Portant sur la gestion et le contrôle fiscal des ressources naturelles, notamment les forêts, les mines et le pétrole, un séminaire international se tient à Libreville du 25 au 27 septembre. Il doit déboucher sur l’élaboration d’un tableau régional de détermination du ratio recettes/production pour une collecte plus efficace des recettes fiscales et parafiscale dans la sous-région d’Afrique centrale. Joël Ogouma, patron de la Direction générale des impôts (DGI) du Gabon, brosse les contours de ces assises.
Sur quoi porte donc ce séminaire qui réuni à Libreville les fiscalistes de la sous-région ?
L’enjeu de cette rencontre est de travailler à l’élaboration d’un tableau d’évaluation des recettes, notamment la détermination d’une matrice ratio production/recettes qui permettra d’avoir le maximum de visibilité des revenus que les nations peuvent attendre de l’exploitation des ressources naturelles. En fait, il s’agit d’élaborer une stratégie pour une maîtrise optimale des recettes fiscales issues de l’exploitation des ressources naturelles, qu’il s’agisse du pétrole, des mines ou de la forêt.
Parlant de la fiscalité, on entend souvent dire «recettes hors pétrole», comme si le pétrole échappait au contrôle fiscal ou qu’il est un domaine réservé. Est-ce une révolution à ce sujet que vous amorcez là ?
Il ne s’agit pas d’une révolution. En fait, le distinguo fait dans l’organisation des finances publiques, entre les recettes pétrolières et les recettes hors pétrole vise à répondre au souci de préparer l’après-pétrole. Qu’on le veuille ou non, l’activité pétrolière participe encore pour beaucoup dans la formation du produit intérieur brut, mais aussi dans la collecte ou la mobilisation des recettes budgétaires de l’Etat. Ce n’est donc que pour des raisons méthodologiques que ce distinguo est établi. Cela dit, pour se recentrer sur la problématique qui nous occupe à la faveur du présent séminaire, les recettes pétrolières gagneraient à être mieux organisées en ce qui concerne la démarche visant leur mobilisation, par le développement de certaines synergies entre les administrations techniques chargées de la gestion de ces ressources et les administrations financières chargées de la collecte des impôts et taxes sur ces activités. Car, il est important de décloisonner les services de l’Etat impliquées dans la mobilisation de la ressource à cet égard.
Une disparité de pays participe à ce séminaire. On note par exemple, la présence de la RDC où sévit actuellement un conflit armé qui fait que certaines ressources naturelles échappent à l’administration légale. Comment envisager une harmonisation de ces différents types d’économies ?
En fait il s’agit de définir une méthodologie d’ensemble qui s’appliquerait à l’ensemble des Etats de la zone Afrique centrale, afin que chacun s’y retrouve. Il est évident qu’entre l’activité de production du pétrole et celle de production du cuivre par exemple, il y a une différence mais la démarche méthodologique demeure la même : la maitrise des données techniques en terme de production, la méthode d’évaluation de la richesse, en application des conventions et des textes légaux et règlementaires, doivent amener chaque Etat, dans sa spécificité, à se retrouver dans cette démarche intellectuelle visant à maitriser l’activité des industries extractives.
En regardant un document élaboré lors du séminaire de Kinshasa et traitant du poids des ressources naturelles dans l’économie des Etats membres, on s’étonne de ce que l’agriculture, la forêt et la pêche réunies ne participent que très faiblement aux économies étudiées de la sous-région. Comment expliquer cette faiblesse ?
Il s’agit là de données objectives. Les industries extractives occupent encore une place très importante dans la plupart, sinon dans toutes les économies des Etats de l’Afrique centrale. En termes de valeur ajoutée, l’agriculture reste encore à la traine. Ce qui tient du lieu commun. L’activité forestière, pour le cas du Gabon et avant la mesure interdisant l’exportation de bois en grume, avait un volume non négligeable d’apport en valeur ajoutée dans l’économie nationale. Cela étant, pour des raisons opportunes sur lesquels il n’est pas besoin de s’étendre ici, une réorientation de l’économie forestière a été amorcée. Ce qui explique la baisse relative d’apport fiscal de cette activité, mais on assiste à une reprise dans ce secteur. Le constat de la faiblesse de la contribution des secteurs agricole et forestiers est donc une donnée objective dans la plupart de nos Etats où les activités minières et pétrolières restent encore déterminantes dans les économies nationales, aussi bien en termes de recettes fiscales qu’en termes de contribution dans le PIB.
On note une participation du Fonds monétaire international à ce séminaire. A quel niveau intervient donc cette institution concernant cette réflexion sur la fiscalité des pays de la sous-région ?
Le Fonds monétaire international, à travers le Centre régional d’assistance technique en Afrique de cette institution, en abrégé Afritac Centre, appuie nos Etats dans la mise en œuvre de réformes structurelles, législatives et réglementaires, par la mise en place de méthodes devant cadrer avec les normes et standards internationaux. Aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation, tous les pays sont confrontés, peu ou prou, au même défi : la crise financière internationale n’épargne personne et elle interpelle à des degrés divers nos pays, entendu que les pays du Nord sont plus confrontés à cette problématique. Il n’en demeure pas moins que les difficultés sont quasiment les mêmes d’un pays à l’autre. De ce fait, le FMI, à travers Afritac Centre, nous appuie et nous accompagne de façon déterminante, et nous ne pouvons que nous en réjouir, dans la définition des réformes, des méthodologies y affairant et dans leur mise en œuvre. Cela porte notamment sur les législations, les règlementations et les mesures propres à garantir plus d’efficacité dans la collecte de l’impôt ainsi que sur les réformes des structures de nos administrations.