Le progressiste Fernando Lugo a été remplacé vendredi par son vice-président, appartenant au parti libéral, Federico Franco Gomez. La plupart des pays d’Amérique ontqualifié d’«illégitime» cette destitution express.
La procédure de destitution du président paraguayen n’a duré que quelques heures vendredi 22 juin devant le Sénat: 39 voix pour, quatre contre et 2 abstentions. Fernando Lugo avait peu d’espoir d’éviter cette humiliation, tous ses alliés l’ayant abandonné la veille au parlement. Il a tenté, à la dernière minute, de freiner le processus en faisant appel à la Cour suprême, mais rien n’y a fait. Quelques minutes plus tard, son vice-président, appartenant au parti libéral, Federico Franco Gomez, revêtait l’écharpe tricolore et saisissait le bâton symbole du pouvoir, jurant fidélité à la Constitution devant le Congrès. «Je veux être clair, le 15 août prochain, un président élu par le peuple accèdera à la présidence, a-t-il déclaré sur CNN en espagnol. Je ne vais pas me présenter. Je suis conscient du moment spécial (que vit le pays et je dois) y renoncer. Je suis jeune, j’ai 49 ans». Il a assuré que rien n’a été ni ne sera fait en dehors de la loi.
Pourtant, la procédure expéditive utilisée pour renverser le président paraguayen fait inévitablement penser à un coup d’État qui aurait pris les apparences de la légalité. Les motivations exprimées dans l’acte de destitution évoquent un président qui aurait «mal rempli ses fonctions». Il est accusé d’avoir agi d’une manière «impropre, négligente et irresponsable, provoquant le chaos et l’instabilité politique dans toute la république».
Ces accusations font suite à un massacre perpétré vendredi 15 juin à Curuguati. Des paysans sans terre occupaient une propriété. Lors de son élection, Fernando Lugo avait promis une réforme agraire dans un pays où 90% des terres cultivables appartiennent à 2% de la population. Mais cette promesse n’a jamais pu être tenue, provoquant la mobilisation des paysans. Il y a une semaine donc l’occupation a tourné au drame quand des affrontements ont éclaté avec la police, tuant onze paysans et quatre policiers.
Un «coup d’État parlementaire»
La plupart des pays sud-américains ont condamné cette destitution, la jugeant illégitime. La première condamnation est venue de Quito avec le président équatorien Rafael Correa. À Caracas, Hugo Chavez a qualifié d’ «illégitime» le nouveau président Federico Franco Gomez. Le président bolivien Evo Morales a dénoncé un «coup d’État parlementaire», alors que la présidente argentine a parlé d’un «coup d’État inacceptable». À Santiago, le chef de la diplomatie, Alfredo Moreno, s’est joint à la dénonciation générale en estimant que le procès en destitution particulièrement expéditif «n’avait pas rempli les critères minimaux requis» par ce type de procédure.
L’ex-évêque de 61 ans a fait une brève déclaration après sa destitution disant se soumettre «à la décision du Congrès… Ce n’est pas Fernando Lugo qui a reçu un coup… C’est l’histoire paraguayenne, sa démocratie, qui ont été profondément blessées». Fernando Lugo avait été élu en 2008 mettant fin à 62 ans de pouvoir du parti de droite Colorado. Depuis, plusieurs femmes l’ont accusé d’avoir eu des relations sexuelles suivies avec elles lorsqu’il était évêque. Fernando Lugo a reconnu en 2011 la paternité d’un enfant né de ces relations.
Par Patrick Bèle