LA l’occasion de la journée internationale des veuves, la rédaction de Gabon Matin a échangé avec la première Dame du Gabon, Sylvia Bongo Ondimba.
Gabon Matin : Madame la première Dame, pouvez-vous rappeler les raisons qui vous ont motivée à plaider pour l’adoption de la Journée Internationale des Veuves ?
Sylvia Bongo Ondimba : Au Gabon, mes tournées dans les provinces et mes nombreux échanges avec la population m’ont fait prendre conscience de l’ampleur du problème au niveau national. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les histoires de ces femmes qui sont non seulement victimes de spoliation mais également de violences physiques et verbales du simple fait qu’elles soient veuves. J’ai été bouleversée par les témoignages de ces femmes victimes de pratiques inacceptables, dans une indifférence généralisée. Ces actes sont catastrophiques pour la cellule familiale qui se retrouve brisée et déstructurée. Il était humainement inacceptable de fermer les yeux sur cette triste réalité, et je me suis fixée pour objectif de faire bouger les lignes sur cette question.
En tant que Première Dame, mon rôle est d’être à l’écoute de mes concitoyens et d’être leur relai auprès des autorités. C’est la raison pour laquelle j’ai mené un intense plaidoyer au Gabon et auprès de la communauté internationale pour alerter l’opinion publique sur cette problématique universelle, ce fléau social persistant mais silencieux. La question des veuves transcende les frontières, et nécessite une réponse concertée émanant de l’ensemble de la communauté internationale pour être réglée de manière durable.
Un an après le lancement de la Journée internationale des Veuves au Gabon, quel est votre sentiment et quel bilan faites-vous ?
Je voudrais déjà remercier, une fois de plus, tous ceux et toutes celles qui m’ont accompagnée, à titre personnel ou dans le cadre de leurs fonctions, dans ce combat pour la dignité humaine. Sans eux, rien n’aurait été possible. Grâce à ces personnes, la première édition de la Journée Internationale des Veuves a permis d’émettre un signal fort à l’endroit de la communauté internationale. Au Gabon, elle a notamment permis d’accélérer la prise de conscience par les pouvoirs publics de l’urgence de la situation ; et d’engager des mesures, aussi concrètes que rapides, pour améliorer les conditions de vie des veuves dans notre pays. Aujourd’hui, je me réjouis des avancées réalisées, mais je constate que le chemin qui nous reste à parcourir est encore long pour assurer aux veuves une protection efficace. Je pense notamment à la question de la reconnaissance légale du mariage coutumier.
En 2012, le Gabon devra aller plus loin dans la reconnaissance des droits des veuves gabonaises. C’est d’ailleurs le message que j’ai défendu devant les honorables députés de l’Assemblée nationale la semaine dernière. Car, en réalité, le plaidoyer pour les veuves doit contribuer au renforcement du socle familial dans notre pays. Nous ne pouvons plus accepter que les veuves mariées uniquement à la coutume ne puissent pas prétendre à l’héritage de leur époux décédé. De même, nous devons mieux les accompagner dans leurs démaparcours administratif et judiciaire lorsqu’elles veulent entrer en possession de leur héritage. Car dans beaucoup de cas, il s’agit encore d’un véritable chemin de croix. Les décisions du dernier conseil des ministres devraient contribuer à faire évoluer nettement les choses. Il faut saluer ces avancées.
Quel sentiment vous anime aujourd’hui sachant que beaucoup de choses ont été faites à l’endroit des veuves grâce à votre dynamisme et à votre élan de cœur ?
Je me réjouis que la situation ait favorablement évolué, mais je serai pleinement satisfaite quand le Gabon sera un modèle de progrès social. En tant que Première Dame, je considère qu’il est de mon devoir d’être aux côtés des plus démunis et de me faire la voix des sans voix. Mais, en aucun cas, je ne pourrais ni ne voudrais, me substituer aux pouvoirs publics. Nous avons la chance d’avoir un pays doté d’institutions solides ; les pouvoirs exécutif et législatif remplissent bien leurs missions telles qu’elles sont définies par la constitution. Mon rôle est d’éveiller les consciences, de sensibiliser les pouvoirs publics pour susciter une prise de conscience collective permettant un grand rassemblement autour de causes communes. Et la défense des Veuves en est une. Telle est la mission à laquelle je consacrerai toujours une très grande attention.
Un mot à l’endroit des femmes et des veuves, en particulier ? S’agissant des veuves, j’aimerais leur adresser un message d’espoir. Aujourd’hui, nous attendons beaucoup des pouvoirs publics, mais j’ai confiance en mon pays. Et, pour ma part, soyez assurées que je continuerai mon plaidoyer partout où une tribune me sera offerte. Mais je n’oublie pas les veufs, certes moins nombreux, mais qui peuvent connaitre aussi les douleurs de la solitude.
Oui nous célébrons la Journée internationale des Veuves, mais ayons une pensée pour tout conjoint survivant, femme ou homme. Quant aux femmes, j’aimerais les assurer de mon engagement à leurs côtés et leur rappeler qu’elles sont la clé du développement de notre pays. Elles sont le socle de nos familles, de nos communautés, le cœur de nos sociétés. Malheureusement, elles ne sont pas toujours protégées. J’ai conscience de leurs difficultés mais j’œuvrerai sans relâche pour les accompagner afin qu’à leur tour, elles soient en mesure d’offrir la meilleure éducation possible à leurs enfants.
De manière générale, je voudrais que toutes les Gabonaises croient sereinement en leurs rêves ; nourrissent de grandes ambitions, et aient de brillantes carrières professionnelles. Ainsi nous construirons une société reposant sur un socle familial fort.