Alors que la classe politique gabonaise s’était mobilisée pour donner de la voix lors du sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui s’est tenu du 13 au 14 octobre dernier à Kinshasa (RDC), la lettre adressée au président français, François Hollande n’a pas eu de réponse dédiée. Le chef de l’État français a préféré s’adresser à l’opposition «africaine».
Dans leur lettre, les partis de l’opposition gabonaise et certains mouvements et organisations de la société civile avaient interpellé le chef de l’État français sur la nécessité d’appuyer la promotion et la protection des Droits de l’Homme, ainsi que les processus de démocratisation, des concepts présentés comme une composante essentielle de la politique étrangère de la France et de l’Union Européenne. L’opposition gabonaise écrivait dans ce courrier que, depuis sa rencontre avec le président français les 4 et 5 juillet 2012 à l’Élysée, «la situation n’a pas évolué dans le bon sens» au Gabon. «Elle a même empiré», précisait le document.
«En effet, alors que pour la première fois, l’opposition a marqué son unité autour de l’analyse de la situation de crise que traverse notre pays et la réponse à y apporter par l’organisation d’une conférence nationale souveraine, les autorités gabonaises ont accentué la répression, notamment par la violation des libertés publiques et la répression violente par les forces de défense et de sécurité qui ont fait au moins une personne tuée, plusieurs dizaines de blessés, une centaine d’arrestations et entraîné la condamnation à des peines de prison de 62 personnes; les atteintes aux personnes et aux biens visant l’opposition, par des commandos agissant de nuit, encagoulés et lourdement armés, mitraillant, incendiant les émetteurs de la chaîne de télévision privée TV+ et y blessant gravement un vigile, ou saccageant le domicile de Maître Ndaot Rembogo, les menaces, intimidations tentatives et projets d’assassinats politiques par un déploiement permanent des forces de défense et de sécurité dans les villes ou leur mobilisation à la moindre peccadille, l’existence des listes de personnalités de l’Opposition à assassiner», dénonçait le message de l’opposition en substance.
La lettre s’achevait par ce propos : «la Francophonie doit plus que jamais constituer le cadre par lequel nous devons promouvoir les valeurs qu’ont en partage les pays ayant en commun l’usage du français : la démocratie, la bonne gouvernance, l’État de droit, entre autres. Vous êtes resté éloigné des dérives qui ont cours dans notre espace, et vous avez montré, de façon constante, votre volonté de promouvoir un dialogue exigeant entre les différents acteurs de nos sociétés».
Une réponse «évasive» de François Hollande
Si certains membres de l’opposition gabonaise, selon certaines sources, caressaient l’espoir d’être reçus à Kinshasa par François hollande, on note que les médias ont préféré diffuser en boucle la rencontre que le leader français a eu avec l’opposant historique à tous les régimes de son pays, le chef de l’opposition congolaise, Étienne Tshisekedi, président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).
Lors de l’interview qui avait accordé à France 24, RFI et TV5, quelques heures avant de se rendre à Dakar où il a commencé son séjour africain, François Hollande déclarait que «la rencontre avec Étienne Tshisekedi est un message envoyé à tous les chefs d’État africains. (…) Je fais en sorte d’avoir de bonnes relations d’État à État, mais je reconnais aussi les opposants dès lors qu’ils s’inscrivent dans la démocratie, qu’ils veulent concourir sans violence à ce que ce soit les urnes qui décident en Afrique comme partout ailleurs.», avait-il appuyé.
En s’entretenant avec M. Tshisekedi, le chef de l’État français a certainement voulu mettre en avant le sens donné à sa volonté d’afficher la démocratie et les droits de l’homme : «l’Afrique, berceau de l’humanité, parvient à vivre et à faire vivre pleinement la démocratie, partout et pour tous; si elle réussit à vaincre ses divisions, alors l’Afrique sera le continent où se jouera l’avenir même de la planète».
Avant de recevoir Étienne Tshisekedi, François Hollande avait pris langue avec un groupe d’opposants et d’activistes des droits de l’homme venus demander l’aide de la France pour la consolidation de la démocratie et le retour de la paix dans la partie est de la RDC. Le président Hollande leur avait assuré qu’il aiderait la RDC en tant «qu’ami» et promettait de ne pas s’ingérer dans les affaires internes du pays.
Globalement, le président Français incitait les oppositions, notamment celles du sud du Sahara et faisant partie de la Francophonie, de mieux utiliser leur revendication du droit et de la liberté. Il leur proposait, dans ce contexte, de vaincre et de prendre le pouvoir par les urnes et non par les voies détournées qui entrainent la violence.
In fine, quelques observateurs se sont résolus à croire que François Hollande, évitant de risquer des dérapages comme ceux de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, à Dakar en 2007, a simplement joué à l’équilibriste.