Népotisme, détournements de fonds et de médicaments, impunité, surfacturations et avantages indus, les couloirs de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) maugréent sur des maux qui pourraient amener son personnel à descendre dans la rue. Anatomie d’une gestion à l’antipode de l’orthodoxie.
Si le fonctionnement de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) est aujourd’hui presqu’unanimement dénoncé par le personnel, la sonnette d’alarme avait déjà été tirée par le directeur général adjoint de la structure, Pascal Eva Nzé, économiste et banquier de formation. Celui-ci, indiquent des sources concordantes de l’institution, s’était plaint, à de nombreuses reprises, de certaines pratiques. Notamment des détournements impunis. Qualifié de «Monsieur Rigueur» de la CNSS, il avait alors eu à faire face au «système» et avait fini par reculer et se taire, s’étant rendu compte que sa hiérarchie n’était pas sur la même longueur d’ondes que lui.
Les plaintes qui montent des couloirs de la CNSS condamnent, entre autres, l’excès de liberté accordée aux chefs d’entreprises publiques par les conseils d’administration. Car, indique-t-on, dès que les administrateurs ont perçu leurs honoraires (et avantages divers pour le PCA), ils laissent carte blanche aux directeurs généraux. «Ce qui se passe à la CNSS est condamnable, mais cela est la résultante de «la politique du laissez-faire» prônée par les membres du conseil d’administration. L’argent public est dilapidé, les recrutements se font sur des bases familiales, parentales et amicales, les choix d’investissement se font à la hussarde et les administrateurs laissent faire. Il est normal qu’on en arrive à de telles situations, surtout lorsque l’on a des collaborateurs plus soucieux de leur avenir personnel que de celui de leur entreprise», estime un ancien ministre du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale, qui a bien connu la situation à la CNSS.
Le système Vané après le système «Yalanz»,
Népotisme, détournements de fonds, laxisme, impunité, surfacturations et avantages indus, caractérisent donc aujourd’hui le fonctionnement de la CNSS sous la direction de Marie-Thérèse Vané Ndong Obiang. Ce qui lui a parfois valu des échanges quelque peu discourtois avec son adjoint sus cité, Pascal Eva Nzé. «Lorsqu’elle est arrivée comme directeur général, et bien qu’elle ait été pendant deux mois l’adjoint de Yalanzèle, nous avions cru qu’elle incarnerait le changement, mais elle fait pire», affirme un syndicaliste de la CNSS, non sans illustrer son assertion : «Prenons le cas d’une femme qui a détourné des fonds dans l’entreprise, Christelle Yékédo Guissony, au lieu qu’elle se retrouve en prison, comme Joëline Mboumba, autre femme accusée de vol (qui vient de purger trois mois à Gros-Bouquet), Vané l’a plutôt envoyée en stage à Abidjan pour devenir dans neuf mois inspecteur de sécurité sociale.» Celle-ci serait «une parente à Accrombessi», indique l’hebdomadaire Echos du Nord, qui promet un article sur la «grogne en perspective» à la CNSS.
On note, au sujet des recrutements, que le DG de la CNSS aurait embauché des parents, des amis et deux de ses enfants tandis que la cerise sur le gâteau porte sur le problème des contrats de consultants. «Le statut de consultant est accordé à des personnes à la probité et à la moralité douteuses, tel que Didier M., son beau-frère, qui avait mis en coupe réglée le budget des ministères des Mines et de la Planification lorsqu’il y officiait comme directeur de cabinet du ministre», s’insurge un autre employé.
Le patrimoine immobilier de l’institution n’est pas en reste. Selon un document de l’entreprise, le loyer de l’immeuble d’ACAE est viré dans le compte du directeur général, plutôt que dans celui de la CNSS. Une situation qui n’est pas sans rappeler les produits pharmaceutiques de la CNSS qui, selon des sources concordantes, seraient détournés et transiteraient par la pharmacie du feu rouge de Gros-Bouquet en vue d’être ensuite offerts aux populations du Cap Estérias, localité dont est originaire Mme Vané.
Le document sus cité retrace également le circuit de la construction de l’immeuble de la CNSS de Bikélé. Une partie du personnel pense que la «Caisse» a servi de «vache à lait» à l’ancien élu du district d’Ikoy Tsini, dont Marie-Thérèse Vané est une proche. Il est également affirmé que, selon qu’un dirigeant de la CNSS est proche du directeur général, la structure peut aller jusqu’à lui offrir du mobilier et autre équipement pour un usage domestique ou à régler ses factures d’eau et d’électricité.
La gestion Vané soulève une telle vague d’indignation que certains membres du personnel en arrivent à exiger son départ, ainsi que celui de tous ses proches. «Toute cette magouille doit cesser, le système Vané ressemble étrangement au système Yalanz qui a fait tant de mal à la CNSS, et les Vané, Marcel Mbélé Loussou, Eric Epié, Corinne Akagha, Gaston Lira, Moussirou Bouka doivent partir, le Grand Emergent qui est au courant de toute cette situation doit agir», souhaitent les agents de la CNSS.
Les piliers du système Vané
«En fait, le système Vané repose sur trois piliers, à savoir Marcel Mbélé Loussou, assistant du DG chargé des achats et des approvisionnements, Moussirou Bouka, assistant du DG chargé de la comptabilité et du budget, -qui, à force de tirer sur le budget, risquent de causer une cessation de paiement avant le mois de novembre- et Corinne Akagha, directeur du recouvrement et du pré-contentieux. Celle-ci n’a pas hésité à faire sous-traiter la délégation trimestrielle de salaires (DTS) par une entreprise, l’Agence Gestion Sécurité (spécialisée dans les études de redressement des cotisations sociales et l’élaboration des DTS additives des entreprises), dont elle est proche des responsables, alors que cela pouvait se faire dans la maison, des compétences existant pour cela», affirme un syndicaliste.
«L’indispensable sursaut de la CNSS ne viendra pas de cette équipe», conclut-il. Un autre employé estime que tout va mal, mais «à la décharge de Mme Vané, nous devons lui reconnaître d’avoir mis en place une politique de formation marquée par des séminaires de renforcement des capacités et des mises en stage, car, à la Caisse, nous avons plus d’informaticiens, de gestionnaires, de diplômés en ressources humaines et dans d’autres filières que d’inspecteurs ou de contrôleurs de sécurité sociale».