque province tous les 9 ans, des stades bâclés, des dons présidentiels que l’on présente comme des faveurs à une nation réduite à mendier son développement, et une propagande que l’on offre aux Gabonais en lieu et place de l’emploi, de la nourriture et de la dignité. Il faut donc aux Gabonais comprendre ce qui se passe réellement dans le Gabon d’Ali Bongo, le Gabon des Bongo Ondimba. Les Bongo ont détruit l’Etat au Gabon, mais ils présentent cette destruction comme une valeur, un exemple digne de l’Afrique, une émergence. Ah bon?!
Normalement, il n’y a pas meilleur Conseil présidentiel que le Conseil des ministres. La vocation première d’un Conseil des ministres est justement de conseiller le chef de l’Etat sur la meilleure manière de mener à bien le projet de gouvernance du régime au pouvoir. Chaque ministre représente ainsi un Conseiller du chef de l’Etat non seulement dans le domaine sous sa responsabilité, mais aussi dans le cadre de la synergie générale qui doit exister au sein du gouvernement. Au sein de l’édifice gouvernemental, chaque ministère est forcément impliqué dans le fonctionnement global de l’Etat et ce que l’un fait affecte obligatoirement ce que font les autres. Un gouvernement est ainsi comme un corps humain. Le simple fait d’une épine au pied affecte tout le corps. Du coup, un ministre des finances ne peut valablement fonctionner s’il ne maîtrise pas ce qui est fait dans tous les ministères en matière de recettes, de dépenses et d’investissements publics, un ministre de l’Economie ne peut valablement opérer s’il ne sait pas ce qui se passe au niveau du ministère de l’emploi, de l’éducation ou des mines, par exemple.
Au lieu, donc, d’être un simple organe invité à écouter les débilités quadragénaires mille fois répétées des Bongo, le Conseil de ministres devrait être le lieu par excellence où, pour une fois, le président écoute ce que chaque ministre a à proposer et à rapporter, de manière à asseoir, justement, une meilleure visibilité de tous sur le fonctionnement de l’ensemble. Quel aveu d’échec, donc, quand un président déjà frappé d’illégitimité se voit obligé, deux ans seulement après sa prise de pouvoir, de procéder non seulement à deux remaniements de gouvernements incompétents, mais également de se doter par la suite d’un Conseil présidentiel qui, anachroniquement, vient se substituer au Conseil des ministres pour faire à la place du gouvernement la politique de l’Etat !
Mais il y a pire. Alors que la constitution actuelle du Gabon ne reconnaît aucunement un organe d’Etat nommé « Conseil présidentiel », le fait même que ce Conseil présidentiel ait été créé de manière arbitraire et hors constitution pour venir gravement empiéter sur les compétences du gouvernement constitue, de ce point de vue, un acte anticonstitutionnel grave. Cet acte non seulement désarticule totalement la notion d’Exécutif au Gabon, mais permet également à Ali Bongo d’exclure le Premier ministre et son gouvernement de la gestion directe de l’Etat comme le commande la constitution.
Pourtant, même la constitution chiffon du Gabon est claire à ce niveau. Elle dit, en son article 8, que le chef de l’Etat « est le détenteur suprême du pouvoir exécutif qu’il partage avec le Premier Ministre ». Autrement dit, l’Exécutif n’est pas constitué que du seul chef de l’Etat. La deuxième composante de l’Exécutif qui partage ce pouvoir avec le Président, c’est le Premier ministre et son gouvernement. Ainsi, c’est le Premier ministre qui non seulement propose au chef de l’Etat la liste des ministres à nommer (article 15), mais aussi agit, constitutionnellement, en qualité de chef du gouvernement (article 31), un gouvernement, donc, dont il dirige l’action, avec comme prérogative additionnelle de s’assurer de l’exécution des lois (article 29).
En d’autres termes, donc, il incombe au gouvernement ainsi défini non seulement de conduire la politique de la nation sous l’autorité du président de la république et en concertation avec lui, mais aussi d’affirmer efficacement son autorité au sein de l’Exécutif puisque la constitution donne au Premier ministre et à son gouvernement des pouvoirs et prérogatives qui mettent l’administration publique et les forces de défense et de sécurité à leur disposition (article 28). Le Premier ministre gabonais a donc, constitutionnellement, des pouvoirs qui lui permettraient de gouverner, mais aucun n’a jamais osé faire usage de ces pouvoirs pour affirmer son rôle au sein de l’Exécutif. Tous, depuis Léon Mebiame, ont été des béni-oui-oui. C’est dire, donc, que la création arbitraire d’un Conseil présidentiel dont l’existence n’a jamais été entérinée par la législature, c’est-à-dire par le biais d’un amendement constitutionnel en bonne et due forme, dénature, en fait, l’Exécutif et relègue le Premier ministre et son gouvernement au simple statut de figurants, parachevant ainsi le processus anticonstitutionnel de personnalisation du pouvoir commencé par Ali Bongo dès 2009. A la fin, c’est bel et bien la culture de la gestion familiale du pays instituée depuis 44 ans par les Bongo qui est ainsi renforcée.
Ce contournement du gouvernement peut sembler, surtout pour les néophytes de la politique, comme un acte de Président agissant souhaitant prendre lui-même en charge les choses. Mais ce n’est là qu’une apparence qui cache un grave désastre pour le Gabon car Ali Bongo, en fait, ne sait même pas qu’il sème là les graines de sa propre déconfiture politique. Plutôt que d’obtenir l’efficacité gouvernementale souhaitée, cet acte de contournement du gouvernement aura obligatoirement comme conséquences de:
– alourdir et compliquer le fonctionnement de l’Etat par le simple fait de la confusion et du conflit des prérogatives: l’on ne peut, dans une telle confusion, clairement maîtriser qui fait quoi, comment, quand ;
– exacerber une culture des complots et des rivalités politiques déjà prévalente sous le régime de Bongo père ; sous les Bongo, les affidés politiques passent plus de temps à comploter les uns contre les autres qu’à travailler à la consolidation de la politique gouvernementale ;
– créer des trous budgétaires non maîtrisés puisque l’accès triplement ou quadruplement concurrent aux budgets de l’Etat par trois à quatre gouvernements parallèles (le cabinet du Président, le Conseil présidentiel, les ministres et les agences) aura tendance à écarteler les capacités financières de l’Etat et à créer une volatisation des ressources qui finira néanmoins sur un bilan zéro puisque les politiques contradictoires des uns et des autres finiront par saper totalement l’activité gouvernementale ;
– augmenter la masse salariale puisque ces quatre gouvernements parallèles ne peuvent manquer de se doter des ressources humaines utiles à leur fonctionnement ; du coup, la surmultiplication des postes politiques qui résulte de cette situation vient aggraver les dépenses publiques sans pour autant se traduire par une quelconque augmentation de la productivité ou des recettes publiques, bien au contraire !
Les actes d’Ali Bongo sont donc les actes d’un homme embrouillé qui ne sait pas ce qu’il fait à la tête de l’Etat. L’on pourrait même dire que ce sont là les actes d’un enfant gâté qui, trop habitué, sous son père, à obtenir ce qu’il voulait, n’arrive pas, une fois adulte, à contrôler ses pulsions. Il gère le Gabon comme on gère un poulailler. Pourtant, il n’y a rien qu’un Conseil présidentiel peut faire qu’un Conseil de ministres ne pourrait faire : il faut juste des hommes compétents, une politique de gouvernance cohérente et rationnelle, et un Etat de droit construit sur des valeurs démocratiques et libérales.
Il y a un adage en politique qui dit qu’on ne change pas une équipe qui gagne. Autrement dit, si Ali Bongo avait mis en place une équipe gagnante, il ne la changerait pas en seulement deux ans. Le fait, donc, pour lui, de devoir fonctionner avec, quasiment, quatre gouvernements concurrents et parallèles (son propre cabinet présidentiel mené de main de mafioso par le Béninois Maixent Accrombessi, le Conseil présidentiel, le conseil des ministres et la panoplie d’agences aux buts obscurs), et ceci pour essayer de réaliser sa fameuse politique d’« émergence » mort-née, révèle, en réalité, que deux ans seulement après sa prise de pouvoir, Ali Bongo est déjà un homme essoufflé. Essoufflé par son incompétence et son manque de vision pour un Gabon nouveau, essoufflé par un système légué par son père qu’il n’a pas eu le courage de réformer dans un sens libéral et libérateur, préférant l’enfouir sous plus d’arbitraires, plus de diktat, plus de chaos. Il a ainsi dilapidé le peu de capital dont il aurait pu disposer auprès d’un peuple ayant depuis 44 ans vomi les Bongo Ondimba.
Pourtant, c’est généralement dans les deux premières années de pouvoir que, jouissant d’un nouveau mandat du peuple, un président dûment élu a le vent en poupe, avec le soutien presque aveugle d’un peuple généralement disposé à lui donner le bénéfice du doute. Or, sous Ali Bongo, cette troisième année de pouvoir est comme la première: on parle toujours de l’émergence comme d’un projet dont les résultats ne seront visibles qu’en 2025, alors même que c’est au cours des trois années presqu’écoulées que des résultats concrets auraient dû apparaître, sauf si pour Ali Bongo, « l’émergence » se résume à deux stades et à deux ponts bâclés, et ce alors même que le seul pont utile du Gabon, celui de Kango, reste infranchissable et tue peu à peu l’économie nationale. Non seulement c’est maigre comme bilan en près de trois ans de gouvernance sans partage, mais c’est aussi se tromper de but que de croire que développer un pays est une question de construire deux stades et deux ponts improvisés.
Développer un pays commence par des choses simples: éducation, santé, emploi. Puis, par la suite, et spécifiquement pour le Gabon, économie de marché, productivité hors pétrole, compétitivité. Mais avant même que d’espérer obtenir un quelconque résultat, la seule poursuite valable et obligatoire par laquelle commencer s’appelle « réforme »: réforme de la constitution et de l’Etat pour libérer les intelligences productives, avec comme conséquence bénéfique l’établissement de l’Etat de droit et des critères de transparence, de contrôle et de sécurité propices à une mise en confiance du citoyen vis-à-vis de son gouvernement et de ses élus. Bref, il est obligatoire de commencer par les critères de démocratie qui, de nos jours, sont indissociables du développement optimal, du progrès et de la prospérité des nations.
Autrement dit, trois ans, c’est une éternité. Aux USA, avec seulement un mandat de 4 ans, on attend d’un président qu’il fasse ses preuves en deux ans car, après, il est en campagne électorale, une campagne durant laquelle il doit établir et présenter le bilan de ses accomplissements s’il veut se faire réélire. Or, au Gabon, non seulement les Bongo ont échoué sur 44 ans de pouvoir sans partage, mais, en plus, Ali Bongo montre les limites de son œuvre mort-née quand il demande aux Gabonais d’attendre 2025 pour voir les résultats de son émergence. Quoi donc ! Il faut à Ali Bongo 16 ans de pouvoir et 58 ans de pouvoir aux Bongo dans leur ensemble pour accomplir ce que Daniel Mengara pourrait accomplir en seulement 5 ans ?
Et voilà pourquoi Ali Bongo a échoué. Il a passé les trois années les plus précieuses de son règne à se préoccuper de la personnalisation de son pouvoir, et ce hors du giron des textes constitutionnels. Du coup, il ne s’est même pas rendu compte que cette personnalisation du pouvoir était l’équivalent de couper trois pattes à un chien, puis de demander à ce chien de faire la course avec les autres. C’est tout simplement insensé et il n’y a que les Bongo Ondimba pour croire qu’ils sont si intelligents qu’ils sont capables de diriger le Gabon tous seuls. Pourtant mal nés sur le plan du génie individuel, ils ont cru pouvoir se substituer à toute une nation, étouffant par la vanité animalière toutes les formes d’intelligence qui auraient pu, dans leur propre camp comme dans celui de l’opposition, apporter la dignité à la nation. Il y a une raison pour laquelle, même dans nos villages, il y a des conseils de village. Un gouvernement a besoin de cohérence et de cohésion pour fonctionner de manière optimale. On ne peut pas désarticuler la notion même de l’Etat, établir quatre gouvernements concurrents dans un pays déjà désordonné par le bongoïsme quadragénaire et espérer, comme par miracle, que le Gabon émergera. Où ? Quand ? Comment ? Par quelle prestidigitation dionysiaque ? Celle des zéro fautes en dictée dans des baccalauréats imaginaires inventés de toutes pièces par des esprits malades incapables de transcendance ? Ou tout simplement celle de la stupidité ?
Il est vrai que l’histoire du monde est faite de dynasties ayant, pour certaines nations, apporté grandeur et honneur. Celle que les Bongo veulent instaurer pendant 70 ans au Gabon n’est pas de celles-là. La politique d’« émergence » tant vantée par les Bongo est une imposture. Une imposture qui a mené le Gabon à la faillite générale. La seule chose dont le Gabon a besoin d’émerger aujourd’hui, c’est du bongoïsme. Tant qu’un Bongo Ondimba sera au pouvoir, on ne peut rien espérer voir de bon au Gabon. Ali Bongo, manifestement, est noyé. Comme son père avant lui, il a à la manière d’un chat botté, mis des bottes trop grandes pour lui. Il ne sait ni ce qu’il fait ni quoi faire, et encore moins comment le faire. Les Bongo Ondimba sont tout simplement incapables. Incapables d’imagination. Incapables de vision. Incapables d’humanité. Incapables de compétence. Ils l’ont démontré à suffisance. Avec les revendications récurrentes de nos étudiants chaque année confrontés aux mêmes vieux problèmes jamais résolus depuis, au moins, 22 ans. Et comme réponse on leur envoie des soldats, des chars et des gaz lacrymogènes. Avec les problèmes de misères économiques qui condamnent les Gabonais à un désemploi chronique atteignant aujourd’hui 35% de la population active, poussant désormais les Gabonais à se nourrir dans les poubelles et les décharges publiques. Et comme réponse on crée des Conseils présidentiels sans substance réparatrice. Rien que du pipeau. Comme l’ont été avant les fameux gouvernements de rénovation et de combats mille fois nommés et ressassés, les fameuses refondations vite fondues comme du beurre sous le soleil malarial de l’Equateur. Avec les arbitraires d’un Etat pris en otage pour servir les lubies d’un seul homme, d’une seule famille, d’un seul clan. Et on propose aux Gabonais une émergence balbutiante qui, trois ans après, demande maintenant quatre gouvernements parallèles pour s’affirmer. Quatre médecins pour soigner une petite plaie demandant tout juste une toute petite application de pénicilline. Vraiment.
Une chose est donc claire. Les Bongo doivent partir. Il faut les virer de là. Par tous les moyens. C’est la seule voie. La seule solution. Tout l’avenir du Gabon et de ses peuples traumatisés en dépend.
Dr. Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir – Modwoam
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