Tandis que la France convoque une réunion à l’ONU sur la Syrie et envoie son ministre des Affaires étrangères en tournée dans la région, l’opposition s’en prend à ce qu’elle juge être l’inaction du gouvernement pour résoudre la guerre civile.
Les attaques sont venues des anciens caciques du quinquennat de Nicolas Sarkozy et se concentrent sur la politique étrangère de François Hollande. La dernière salve de critiques a été lancée lundi matin par l’ancien Premier ministre François Fillon via les pages Débats & opinions du quotidien « Le Figaro ». Il y raille les « postures droit-de-l’hommistes » qu’aurait adoptées François Hollande durant sa campagne électorale, quand celui-ci se contenterait à l’Élysée du » service minimum » vis-à-vis de la Syrie, et de « postures bourgeoises et atlantistes version Guerre froide ». François Fillon l’enjoint de « prendre l’avion maintenant pour Moscou, si possible avec Angela Merkel », pour résoudre le blocage de la Russie contre toute résolution contraignante du Conseil de sécurité des Nations unies vis-à-vis du régime de Damas.
CHINE ET IRAN
Un des freins diplomatiques au vote d’une résolution du Conseil de sécurité se desserre : la Chine a avoué à mi-mots lundi 13 août réfléchir à une sortie de la crise sans le dictateur syrien. Alors que sa position était jusque-là inflexible, la diplomatie chinoise envisage désormais de dialoguer non-seulement avec les émissaires du président syrien Bachar al Assad, mais avec des membres de l’opposition syrienne. « Afin de promouvoir une solution politique au problème syrien, la Chine a toujours maintenu activement l’équilibre entre le gouvernement syrien et l’opposition », a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois.
En revanche, le soutien indéfectible de l’Iran au régime de Damas ne montre pas de signe d’essoufflement. A l’occasion d’une rencontre de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) à la Mecque, en Arabie Saoudite, du 14 au 16 août, la Syrie devrait être exclue de l’organisation, contre l’avis de Téhéran.
Ces propos de l’ancien Premier ministre suivent de quelques jours ceux de l’ex-président Nicolas Sarkozy, qui a pointé les « grandes similitudes (de la crise syrienne) avec la crise libyenne » ainsi que « la nécessité d’une action rapide la communauté internationale pour éviter des massacres », dans un communiqué commun rédigé avec le président du Conseil national syrien (CNS) et principal chef de l’opposition, Abdelbasset Sieda, la semaine dernière.
Brice Hortefeux, ancien ministre de l’Intérieur, en a remis une couche dans le quotidien régional « Nice Matin » du 12 août, accusant le président Hollande d’attentisme et lui reprochant de ne pas avoir interrompu ses vacances pour se rendre à Moscou. Ancien Premier ministre sous Jacques Chirac, Dominique de Villepin s’est également saisi du débat pour appeler la diplomatie française « à se donner les dents nécessaires, ça veut dire garder l’option militaire ouverte », lors d’une interview sur Europe 1 le même jour.
Ambiguïtés sur l’option militaire
L’option d’une intervention militaire, à l’image de celle menée en Lybie, a fait partie des thèmes de campagne de François Hollande. C’est à elle que fait allusion, entre ses lignes, le communiqué de Nicolas Sarkozy. Elle est souhaitée par Dominique de Villepin, mais pas dans l’immédiat, précise-t-il. François Fillon la rejette cependant : « ce serait une très grave erreur stratégique » et ferait de la Syrie un « nouvel Irak, théâtre des pires affrontements entre chiites et sunnites manipulés en sous-main par l’Iran ».
« Aucun des acteurs externes capables de peser sur l’issue de la crise, qu’il s’agisse des États-Unis, de l’Union européenne ou de la Turquie, n’est réellement prêt à s’engager militairement en Syrie », estime pour sa part le chercheur Yezid Sayigh sur le site du centre américain Carnegie Endowment for International Peace. La diplomatie auprès de la Russie est essentielle pour résoudre la crise syrienne, non pas tant parce que ce pays exerce un droit de veto au Conseil de sécurité, présume le chercheur basé à Beyrouth, mais parce que la Moscou voudra « autant que possible préserver ses relations politiques et militaires avec la Syrie » et pour cela prônera un partage viable du pouvoir à Damas ou même composera avec la chute de Bachar al-Assad, si cette dernière solution préserve au mieux son influence sur le long-terme.
Les secrets de Beyrouth
Le feu des critiques franco-françaises, qui coïncide avec le 100e jour du nouveau chef de l’État français à l’Élysée, a été balayé par François Hollande qui affirme chercher « obstinément » une résolution à la guerre civile syrienne, alors que le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, entame mercredi une tournée en Jordanie, au Liban et en Turquie, pays frontaliers de la Syrie. La France, qui préside le Conseil de sécurité ce mois-ci, a convoqué une réunion ministérielle de ses membres sur le sujet le 30 août.
Pour le député socialiste Jean-Christophe Cambadélis, la critique provenant de ceux qui n’ont pas agi précédemment n’est pas valable : « Le vrai courage est de mettre en cause Vladimir Poutine plutôt que la France (…). Pourquoi M. Fillon n’a-t-il pas fait ce qu’il préconise aujourd’hui ? », écrit-il dans un communiqué.
Le plus cinglant revers contre la saillie de l’équipe du précédent gouvernement pourrait surgir du passé. L’un des artisans du réchauffement des relations franco-syriennes en 2008 – qui a permis à Bachar al-Assad à être invité au défilé du 14 juillet à Paris – et soutien notoire du dictateur syrien, Michel Samaha, ancien ministre libanais du tourisme, a été arrêté le 9 août à 30 kilomètres de Beyrouth. Il est accusé d’avoir transporté et stocké des explosifs devant servir à une série d’attentats dans le nord du Liban. Son témoignage pourrait parallèlement permettre de clarifier la politique d’amitié franco-syrienne que Nicolas Sarkozy a mené entre 2007 et 2010.