Le roi du Bahreïn ou encore Ali Bongo ont été reçus en juillet de manière très discrète, mais pas secrète, par le président au Palais de l’Élysée. Des rencontres qui ont fait couler de l’encre. Retour sur une diplomatie à la sauce Hollande.
Par Aude MAZOUE (texte)
« Présider la République, c’est être ferme, […] ne pas inviter les dictateurs à Paris » lançait François Hollande à la foule enthousiaste, venue nombreuse l’applaudir au Bourget, le 22 janvier dernier. Le nom de Nicolas Sarkozy est soigneusement passé sous silence mais la référence à l’affaire « Kadhafi », reçu en grande pompe à l’Elysée en 2007, résonne de manière évidente.
Ne jamais dire jamais
Deux mois après son accession au pouvoir, c’est avec le même sourire gêné que son prédécesseur, que François Hollande sert la main du roi de Bahreïn, Hamed ben Issa Al Khalifa, sur le perron de l’Élysée. Accueilli par la Garde républicaine à l’aéroport du Bourget le 23 juillet, la visite, qui a tout d’officiel, ne fait l’objet d’aucun communiqué de presse. Elle n’est pas non plus inscrite dans l’agenda du président disponible sur Internet. Seule Nadège Puljak, journaliste de l’AFP, accréditée à l’Élysée, se fend d’un tweet, pour rendre compte de sa surprise. L’Élysée préfère rester discret. Il faut dire que la monarchie absolue du Bahreïn a férocement réprimé la vague de contestation populaire, sociale et politique qui a secoué le pays du 14 février au 17 mars 2011. Selon Amnesty International, au moins 60 personnes ont été tuées par le régime depuis mars 2011.
La diplomatie hollandaise face à la realpolitik des « démocratures »
François Hollande sait bien qu’il doit préserver de bonnes relations diplomatiques. Lorsqu’il reçoit le Premier ministre du Qatar le 7 juin dernier, il s’agit avant tout de soigner des partenaires économiques importants d’une France confrontée à la crise.
Le 5 juillet, le président gabonais Ali Bongo, s’est rendu à l’Élysée pour rencontrer son homologue français. Dehors, une trentaine de manifestants se sont rassemblés pour réclamer une politique transparente et responsable de la politique française en Afrique. Au milieu des pancartes, des slogans retentissent : « Bongo dictateur, Hollande complice ». Si la rencontre se déroule dans la plus grande sobriété, loin des fastes que Paris réservait autrefois à son père, elle a de quoi surprendre. Le nouveau président français donne un sérieux coup de canif à ses promesses de campagne : l’heure est à la realpolitik. La France reste le principal partenaire économique du Gabon, où les groupes Total, Eramet, Bolloré et Rougier sont très présents.
« Il paraît difficile à la France de ne pas recevoir certains chefs d’États. La France a des populations expatriées, des coopérations militaires, des intérêts économiques avec certains pays. Il est nécessaire de maintenir des relations diplomatiques avec ce que l’on appelle les démocratures », affirme Michel Galy à France 24, politologue du Centre d’études des conflits à Paris et professeur de géopolitique à l’IRELI (Institut des relations internationales) à Paris.
Une diplomatie « normale »
Si François Hollande n’a pas rompu avec la tradition de ses prédécesseurs qui consiste à recevoir tous les chefs d’États sans distinction éthique, le président a, semble t-il, imposé un style plus conventionnel qui tranche avec celui de Nicolas Sarkozy. Pour le blogueur du site Marianne.fr, le style diplomatique bling bling des années Sarkozy tranche radicalement avec la sobriété affichée par Hollande. « Quel rapport existe-t-il entre la venue du colonel Kadhafi en grandes pompes – avec panthères et tente dressée dans la cour de l’Hôtel Marigny à Paris – et cette visite (ndlr : la rencontre avec Ali Bongo) sans davantage d’attention que la simple courtoisie diplomatique ? »
Très attendu sur le dossier syrien
Bien que les débuts diplomatiques de François Hollande se soient bien passés, il y a eu quelques couacs. En recevant le roi Mohammed VI en mai, le chef de l’État français « a salué le processus de réforme démocratique, économique et sociale en cours dans le royaume à l’initiative » du roi. Une déclaration qui a de quoi déconcerter lorsqu’on sait de quelle manière le royaume a emprisonné ses artistes contestataires…. Mais, le président français sera surtout jugé sur la gestion de l’épineux dossier syrien. La tâche n’est pas aisée car Nicolas Sarkozy a jeté de l’huile sur le feu mardi 7 août en sortant de son silence pour critiquer, en creux, l’immobilisme supposé de François Hollande sur le conflit syrien. L’ancien chef de l’Etat n’a pas hésité à rapprocher la situation en Syrie à la crise libyenne, où la France avait pris la tête du front anti-Kadhafi.