Conduite par le député Ernest Mpouho Epiga, une délégation du Parti démocratique gabonais (PDG) a récemment participé à l’Université d’été du Parti socialiste français (PS). L’invitation adressée par le PS au PDG à cet effet est l’objet d’une forte suspicion de faux et d’une vive controverse. Les contours.
C’est le buzz sur les réseaux sociaux, la blogosphère et les mailing-lists gabonais. Le sujet de tous les commérages, de toutes les déductions et de toutes les extrapolations porte sur la participation d’une délégation du PDG à l’université d’été du PS qui s’est tenue à La Rochelle, dans la région Poitou-Charentes, du 24 au 26 août dernier.
Le 22 août dernier, le site Internet Gabonews, annonçant que la délégation gabonaise à cette université d’été était conduite par le député PDG Ernest Mpouo Epiga, a précisé qu’elle «a été invitée officiellement par les responsables du PS (parti au pouvoir en France depuis mai 2012)». Forts de ce qu’au Gabon seul le Parti gabonais du progrès (PGP) figure dans la liste des partis membres de l’Internationale socialiste, de nombreux observateurs Gabonais se sont donc étonnés de cette invitation.
Si on peut faire l’économie de la lettre ouverte datée du 27 août à travers laquelle le mouvement gabonais «Ça suffit comme ça !» a demandé au Parti socialiste de lui fournir «plus d’informations» sur une telle invitation, tout le monde s’est attardé sur le fac-similé, publié par l’ONG française Survie, de la lettre officielle que le Parti socialiste aurait envoyée au PDG.
L’examen de cette lettre officielle a exacerbé la suspicion au sujet de l’invitation officielle du PDG par le PS à ces assises. Datée du 14 août 2012, la lettre portant en-tête du PS est adressée au «Président du Groupe Parlementaire Aile Progressiste du Parti Démocratique Gabonais, PDG Ernest Mpouo Epiga». Elle indique que celui-ci a «sollicité une invitation de la tendance socialiste» du PDG à participer à ces assises. Les Internautes gabonais se sont donc étonnés de l’existence d’une aile socialiste au PDG qui de surcroit disposerait d’un groupe parlementaire. Autre fait troublant pour les Internautes, la lettre supposée du PS indique que la délégation de ce groupe parlementaire est composée de «Billié Bi Nzé, Alain Boungouéré, Ikambouayat Ndéka, Raphaël Ntoutoume Nkoghé, Eloi Nzondo et Thierry Animba». On sait pourtant, au Gabon, que Billié Bi Nzé est membre du RDP, que Eloi Nzondo est membre du CLR, Raphaël Ntoutoume Nkoghé est journaliste au satirique La Griffe et Thierry Animba, vidéaste.
On déduit naturellement que le fac-similé contient des informations erronées. Aussi, la question essentielle est-elle de savoir qui est à l’origine de ce fac-similé ? L’ONG Survie indique que ce sont les membres de l’opposition qui se sont procuré cette «lettre officielle que le Parti socialiste aurait envoyée au PDG». Qui donc est à l’origine de ce faux indubitable ?
Joint au téléphone au lendemain du départ en France de la délégation PDG, le secrétariat général de ce parti n’a pas pu confirmer avoir commis cette mission ni en avoir payé les titres de transport. En l’absence de Faustin Boukoubi, en vacances, il était impossible de vérifier l’information. Par ailleurs, une investigation menée rue Solférino, siège du PS à Paris, par des membres de l’opposition gabonaise dont Gabonreview s’est procuré les premières conclusions, établi que le courrier est un faux ; qu’il ne porte pas le nom de son signataire, pas de référence en haut à gauche ; que la police utilisée n’est pas l’Arial 12 que le PS utilise dans tous ses courriers ; que Claude Bartolone et Henri Emmanuelli ne sauraient apposer leur nom sans signer le document qui, selon les règles, dit être paraphé par Service International dirigé par Jean Christophe Cambadelis. Rolland Dumas dont le nom et le numéro de téléphone sont visibles tout au dessus du fac-similé aurait-il servi de lobbyiste pour l’obtention de cette invitation ? Au quel cas, la suspicion de faux serait plausible d’absolution. Bref.
Ernest Mpouho Epiga a déclaré en France «Nous sommes venus prendre des contacts.» Selon le site Internet le-comptoir.net qui relaie la déclaration, c’est grâce à certains socialistes aux manettes lors des deux septennats de François Mitterrand, que la venue des responsables gabonais à La Rochelle a été facilitée.
«Il y avait une appréhension avec le PS. Nous souhaitons aplanir les divergences et avoir une discussion franche» a expliqué Raphaël Ntoutoume dans le même article. «Il est normal qu’il y ait des relations avec le parti au pouvoir», a affirmé pour sa part Ernest Mpouho Epigat, soulignant que «Hollande et Bongo se sont déjà rencontrés à Paris en juillet».
L’on se souvient qu’à l’issue de la rencontre entre le président gabonais et son homologue français, l’Elysée avait invité à de nouvelles relations franco-gabonaises fondées sur un «dialogue exigeant sur les questions de gouvernance, de lutte contre la corruption et de pluralisme démocratique».
Pour autant, Raphaël Ntoutoume, toujours relayé par le-comptoir.net, a affirmé que les relations entre les deux pays sont «inébranlables», soulignant qu’«il y a des réalités stratégiques. 25000 Français sont au Gabon. La plus grande base militaire de la région est aussi chez nous (…) La France et Gabon entretiennent une relation particulière».
Dans un tel contexte, qui donc de la majorité et de l’opposition, alliée à la société civile, tente de manipuler l’opinion nationale gabonaise ? Les prochains jours devraient donner un rebondissement à cette affaire, à ce buzz ainsi qu’on le nomme sur la toile mondiale.