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La lutte contre la corruption exigée d’Ali Bongo 9% par F. Hollande lorsqu’il lui parle de « Bonne Gouvernance »

Partie 1 : les différentes formes de corruption au Gabon

En humiliant l’imposteur Ali Bongo 9% de la manière dont il l’a reçu récemment à l’Élysée, F. Hollande voulait, à l’instar du peuple gabonais qui l’a vomi et honni en août 2009, lui manifester sa vive désapprobation quant à  son coup d’État électoral et constitutionnel, son assassinat de plus d’une cinquantaine de personnes à Port-Gentil,  ses dérives monarchiques ou dictatoriales, et notamment sa « malveillante gouvernance » du Gabon dont la corruption est en réalité un des piliers de son projet de société en lieu et place de ceux baptisés « Gabon industriel », « Gabon vert » et « Gabon des services ».

À cet égard, le communiqué de l’Élysée avait mentionné que l’entretien accordé par F. Hollande à l’usurpateur Ali Bongo 9% a été l’occasion pour le président de la république française de souligner les principes qu’il souhaite voir guider les relations entre la France et le Gabon, notamment la « Bonne gouvernance » dans son volet de « lutte contre la corruption ».

F. Hollande ne croyait pas si bien dire car en effet, le Gabon est, depuis plusieurs décennies, plongé dans une corruption (abus d’une charge publique aux fins de profit personnel) généralisée qui touche les administrations et élites du pays jusqu’à la plèbe.

Ce fait social abject revêt des définitions diverses. Etymologiquement, le terme « corruption » vient du verbe latin « rumpere » qui signifie briser. Dans ce cadre, elle implique une fracture, une infraction. Il peut s’agir, stricto sensu, de la transgression d’une règle morale, d’un code social de conduite ou plus souvent, d’une réglementation administrative. Largo sensu, le terme corruption renvoie à l’étymologie (infraction, transgression, altération, pourrissement), aux ingrédients qui la composent (ensemble d’actes illicites), aux fonctions qu’elle remplit (transfert des fonds privés vers des institutions ou agents publics en contrepartie du retrait d’un avantage effectif pour le contrevenant-corrupteur, compensation des traitements insuffisants) ou simplement enfin, à l’éthique (moyen d’enrichissement, des corrupteurs et des corrompus, qui se fait sur le dos de la nation et que la morale reprouve). La corruption est étroitement associée à la notion de service public au sens large d’agents publics et/ou d’institutions contrôlées par l’État mais aussi titulaires d’un mandat électif.

Au Gabon, la corruption qu’a engendrée l’État-PDG-Bongo revêt des formes et aspects divers. Elle s’appuie sur toute une ramification en réseau à partir d’un ancrage dans l’administration étatique.

Ainsi, un fonctionnaire qui utilise sa position officielle au profit de ses relations clientélistes va recevoir, en échange de ce service, un paiement immédiat ou formel (pot-de-vin) ou bien, il peut être récompensé, beaucoup plus tard, par une offre d’emploi intéressante pour son fils lorsque celui-ci aura terminé ses études. En d’autres termes, il n’y a pas toujours paiement direct, explicite ou immédiat, pour le service rendu. Le paiement peut être différé et sembler, lorsqu’il intervient, n’avoir aucun lien avec la faveur accordée dans le passé.

Dans bien de cas, le « corrompu » et le « corrupteur » n’ont même jamais évoqué la question du paiement. Il est implicitement entendu qu’une faveur consentie aujourd’hui suppose ou impose un service en retour dans l’avenir. La faveur en question vient accroître le « capital social » de celui qui l’a accordée. Les échanges de faveur(s), dans le cadre de la corruption, se sont tellement répandus au Gabon au point que l’on en est à parler de véritable « marché parallèle ou noir » de faveurs avec une offre, une demande et des prix implicites. Ce n’est pas de l’argent qui change de mains, mais ce qui équivaut à des reconnaissances de dettes.

Dès lors, dans cette société où les relations familiales, le clientélisme, le tribalisme, la géopolitique, le régionalisme jouent un rôle important, la bureaucratie idéale prônée par M. Weber est très difficile à mettre. Selon cette doctrine, les bureaucrates travailleraient en conformité à une série de principes qui ne laissent aucune place aux relations personnelles, au népotisme ou « copinage » et surtout, il n’y aurait aucune confusion entre intérêts privés et intérêt privé.

La corruption sévissant au Gabon est à la fois bien organisée et anarchique. Elle est bien organisée au sens où les corrupteurs (ex. entrepreneurs) savent, d’eux-mêmes, qu’ils doivent acheter la faveur et à n’importe quel prix.  Elle est anarchique au sens où les corrupteurs (ex. des chauffeurs de taxi non en règle, commerçants exerçant illicitement) sont amenés à acheter plusieurs fonctionnaires (agents de police, agents du commerce de délivrance d’agréments et autres patentes) sans garantie qu’on n’exigera pas d’autres versements illicites. Dans ce contexte, la corruption organisée apparaît moins nuisible que la corruption anarchique. Dans le premier système, un fonctionnaire corrompu prélèvera un pourcentage déterminé de l’entreprise, et il aura intérêt à ce que celle-ci prospère pour se voir assurer une espèce de « revenu permanent ». Dans le second système, si plusieurs agents demandent au même corrupteur des dessous-de-table différents, leurs exigences risquent de devenir excessifs et mettre ainsi fin à l’activité du corrupteur ainsi qu’à une source de leur(s) revenu(s).

La corruption sévissant au Gabon donne lieu à la concussion de haut vol (ex. d’un Ministre qui reçoit une enveloppe en échange de l’attribution d’un marché public à une entreprise x au détriment d’une entreprise y) ou à la petite corruption (ex. du fonctionnaire subalterne qui reçoit une modique somme pour accélérer la délivrance d’un permis de conduire).

La corruption sévissant au Gabon se développe à partir d’un clientélisme généralisé où l’accès aux richesses produites par le travail est effacé devant la compétition pour capter la rente servie par l’État. Cette clientèle qui constitue la classe d’intermédiaires y joue un rôle fondamental en ce sens qu’elle est le témoin et l’acteur du caractère socialement structurant de la corruption. À l’instar des parrains du système, elle accumule du pouvoir, du capital mais observe, en contrepartie, une certaine « omerta ou loi du silence » sur la complicité entre les corrompus et les parrains.

Enfin, cette corruption prend aussi une forme politique au sens de l’achat, par les Bongo, d’opposants alimentaires, d’intellectuels contre le système, d’augmentation de subventions annuelles des partis politiques… en vue de s’assurer toujours la participation sans faille de la malheureuse opposition gabonaise aux différentes échéances électorales.

La participation d’une grande partie de cette opposition corrompue aux différentes élections politiques (législatives, présidentielle, municipales)  lui permet de toujours mieux perpétrer ses hold-up électoraux, de montrer à l’opinion internationale, aux institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, Club de Paris…) que le Gabon est un État démocratique aux fins d’obtention des prêts bilatéraux et multilatéraux qui étranglent un peu plus le Gabon dans l’endettement et ne financent à contrario aucun développement. Cette attitude ignominieuse semble bien lui réussir puisqu’il a trouvé un écho favorable, une complicité au sein d’une certaine opposition, laquelle aux abois n’hésite plus à se baigner publiquement dans la fange bongoïste en parlant de « Démocratie conviviale ».

La corruption politique à laquelle se livre l’État-PDG-Bongo pour assurer la survie de son régime moribond coûte à l’État gabonais, et ce à chaque élection importante, près de 100 milliards de francs CFA.

En définitive, il s’impose que la corruption inclut, au Gabon, un ensemble de pratiques de gangstérisme allant du vol ou détournement des fonds, aux fausses factures en passant par le trafic de drogue(s), le blanchiment de l’argent « sale », le clientélisme, la formation des mafias et autres syndicats du crime organisé, le trafic d’influence, la délivrance illicite de licences (permis), l’attribution népotiste des marchés ou de contrats d’investissements publics, l’octroi illégal des prestations et avantages sociaux (bourses, stages, subventions…), les pratiques de pots-de-vin, l’extorsion de fonds par des lourdeurs administratives de la part des fonctionnaires véreux, les fraudes.

Cette corruption se nourrit de l’inéquitable répartition des revenus primaires issue de la patrimonialisation de l’État par les Bongo et de la faiblesse de l’État de droit, de l’existence de trop nombreuses restrictions.

L’inégale répartition du revenu national primaire montre que si les fonctionnaires, chargés d’animer les différentes administrations d’un État, sont très mal payés ou traités, ils sont contraints d’avoir recours aux dessous-de-table pour nourrir leurs familles. Par ailleurs, lorsque la trop grande intervention de l’État aboutit à la présence de très nombreuses restrictions (restrictions commerciales dont droits de douanes, contingentement…) et politiques industrielles, commerciales… entachées de favoritisme, les agents économiques sont amenés à soudoyer les fonctionnaires chargés d’attribuer les permis d’exploitation ou de réguler les échanges extérieurs.

La faiblesse de l’État de droit est telle qu’elle est facteur du maintien (durable) de la corruption au sens où il y’a une insuffisance de responsabilisation et d’imputabilité au sein des administrations publiques et du gouvernement (l’on est mis en examen, dans des actes de corruption, que lorsque l’on n’est pas un affidé du syndicat du crime organisé au pouvoir).

Dr Jacques Janvier Rop’s Okoué Edou,
Secrétaire exécutif adjoint au BDP-Modwoam, chargé des Affaires Economiques, du Développement et de la Mondialisation
Doctorant en Sciences politiques,
MAP – Évaluation des programmes publics,
DESS en Administration des Affaires,
Pr d’économie à l’UQAR et au Cégep de Limoilou,
Consultant international (BTO Groupe Consultants)

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