La Banque mondiale redoute une hausse de la température mondiale moyenne de 4 °C dès 2060 dans un rapport publié dimanche 18 novembre. Ce réchauffement climatique déclencherait une «cascade de changements cataclysmiques» dans les pays pauvres, mais pas uniquement.
Pour Jean Jouzel, cité par le quotidien Le Monde, le changement climatique suit un «scénario dangereux, car, en l’absence de décisions politiques pour infléchir nos émissions de CO2, il risque de nous entraîner vers des valeurs extrêmes de + 6 °C d’ici la fin du siècle».
«Les engagements, volontaires ou contraignants, des pays sur la période 2012-2020 sont connus : –20 % d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 pour l’Europe, –15 % entre 2005 et 2020 pour les États-Unis, soit l’équivalent de –3 % par rapport à 1990, et une augmentation de l’efficacité énergétique pour la Chine. Même si tous ces engagements étaient tenus, il resterait encore 15 % d’émissions en trop pour éviter de dépasser un réchauffement de la planète de 2 °C. Au final, il faudrait d’abord diviser les émissions par trois pour atteindre 10 milliards de tonnes de CO2 en 2050 contre 35 milliards aujourd’hui, puis ne plus émettre du tout jusqu’en 2100 – c’est-à-dire compenser totalement les rejets. Le pic d’émissions de gaz à effet de serre devrait par ailleurs survenir au plus tard en 2020, ce qui n’est pas du tout la tendance actuelle, puisque les émissions n’ont jamais autant augmenté qu’au cours des dernières décennies et continuent de le faire d’année en année.»
Une échéance inéluctable
Difficile pour lui d’envisager, maintenant, un miracle : «Il en résultera une élévation du niveau des mers de 50 cm à 1 mètre, entraînant le déplacement de millions de personnes, des épisodes climatiques plus extrêmes, des périodes de précipitations et de sécheresse intenses, des vagues de chaleur multipliées par dix, ou encore une acidification des océans. Les pays en développement seront en première ligne, notamment l’Afrique pour les pénuries d’eau et l’Asie pour l’élévation du niveau des mers. Toutefois, les pays développés seront aussi touchés : les sécheresses vont se multiplier dans l’ouest des États-Unis, les cyclones et tempêtes verront leur intensité augmenter, l’élévation du niveau de la mer touchera le pourtour méditerranéen ou encore le nord de l’Europe (Belgique, Pays-Bas, etc.) et la France pourrait voir disparaître tous ses glaciers. Surtout, le réchauffement se poursuivra au-delà de 2100. Avec cette trajectoire, on pourrait atteindre + 8 °C à + 10 °C en 2300. Des scénarios totalement inenvisageables commencent ainsi à émerger.» Des prévisions plus qu’inquiétantes, sachant qu’il a suffit une chute de 6°C des températures pour déclencher la dernière ère glaciaire.
Listant les dangers qui menaceraient alors la planète, inondations, sécheresses, malnutrition, la Banque mondiale prédit dans son rapport une aggravation des «pénuries d’eau» en Afrique de l’Est, au Moyen-Orient ou en Asie du Sud, et un «rebond significatif» de la mortalité infantile en Afrique subsaharienne. «L’intensification prévue des événements climatiques extrêmes pourrait inverser les efforts pour réduire la pauvreté, particulièrement dans les pays en développement» résume le rapport, assurant que la planète serait encore «plus inégalitaire» qu’à l’heure actuelle.
Aucune région ne sera épargnée par les bouleversement, prévient le rapport. Les récentes sécheresses ayant frappé les États-Unis ou l’Europe de l’Est pourraient se reproduire, et l’Occident serait aussi confronté à l’afflux de populations fuyant les bouleversements du climat. «Il faut faire baisser la température et seule une action internationale concertée et rapide peut y contribuer», clame la Banque mondiale, appelant à une utilisation plus «intelligente» de l’énergie et des ressources naturelles.
Et le Gabon dans tout ça ?
Et cela concerne particulièrement le Gabon qui tire l’essentiel de ses ressources du pétrole. Or, d’après Jean Jouzel, la seule solution pour éviter le pire, pire encore que ce qui est annoncé dans le rapport de la Banque mondiale, serait l’abandon pur et simple et à brève échéance des énergies fossiles : « Les pays doivent tout faire pour diminuer les émissions de CO2 et non plus seulement les maîtriser. Les solutions sont connues : diviser fortement les émissions du secteur des énergies fossiles, ce qui implique de ne pas poursuivre dans le développement massif des hydrocarbures non conventionnels comme les huiles et gaz de schiste, développer les énergies renouvelables pour fournir jusqu’à 50 % de l’énergie d’ici 2050, gagner en efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment, favoriser les transports en commun ou encore limiter les émissions de méthane du secteur agricole. Ce sont des voies à mettre en œuvre aujourd’hui de façon volontariste pour éviter de le faire de manière contrainte et dans la panique dans quelques décennies.»
Dans ce contexte, le Gabon devrait plus rapidement que prévu parvenir à se passer du pétrole pour son développement, ce qui est loin d’être à l’ordre du jour, même si des solutions de remplacement sont à l’étude. Mais 40 ans, à l’échelle d’un tel bouleversement économique, dans un contexte climatique et social qui va drastiquement se détériorer, c’est très court. Trop court à l’évidence.
Deux scénarios se dessinent, aussi désagréables l’un que l’autre. Soit les pays industriels prennent conscience rapidement que limiter la casse est devenu vital et leur consommation de pétrole va chuter, et les revenus du Gabon en conséquence, soit ils ne feront rien et les convulsions climatiques, les migrations de centaines de millions de personnes, les destructions d’infrastructures et le probable développement de maladies jusqu’alors inconnues auront raison des recettes pétrolières restantes.
Dans un pays où toute l’économie serait à reconstruire sur des bases totalement nouvelles, mais où personne n’est préparé à cela ni, visiblement, compétent pour imposer un plan crédible et convaincant, le pire semble encore à venir et l’émergence, quant à elle, risque de prendre du plomb dans l’aile au moment même où elle est programmée pour s’envoler.