Avec deux élus, le Front national va retrouver l’Assemblée après 14 ans d’absence, une victoire symbolique forte, mais sans sa présidente Marine Le Pen, battue d’extrême justesse dans le Pas-de-Calais alors que sa nièce Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard l’ont emporté.
Chez les Le Pen, le paradoxe est de taille. Vingt-quatre ans après Jean-Marie Le Pen (député en 1956-58 et 1986-88), ce n’est pas la patronne du parti d’extrême droite qui va ramener le patronyme familial au Palais Bourbon, mais sa nièce, étudiante en droit de 22 ans parachutée récemment dans la 3e circonscription du Vaucluse, à Carpentras.
L’autre élu du « Rassemblement bleu marine » n’est pas encarté au FN. Il s’agit de l’avocat médiatique Gilbert Collard, vainqueur dans la 2e circonscription du Gard lors d’une triangulaire avec l’UMP et le PS.
Fidèle à lui-même, l’homme des prétoires a promis de remplir « une mission de casse-couille démocratique » à l’Assemblée.
En revanche, Marine Le Pen, sortie en tête du 1er tour avec plus de 42%, est battue d’extrême justesse (118 voix) dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais par le PS Philippe Kemel (50,11%). Le FN a annoncé un recours.
D’autres candidats frontistes ont perdu dans des circonscriptions où ils étaient bien placés. C’est le cas notamment dans la 16e des Bouches-du-Rhône de Valérie Laupies (48,71%), battue par le PS Michel Vauzelle, alors que l’UMP Roland Chassain s’était retiré du second tour pour la faire gagner, un cas unique dans ces élections.
Quant à Florian Philippot, l’un des plus proches lieutenants de Marine Le Pen, il s’incline à Forbach (6e de Moselle), avec 46,30% contre le PS Laurent Kalinowski.
Au final, les deux victoires ont lieu dans deux des 28 triangulaires. Dans ses 31 duels (9 contre l’UMP, 22 contre la gauche) le FN ne l’emporte jamais, signe de sa difficulté à casser le plafond des 50%, mais il augmente ses voix partout entre les deux tours, parfois de manière substantielle, surtout face à la gauche.
Présent dans 59 circonscriptions au second tour, le FN dépasse les 40% des voix dans 14 cas.
« Nous sommes deux seulement », « mais nous y sommes », s’est félicité Gilbert Collard dans le Gard, Marine Le Pen saluant à Hénin-Beaumont « un énorme succès ».
Pour le sociologue Sylvain Crépon, spécialiste du FN à l’université de Nanterre, le retour de frontistes au Palais Bourbon est « symboliquement très fort ».
Handicapé depuis toujours par le scrutin majoritaire à deux tours aux législatives, le FN n’avait réussi à contourner l’obstacle que deux fois dans le passé (Yann Piat en 1988, Marie-France Stirbois en 1989). Avec ses deux victoires dimanche, le parti d’extrême droite retrouve une Assemblée nationale dont il était privé depuis 1998, quand l’élection de Jean-Marie Le Chevallier avait été invalidée.
Pour Sylvain Crépon, la défaite de Marine Le Pen constitue cependant un véritable bémol.
« Si elle avait été à l’Assemblée nationale, avec sa personnalité, son aura et son sens de la communication, il y aurait eu un écho considérable. Avec son absence, l’écho risque d’être amoindri », explique-t-il à l’AFP, en se demandant si Gilbert Collard, « un franc-tireur », « va jouer le jeu et être solidaire jusqu’au bout ».
Deux mois après avoir réuni 6,4 millions de voix et 17,90% au 1er tour de la présidentielle, le FN, qui a vu son score refluer aux législatives (13,6%) se retrouve avec seulement deux élus à l’Assemblée nationale.
« On en a encore la preuve aujourd’hui. Le Front national ne peut parvenir au pouvoir qu’en passant des alliances », souligne M. Crépon.
Un troisième député d’extrême droite retrouvera bientôt le Palais Bourbon. Il s’agit de Jacques Bompard, président de la Ligue du sud et ancien compagnon de route de Jean-Marie Le Pen au FN, qui a été élu dimanche dans le Vaucluse.