A l’occasion de la visite du président gabonais à François Hollande, quatre organisations ont organisé jeudi après-midi un rassemblement dans le 7e arrondissement. Ça suffit comme ça !, Greenpeace, Sauvons les riches et l’association Survie protestent contre la poursuite de la coopération du gouvernement avec les dictatures africaines.
Le point de rendez-vous était situé à la sortie de la station de métro Rue du Bac, boulevard Raspail. Une trentaine de personnes devait ensuite se diriger avec pancartes et banderoles vers le 51 rue de l’Université, un hôtel particulier appartenant à la famille Bongo et qui constitue un symbole en matière de « biens mal acquis ». Acheté selon Fabrice Tarrit, président le l’association Survie, « cent millions d’euros » avec l’argent de l’Etat gabonais, puis rétrocédé à une société dont les principaux actionnaires sont des membres de la famille du président du Gabon, il appartient de fait au clan Bongo, au pouvoir depuis 1967.
Mais les forces de l’ordre ont empêché les manifestants de se déplacer : les slogans « Bongo dictateur, Hollande complice ! », ou encore « La fin de la FrançAfrique, c’est maintenant ! », n’ont pas pu résonner devant les portes du bâtiment visé. Les personnes réunies espèrent tout de même avoir interpelé la classe politique, et montré leur désapprobation à l’égard de la réception par François Hollande, de celui qu’ils qualifient unanimement de dictateur.
« Un symbole de continuité avec le passé insupportable »
Un adhérent de Survie, qui souhaite rester anonyme, explique ainsi qu’il attendait plus du président français dans la lutte contre les dictatures en Afrique. Il souhaitait « qu’il propose une politique de soutien à la démocratie en Afrique, notamment dans les anciennes colonies. […] Au Gabon, l’élection de Bongo en 2009 a été frauduleuse (…) et depuis, la répression s’est accentuée. La dictature d’Ali Bongo est plus dure que celle de son père, il s’impose vraiment par la force. Donc l’invitation de Hollande est un scandale. Ça donne un signe positif aux autres dictatures d’Afrique ». Cet adhérent attend à présent de François Hollande qu’il soutienne le plan proposé par les partis d’opposition gabonais d’organiser une conférence nationale pour l’organisation d’un nouveau processus électoral, et qu’il affiche clairement un soutien à la démocratie en Afrique. Et de conclure que la réception à l’Elysée d’Ali Bongo est un « symbole de continuité avec le passé insupportable ».
Juliette Poirson, de Survie, avait vu dans le changement de gouvernement un espoir concernant la politique africaine et notamment la restitution des biens mal acquis. Aujourd’hui, si elle se réjouit du fait que la pétition contre la réception d’Ali Bongo, lancée il y a quelques jours, totalise déjà plus de 60 000 signatures – « du jamais vu » sur ce genre de sujet – elle déplore la mauvaise orientation prise en ce début de quinquennat. « Au début du mois de juin, François Hollande a reçu Mamadou Issoufo, le président du Niger, concernant l’uranium et l’ouverture le plus rapidement possible de mines dans le pays », explique-t-elle, regrettant que la France fasse encore passer ses intérêts économiques avant une politique de démocratisation de l’Afrique.
Espoir déçu
Cet espoir déçu, Marie Yared le partage. Chargée de campagne de l’association Avaaz (une « communauté de cyber citoyens » à l’origine, avec Survie, de la pétition contre la réception du chef d’Etat gabonais), elle rappelle que durant la campagne, François Hollande avait pris des engagements très forts : « Il avait dit, j’ai la citation, « je veux que le 6 mai soit une très bonne nouvelle pour les démocrates et une mauvaise nouvelle pour les dictateurs « . Et là, il reçoit Bongo alors que son élection a été marquée par des fraudes et que la détention d’opposants s’est accentuée au début du mois ». L’association Azaaz aurait voulu, explique-t-elle, « l’annulation de ce rendez-vous honteux », et déplore les promesses non tenues. « En 2007, Sarkozy avait promis la fin de la Françafrique, Hollande aussi. C’est très cynique en fait, ce sont de fausses promesses ». Les attentes perdurent tout de même pour la fin du quinquennat, avec l’espoir que les politiques finissent par changer.
La société civile gabonaise à Paris
Régis Essono représentait cet après-midi la société civile gabonaise. Il réclame lui-aussi une nouvelle politique africaine des autorités françaises, assurant que « out est possible, c’est une question de volonté pour la France ». Il demande à ce que Paris ait des relations « responsables » avec le Gabon, en n’acceptant plus la maltraitance des populations du pays et en favorisant la progression de la justice dans l’affaire des biens mal acquis : « il faut donner aux juges les moyens d’avancer dans leur enquête, et arrêter de leur mettre des bâtons dans les roues ». Georges Mpaga (photo), porte parole du collectif Ça suffit comme ça ! au Gabon et président du réseau de bonne gouvernance, est encore plus ferme : « Il faut que Bongo soit considéré comme infréquentable » par l’Elysée, car « il a été élu sur un coup d’Etat électoral », c’est un « pouvoir mal acquis (…) qui doit être démantelé » clame-t-il. François Hollande ne devrait, selon lui, pas le recevoir et exprimer un soutien clair à l’opposition démocratique, « laminée » par la dictature.
« Est-ce qu’être un président normal, c’est faire comme ses prédécesseurs ? » interroge, pour finir, le président de l’organisation Survie, Fabrice Tarrit. Il appelle le nouveau pouvoir, élu sur le thème du changement, à modifier radicalement sa façon d’agir à l’ égard des régimes autoritaires : « tant que les liens de l’Etat français avec ces dictatures ne seront pas coupés, la population n’aura jamais la liberté, la transparence. Si Hollande veut montrer une volonté de rupture, il ne doit pas accueillir de dictateur à l’Elysée ».