spot_imgspot_img

La realpolitik africaine de François Hollande

François Hollande et Ali Bongo à l’Élysée, le 5 juillet. © AFP PHOTO / ERIC FEFERBERG
L’Elysée vient de voir défiler les chefs d’Etat de l’ancien pré carré français. Une mise à l’épreuve de sa politique africaine.

Le dernier s’est envolé lundi. Dernier d’une liste de chefs d’Etats africains venus ces derniers jours rencontrer le nouvel hôte de l’Elysée. Inauguré par le Béninois Thomas Boni Yayi, président en exercice de l’Union africaine, le bal des visiteurs de l’ancien pré carré français s’est intensifié la semaine dernière : le Guinéen Alpha Condé, le Gabonais Ali Bongo et le Sénégalais Macky Sall se sont succédés à Paris. Le Premier ministre de Madagascar a aussi fait un arrêt en France pour rencontrer le ministre délégué au Développement Pascal Canfin, et François Hollande a eu des entretiens téléphoniques avec le Tchadien Idriss Déby et le Burkinabé Blaise Compaoré.

De quoi faire mentir l’Elysée, qui assure que « l’Afrique est traitée exactement de la même manière que n’importe quel autre continent ». Les relations héritées du passé ne s’effacent pas d’un revers de la main.

C’est vraiment fini la Françafrique ?

Les hôtes de François Hollande se sont empressés de le lui rappeler : c’est vers l’ex-puissance coloniale qu’ils sont venus chercher un soutien dans la crise malienne, la pressant d’être leur porte-voix à l’Onu pour réclamer une intervention militaire dans le Nord du Mali, tombé aux mains des islamistes radicaux qui retiennent six otages français. La seule annonce de ce défilé africain à Paris a d’ailleurs suffi à réveiller la vieille controverse : la Françafrique, c’est vraiment fini ?

Officiellement, tout le monde est d’accord. François Hollande, comme Nicolas Sarkozy avant lui, a promis d’en finir avec ce vieux démon qui, depuis la fin des colonies, empoisonne les relations entre la France et l’Afrique. Mais cette fois, à en croire l’Elysée, « la méthode » a bel et bien changé. Il n’y a plus de diplomatie parallèle et de réseaux occultes, insiste-t-on à la présidence française : le quai d’Orsay va jouer son rôle et Hélène Le Gal, la « Madame Afrique » de l’Elysée, dépend non pas du président mais de son conseiller diplomatique Paul Jean-Ortiz.

Du côté des Africains, même son de cloche. « Le temps où l’on considérait que notre pays était un pré-carré est révolu, (…) nous sommes désormais dans un monde de compétition », prévient le président sénégalais Macky Sall. Ali Bongo lui-même, dans un indécent déni de réalité, a asséné qu’il ne connaissait « pas la Françafrique », que c’était même « une question qui n’exist[ait] pas » ! Il sait pourtant très bien de quoi il retourne, lui qui a succédé à son père, Omar Bongo, le vieux despote et très grand ami de la France mort en 2010 après 40 ans de pouvoir, lors d’un scrutin contesté, suivi d’élections législatives boycottées par l’opposition.

On parle avec tout le monde

La visite d’Ali Bongo a soulevé l’indignation des ONG et quelque peu gêné l’Elysée aux entournures : « Il faut parler avec l’ensemble des chefs d’Etat africains », se justifie-t-on au Château, « surtout avec un pays comme le Gabon où nous avons des milliers de ressortissants, l’une des deux implantations militaires de la France en Afrique, et beaucoup d’entreprises ». Et d’ajouter, bien conscient qu’aucune explication ne saurait éteindre la controverse : « Les présidents qui sont en place sont en place. Ce qui nous intéresse, c’est l’avenir (…) On va être attentif à la transparence des processus législatifs, à toute tentation de modifier les constitutions ».

Après la visite d’Ali Bongo, la présidence française a fait valoir qu’elle avait parlé avec le Gabonais d’un certain nombre de « principes » : « dialogue exigeant sur les questions de gouvernance, de lutte contre la corruption et de pluralisme démocratique ». Reste à dire la même chose aux autres anciens amis peu recommandables de la France. Le Congolais Denis Sassou-Nguesso et Teodoro Obiang Nguema de Guinée équatoriale, visés, comme le Gabon, par la justice française dans l’affaire des biens mal acquis, attendent que François Hollande les reçoive à leur tour…

« Ni indifférence, ni interférence »

Les beaux principes qu’il s’était fixés pour conduire sa politique africaine – « la bonne gouvernance, c’est-à-dire le développement de la démocratie », le « pacte de croissance et de développement », la « stabilité » et la « sécurité » du continent –, semblent déjà rattrapés par la réalité.

Lui qui ne connaissait pas l’Afrique, qui ne s’y est jamais rendu excepté lors d’un stage en Algérie, se retrouve bon gré mal gré engagé dans un numéro d’équilibriste entre liens historiques, intérêts stratégiques et principes démocratiques, sur ce fil que Lionel Jospin avait théorisé par la formule « ni indifférence, ni interférence ».

Les prochaines semaines seront de véritables mises à l’épreuve de cette politique d’équilibre. Comment François Hollande va-t-il gérer le dossier malien sans tomber dans cette fameuse interférence ? Participera-t-il au sommet de la francophonie, prévu en octobre à Kinshasa, qu’il menace de boycotter en raison des graves manquements de la République démocratique du Congo en matière démocratique ? Ne risque-t-il pas d’être accusé de « donner des leçons » aux Africains ? Le piège africain va-t-il se refermer sur François Hollande comme sur ses prédécesseurs ?

Créé le 11-07-2012 à 13h57 – Mis à jour le 15-07-2012 à 14h49 Par Sarah Halifa-Legrand

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES