Dans un entretien exclusif accordé à GABONEWS, le conservateur du Parc national de Waka, Benoit Nziengui, expose les difficultés qu’il rencontre, les missions qui lui sont assignées et l’apport des populations dans la gestion de cet espace protégé.
GABONEWS (GN): Le Gabon, plus que jamais s’est engagé dans un processus de conservation de sa faune et de sa flore. Pour le Parc National de Waka près de Fougamou dans la N’gounié, quelle est la priorité lorsqu’on sait qu’il y a des villages autour de votre réserve ?
Benoit Nziengui (BN): Notre priorité reste naturellement la protection que nous faisons à travers la surveillance. Il faut souligner que notre aire protégée a un statut spécial car appartenant aux espaces dénommés : « refuges forestiers du pléistocène », une époque lointaine (+800 000 ans) où a régné un désastre planétaire (glaciation) ayant occasionné des grands bouleversements au niveau écologique. Ces refuges que l’on peut comparer à l’arche de Noé, ont donc échappé à cette catastrophe et sont alors sensés détenir des informations authentiques de la forêt africaine. Pour nous, il est donc question d’éviter désormais la perturbation de ce milieu par l’homme pour une exploitation quelconque qui vienne changer cette donne.
GN: Quels sont les mécanismes que vous mettez pour réduire le braconnage ? Y a-t-il des activités génératrices de revenus pouvant conduire ces populations à tourner le dos à la pratique de la chasse sauvage ?
BN: Si le braconnage se définit comme étant le prélèvement abusif des espèces animales pour des besoins économiques, il faut relever qu’on va parler difficilement de braconnage dans un milieu enclavé qui ne permet pas l’écoulement des produits pouvant sortir d’une partie de chasse. En effet, la faible densité de la population vivant autour de Waka (moins de 1000 habitants), épargne l’aire protégée des pressions humaines. Par rapport au deuxième volet de votre question, il faut simplement retenir que nous associons les populations dans nos activités tous azimuts pour leur procurer quelques francs à partir desquels ils peuvent se procurer des biens parmi les plus nécessiteux au sortir d’une mission par exemple.
GN: Parmi les missions assignées à Waka, on note la valorisation de la culture. Que faites-vous pour donner une visibilité au patrimoine matériel et immatériel des peuples de la contrée ?
BN: Lorsque nous sommes informés de l’organisation d’une cérémonie (retrait de deuil, initiation…) nous nous organisons de façon à prendre part à l’événement pour montrer aux populations que nous sommes en parfait accord avec eux. Ceci est facilité par le fait que nous appartenons au groupe linguistique présent dans le milieu (Tsogo) et que nous avons franchi plusieurs des étapes de la tradition de ce groupe. Il va donc de soi que les informations vont difficilement nous échapper à partir de ce moment. Et quand on voit un conservateur dans une tenue traditionnelle aux côtés des populations, l’événement est plus que rehaussé. Telle est notre façon de valoriser la culture du milieu. Nous n’oublions pas la présence de la communauté Babongo autrement désignée par le terme pygmée que nous regrettons d’employer. Ce peuple détient encore une importante connaissance du patrimoine culturel. Nous le considérons comme des consultants du milieu.
GN: La base vie de votre parc est très éloignée de la ville de Fougamou, et l’accès est difficile à cause de la route. Comment gérez-vous cette situation avec les mouvements des touristes et des chercheurs qui fréquentent la réserve de Waka ?
BN: Une pensée populaire dit que « vouloir c’est pouvoir ». Lorsqu’on veut atteindre un objectif, on prend toutes les dispositions que celui-ci exige. Le parc national de Waka est très enclavé dans les massifs du Chaillu (135 km de la ville de Fougamou), en traversant le fleuve N’gounié au village Eghono non loin de Sindara. Il faut, au départ, être un passionné de la nature pour s’y engager. Il nous arrive de marcher sur d’importantes distances lorsque le bac sur la N’gounié fait des caprices et qu’il n’y a pas de voiture de l’autre côté de la rive droite où se trouve le parc. Les chercheurs et autres visiteurs sont souvent informés de ce calvaire afin qu’ils s’engagent avec amour, volonté et détermination.
GN: Quel bilan pouvez-vous dresser de vos activités de terrain en 2012 ?
BN: Après avoir mis l’accent sur la sensibilisation au cours des deux premières années de notre présence à Waka (2010-2011), l’année qui s’achève a constitué le point de départ de la prospection du parc. Nous sommes à plus des ¾ de prospection de notre aire protégée ; ce qui nous permet de dire que notre bilan annuel est largement positif pour cet espace caractérisé par des sommets s’élevant à plus de 900 m d’altitude.
Propos recueillis par LDN