Emmenée par Nicaise Moulombi, l’ONG gabonaise Croissance saine environnement attire l’attention des pouvoirs publics gabonais sur la plausible utilisation, par Siat Gabon, d’un produit dangereux dans l’opération de destruction de la palmeraie de Zilé.
En vue de réaliser 5 000 hectares de culture d’hévéa dans la zone, la branche gabonaise de la Société d’investissement pour l’agriculture tropicale (SIAT Gabon) a entrepris de tuer sa plantation de palmiers à huile de Zilé, à 15 km de Lambaréné sur la route de Fougamou.
Début août Siat Gabon expliquait que le procédé de destruction de cette palmeraie «consiste à injecter un herbicide, le glyphosate (et non du Gramoxone ou paraquat dichloride) sur les vieux palmiers afin de les tuer avant de s’effondrer tout seuls». L’entreprise s’est d’ailleurs évertuée à expliquer la pertinence de l’herbicide utilisé. Ce qui est totalement battu en brèche par l’ONG Croissance Saine Environnement (CSE).
Le 27 juillet dernier, en effet, l’ONG dirigée par Nicaise Moulombi a rendu public un rapport d’enquête réalisée, le 4 du même mois, suite à une information faisant état du «risque encouru par les populations des villages autour de la société Siat Gabon.» Pour l’essentiel, CSE a relevé que «que l’opération de destruction de vieux palmiers effectuée par Siat Gabon, consiste à opérer des saignées sur les troncs des palmiers d’une profondeur d’environ 30 cm, ensuite d’y injecter un mélange de deux herbicides, le Finish et le Gramoxon, avec pour objectif d’assécher les palmiers avant de les faire tomber par terrassement au bulldozer.» Il serait donc question de Gramoxon, plutôt que de Glyphosate ainsi que souligné par Siat Gabon.
Également appelé paraquat, le gramoxon serait un produit très toxique, néanmoins très utilisé à travers le monde pour son faible coût et sa facilité d’utilisation. Citant l’encyclopédie en ligne Wikipedia, Nicaise Moulombi, président de CSE, souligne que depuis juillet 2007 «le tribunal de première instance des Communautés européennes a interdit l’usage du paraquat dans les États-membres. Le produit aurait des effets sur la santé des travailleurs et des animaux sauvages.»
Dans un article sur ce pesticide, on note que le gramoxon ou paraquat est un poison violent pour l’homme, «une vraie saloperie», selon les termes d’un médecin en milieu agricole (…) Dans la nomenclature des produits chimiques, il est classé T +, soit très toxique. «En cas d’ingestion, une grande gorgée suffit, il n’y a aucun antidote. La mort survient dans des douleurs atroces, par détresse respiratoire. Au mieux immédiatement, au pire plusieurs jours après», explique Daniel Marzin, président de la «com-tox», chercheur à l’Institut Pasteur et professeur de toxicologie à l’université Lille 2. L’empoisonnement au paraquat est un mode de suicide fréquent en milieu agricole» Le paraquat cause à l’homme des lésions oculaires, cérébrales, internes et de l’insuffisance respiratoire.
Concluant sa mission dans les plantations de palmiers en destruction à Zilé, Croissance saine environnement recommande «une véritable évaluation environnementale sur le site concerné». De même, elle suggère que «l’État doit organiser les visites médicales des travailleurs et des populations les plus exposés, dans les brefs délais. Pour mettre en évidence les liens possibles ou non entre les produits injectés dans les palmiers et les maladies observées chez certains patients, comme on a pu le faire observer à l’Hôpital Albert Schweitzer. Mettre en place une commission d’évaluation des risques liés à la technique utilisée dans la destruction. Il y a urgence à se pencher sur la question et d’agir.»
Pourquoi Siat Gabon a-t-elle tenu à s’expliquer sur la méthode de destruction de sa palmeraie de Lambaréné ? L’ONG Croissance saine environnement a-t-elle été désinformée lors de sa mission ? En tous cas, avec l’opiniâtreté qui lui est reconnue, Nicaise Moulombi va certainement pousser cette affaire et on peut être sûr qu’elle va figurer en bonne place dans les dossiers du ministre de l’Agriculture à la rentrée.