Richard Attias organise, avec Richard Attias & Associates et en partenariat avec l’État gabonais, le New-York Forum Africa de Libreville. Dans cet entretien, il aborde de nombreuses questions relatives à ce forum qui réunit plus de 600 personnalités économiques, politiques et sociales du monde.
Quelle différence y a-t-il entre le forum de Davos et le New-York Forum Africa ?
Le New-York Forum et donc la version New-York Forum Africa ont un ADN très particulier. C’est un forum 100% économique. L’essentiel des sujets qui sont abordés sont choisis pour bien comprendre les enjeux économiques qui se posent à un moment donné dans une région ou dans le monde. Au New York Forum on les aborde de façon globale, tandis que le New York Forum Africa fera un zoom particulier sur le continent, sur les problématiques économiques du continent, mais aussi sur ses opportunités en matière d’investissement également.
La deuxième différence, au-delà d’être 100% économique, c’est qu’il se veut aussi résolument tourné vers l’action. Je pense qu’on rentre dans une nouveau modèle de conférences, de communication où les décideurs politiques et économiques n’ont plus tellement le temps d’aller passer trois ou quatre jours dans des conférences si elles ne se transforment pas en véritables plans d’actions et en véritables opportunités de business. « Le temps c’est de l’argent » aujourd’hui et il faut donc un retour sur son investissement.
Troisièmement, nos forums sont à taille humaine, nous n’essayons pas de jouer la quantité, nous privilégions la qualité des échanges et la qualité des opportunités qui se discutent. Cela permet d’être concret.
La quatrième différence, c’est que nous permettons aux participants de représenter toutes les couches des différentes communautés économiques. Je m’explique: à la fois les grands barons, c’est-à-dire les représentants de très grandes entreprises que l’on connait ou que l’on reconnait facilement, mais aussi un certain nombre de représentants de petites et moyennes entreprises, d’entrepreneurs dont on sait qu’ils ont un grand potentiel. C’est un vivier qui représente certaines couches particulières de l’économie. Je crois que c’est cet échange, ce mélange entre les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises qui contribuent précisément à créer de la valeur, à créer de l’innovation et donc à créer de nouveaux projets.
Le dernier point, c’est qu’on souhaite que le New-York Forum Africa soit une passerelle entre le secteur public et le secteur privé. En Afrique particulièrement, on sait combien les partenariats public-privé sont l’une des grandes solutions possibles au développement économique des pays. En somme, on espère que le New-York Forum Africa devienne un porte-voix de la communauté africaine du business et de la politique vers les décideurs internationaux que sont des institutions comme le G8 et le G20, qui ont incontestablement à reconsidérer le rôle qu’elles jouent pour soutenir et intégrer l’Afrique dans la carte internationale sur un plan économique, à un moment où l’économie mondiale va mal.
Pour quoi avez-vous choisi d’organiser ce forum à Libreville qui n’est pas forcément un pôle des affaires, une plaque tournante du business sur le continent, comparé à Douala, Abidjan, Dakar ou Johannesburg ?
Vous avez parlé de Davos, pensez-vous que la ville de Davos est une plaque tournante du business ? C’est en Suisse, dans la montagne et loin de toute économie. On a choisi Libreville pour plusieurs raisons. Premièrement, on a choisi Libreville parce que ce grand forum panafricain économique se fait à l’initiative du président Bongo Ondimba. Et je crois qu’il faut rendre un hommage, sans aucune démagogie à un chef d’État africain qui, a un moment donné, a souhaité organiser un forum panafricain et qui correspondait parfaitement à ce que nous faisions déjà à New-York.
La deuxième raison qui fait que nous avons été particulièrement motivés à l’idée de le faire à Libreville, c’est que la position du Gabon est très centrale dans le continent, et que les grands conférences ou forums qui ont existé dans le passé, et de quelque nature que ce soit, ont été, pour leur grande majorité, organisés en Afrique du Sud ou au Maroc. C’est-à-dire aux deux extrémités du continent. Je crois qu’il est bien par moment de ramener le centre de gravité au centre du continent.
La troisième raison qui m’a aussi particulièrement motivé, c’est que l’Afrique n’est pas qu’une Afrique anglophone. L’Afrique a aussi une forte dimension francophone et qu’il est important, là aussi, souvent de déplacer le centre d’intérêt dans des pays qui sont francophones, en invitant l’ensemble de la communauté internationale. Ce n’est pas un forum pour les décideurs francophones. Bien au contraire, mais c’est bien que cela ait lieu aussi dans un pays de la francophonie.
Enfin, et en toute objectivité, je trouve que le business modèle gabonais, tel qu’il est définit depuis deux ans dans la stratégie du président, est un business modèle très intéressant. Le triptyque Gabon industriel, Gabon des services, Gabon vert est le pilier de la stratégie du Gabon émergent.
Croyez-vous que tous les pays qui viendront se retrouveront dans ce modèle ?
J’ignore si des pays se retrouveront là-dedans. En tout cas, certains pourront tout à fait s’inspirer de ce modèle. Car, aujourd’hui, même dans les économies occidentales, on remarque que beaucoup de stratégies se bâtissent sur le fait qu’il faut industrialiser voire réindustrialiser son pays. La preuve, c’est que les états-Unis sont bien entrés aujourd’hui dans une course à la réindustrialisation du pays, parce que, malheureusement, les industries américaines ont fui un peu à l’extérieur, et que pour créer des emplois il faut aussi créer des industries. Ensuite, il n’y a pas un pays dans le monde qui ne reconnaît pas qu’il faut adopter une politique dans le domaine du développement durable, dans le domaine du tourisme a l’image du Gabon vert et troisièmement les métiers de services sont également l’un des piliers de l’économie. Je pense que le pays qui ne s’y reconnait pas est un pays qui n’a pas toujours bien réfléchi sa stratégie.
Quelle est la nature du partenariat que Richard Attias & Associates a avec le gouvernement gabonais et quelles sont concrètement les retombées de ce rendez-vous ?
Le partenariat est très simple. Le Gouvernement Gabonais et la Fondation du New-York Forum se sont associés pour coproduire le New-York Forum Africa. Nous élaborons ensemble le programme et définissons les objectifs.
Des projets sont sélectionnés au niveau du Gabon, comment seront-ils managés? Peut-ont s’attendre à leur mise effective sur pied après ce forum ?
Des projets sont sélectionnés au Gabon au même titre que dans d’autres pays. J’imagine qu’ils seront présentés lors des débats et qu’ils illustreront les stratégies. La vraie question à se poser ensuite est de savoir convaincre les investisseurs internationaux, les partenaires éventuels, que ces projets peuvent se réaliser vite et qu’ils peuvent avoir un retour sur investissement.
L’Afrique a d’énormes potentialités, et on parle d’une croissance de l’ordre de 6% par an alors que le peuple demeure toujours pauvre en grande majorité. Le New-York Forum Africa se présente-t-il finalement comme le forum du changement ?
Nous n’avons pas la prétention de parler du forum du changement. Mais après avoir planifié pendant 20 ans, à la fois des stratégies de communication, des conférences de tous types, je suis arrivé au constat, il y a trois ans, qu’il fallait absolument réinventer le business modèle de ces conférences, et qu’il fallait donc changer. En ce sens, je ne sais pas si le New-York Forum est celui du changement mais c’est un forum d’un genre différent. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous essayons de créer un mode extrêmement collaboratif entre les participants d’où qu’ils viennent. Par ailleurs nous évoquons des sujets qui sont de véritables enjeux, de véritables défis. Nous quittons les salles de débats et de travail avec un plan d’action et de véritables solutions. Des solutions qui émanent des participants. Plutôt que d’avoir des conférences trop passives. On essaie d’avoir une formule extrêmement interactive.
En quoi est-ce également un forum différent? Depuis deux ans, le New-York Forum a contribué de façon significative à des restrictions et à des plans qui ont été mis en œuvre par certains pays ou par certains chefs d’État. L’année dernière, alors qu’on était toujours aux États-Unis dans une crise majeure de l’emploi, nous avons tenu un certain nombre de discussions qui ont été obsessionnellement tournées vers “que devons-nous faire pour créer des jobs?” A telle enseigne que le président Barack Obama avait accepté de détacher son Conseil spécial sur l’emploi à participer au forum avec une session spéciale où il y avait sa conseillère spéciale, Valérie Jarrett et d’autres grands patrons américains. Nous sommes arrivés sur des idées concrètes pour recréer des emplois. Certaines de ces propositions ont été reprises dans le plan de relance de l’emploi et de la création de croissance aux USA. Ce que l’on espère, tout simplement, c’est que par cet échange de bonnes volontés en Afrique, on arrive à des idées qui peuvent contribuer à réinventer les business modèles et donc à changer. A défaut d’être le forum du changement, il se veut être un catalyseur, un facilitateur d’échanges de telle sorte que chacun prenne conscience que de toutes les façons, on n’a pas d’autre choix que de changer.
Y a-t-il quelque chose qu’on n’a pas évoqué alors que vous aurez voulu en dire en un mot ?
Non. Je pense qu’il reste à mesurer le véritable engagement de l’Afrique du moment où d’énormes opportunités s’offrent à ce continent. Le Gabon a pris l’initiative de cette plate-forme, j’ose espérer que nombreux sont ceux qui reprendront cet élan et qu’ils profiteront de cet élan pour en bénéficier et pour savoir surfer sur la vague.
Article original : https://gabonreview.com/blog/new-york-forum-africa-a-la-rencontre-de-richard-attias/#ixzz1xLuRSYzu