spot_imgspot_img

Mali : la France monte en puissance dans le conflit

2500 militaires supplémentaires ont reçu l’ordre de rallier Bamako avant de faire mouvement, bientôt, vers le centre du pays. Crédits photo : Jerome Delay/AP
Posés sur le sable orange, des hangars de tôle bourrés d’armement, gardés par des islamistes du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), entourés d’une petite muraille de pierre. Autour, quelques buissons vert foncé, et puis rien d’autre que le désert. Mais à l’écran l’image est si nette et si précise qu’on a du mal à croire qu’elle a été prise du ciel, par les avions de surveillance qui patrouillent au-dessus du Mali.

Au cœur du futur Pentagone français, à Balard dans le sud de Paris, le Centre de défense aérienne et des opérations aériennes – CDAOA de son acronyme – est devenu l’un des centres névralgiques de la guerre menée depuis vendredi contre les groupes armés islamistes du nord du Mali. Il est chargé de décliner au quotidien les décisions prises par le CPCO, le centre de commandement des opérations de l’état-major des armées. C’est en grande partie d’ici qu’a été menée dimanche l’opération lancée contre les bases arrière du Mujao, à Gao, en plein territoire islamiste, au nord de la ligne de démarcation qui divise le pays depuis presque un an. Basés à Saint-Dizier, les Rafale ont décollé de nuit pour rejoindre N’Djamena, la capitale du Tchad, en passant par Gao pour larguer leurs bombes. Neuf heures trente-cinq de vol, avec ravitaillement en vol. «Peu de pays au monde sont capables de faire cela», rappelle fièrement le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, au ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, venu visiter le centre.

Accélération du calendrier

Au cinquième jour de l’intervention militaire, Paris, qui sait depuis le début que la campagne malienne sera longue, poursuit sa montée en puissance. Au total, 2500 militaires devraient rallier Bamako avant de faire mouvement, bientôt, vers le centre du pays. L’opération «Licorne» basée en Côte d’Ivoire a aussi prêté une trentaine de blindés légers. Le Mali devient le premier théâtre d’intervention français. L’opération au Mali avait été préparée de longue date. À peine arrivée au pouvoir, la nouvelle équipe, qui a accéléré le départ des troupes en Afghanistan, savait que le Sahel, où les groupes armés islamistes ont désigné la France comme leur ennemi principal, serait sa guerre. Le ministère de la Défense préparait les opinions, nationales et internationales, depuis six mois. Depuis des mois également, avions et satellites d’observation prenaient des images des camps d’entraînement et des centres de commandement des groupes armés.

Si la formation des armées africaines devait commencer début 2013, les opérations militaires stricto sensu étaient officiellement prévues pour démarrer à l’automne. L’accélération du calendrier a été décidée après l’offensive de plusieurs colonnes armées, composées de 1 500 hommes et de 300 4×4, au centre du pays, dans le goulet d’étranglement qui sépare le Nord, tenu par les islamistes, du Sud contrôlé par le gouvernement. Depuis le début du mois, les renseignements français faisaient état d’une concentration de forces sur la «frontière». «La dernière fois que les islamistes ont rassemblé autant d’hommes et d’armements, c’est lorsqu’ils ont consolidé leur emprise sur le Nord, au moment de la chute de l’ancien président Amadou Toumani Touré», explique une source dans l’entourage du ministre de la Défense. Le 8 janvier, les cellules du ministère sont placées en alerte. «Lorsque les troupes maliennes ont été défaites à Konna, la route de Mopti puis de Bamako se libérait pour les groupes islamistes. Il était devenu clair que leur but était de casser le gouvernement et ses forces de sécurité», poursuit cette source. Le ministre de la Défense a toutefois précisé mardi que Konna n’avait pas encore été reprise aux groupes terroristes. Avec la disparition du pouvoir de Bamako, tout le travail mis en place par Paris pour assurer la légitimité internationale de l’intervention aurait volé en éclats. «Le scénario d’opération militaire a été proposé au ministre le jeudi soir. Vendredi à 16 heures, les premières frappes ont commencé.» Une action menée par les hélicoptères de combat, les forces spéciales et surtout les chasseurs bombardiers Mirage et Rafale, qui ont agi avec une extrême rapidité. «Avec, certes, tous les aspects risqués d’une intervention enclenchée plus tôt que prévu. Mais en même temps, le coup de force des terroristes avait été anticipé. C’est l’un des scénarios sur lesquels on avait travaillé», poursuit la même source.

Deuxième phase, l’opération terrestre

INFOGRAPHIE – L’offensive contre les djihadistes dans le nord du pays est devenue le premier théâtre d’opération de l’armée française. 2 500 hommes équipés de blindés seront bientôt engagés pour chasser les terroristes d’un immense territoire.
La première phase de la guerre est toujours à l’œuvre. Elle vise à stopper puis à faire reculer les groupes armés, mais aussi à éliminer leurs chefs et à détruire les camps d’entraînement, les centres de commandement et de munitions des islamistes. Des cibles fixes, identifiées depuis longtemps. Même depuis le ciel, l’exercice n’est pas si facile. Passé l’effet de surprise, l’adversaire a adapté sa stratégie. Il se dissémine dans la nature, un territoire deux fois grand comme la France. Il se cache dans des buissons, glisse ses véhicules sous des tentes. Lundi, les combattants d’Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique), les plus armés et les plus dangereux, ont même mené une contre-offensive sur le front ouest. Les combattants islamistes, qui ont pillé les stocks d’armes libyens à la faveur de la chute de Kadhafi, sont très bien armés. Ils ont installé des tourelles de chars sur leurs pick-up. Leur grande mobilité rend les fronts difficiles à suivre. «Ce conflit est un prototype de guerre asymétrique. Ce n’est pas tant le nombre de combattants qui pose problème, mais leur détermination, basée sur l’irrationnel. Le fait de mourir ne pose aucun problème aux djihadistes puisqu’ils sont censés accéder au paradis. C’est un rapport différent à la volonté», explique un officier de l’armée de l’air.

La deuxième phase de la guerre sera terrestre. Car sans présence au sol, impossible de maîtriser le terrain. Une trentaine de véhicules blindés français ont été vus mardi quittant Bamako pour le nord du pays, au moment même où des centaines de soldats maliens et français faisaient route vers Diabali, à 400 kilomètres au nord de la capitale. Cette étape, la plus délicate, devait commencer après l’été. Mais là aussi, Paris a dû anticiper une accélération du processus. L’intervention française a exercé une pression sur les Européens et les Africains qui, espèrent les responsables français, aura un effet d’entraînement. Les leçons du succès libyen ont en outre été tirées, même en dehors des frontières. «Depuis le début de l’opération, les propositions d’aide se multiplient. En Libye, la France a montré à quel point elle était crédible. Les capitales lui font confiance», se félicite un officier de l’armée de l’air.

Double jeu

En se portant immédiatement au secours du gouvernement malien, la France a une nouvelle fois prouvé qu’elle avait une capacité d’entrer en premier sur les théâtres d’opérations. Mais pourra-t-elle tenir dans la durée? Car la seconde partie de la guerre, qui durera plusieurs mois, sera aussi la plus difficile. Une fois l’effet de surprise passé, il devient compliqué d’atteindre des 4 × 4 isolés dans un si grand territoire souvent balayé par des vents de sable. Comment convaincre l’Algérie de cesser son double jeu vis-à-vis des groupes islamistes? Sera-t-elle capable de fermer hermétiquement sa frontière et d’empêcher que son Sud ne devienne une base arrière pour les combattants chassés du Mali?

Il est évident, d’autre part, que les armées africaines ne seront pas opérationnelles avant longtemps, même formées par des conseillers occidentaux. Pourquoi feraient-elles mieux que les forces de sécurité afghanes, dont l’intégrité et l’efficacité ne sont toujours pas assurées après plus de dix ans de guerre? Pour Paris, les situations ne sont pas comparables. «Il n’y a jamais eu d’État doté d’une armée en Afghanistan. Le terrorisme y était, d’une certaine façon, endogène. Au Mali, la population soutient l’intervention. Elle ne demande qu’à se débarrasser des groupes islamistes», explique l’entourage du ministre. Mais l’efficacité des forces africaines, et surtout des maliennes qui n’ont pour l’instant d’armée que le nom, ressemble à un grand saut dans l’inconnu.

Comme toujours, la bataille à livrer n’est pas seulement militaire, mais aussi politique: au Mali, la solution ne pourra s’imposer sans les Touaregs, ni faire l’économie d’une reconstruction de l’État. «La France n’a pas vocation à rester au Mali», a prévenu François Hollande. Mais la guerre échappe souvent à ceux qui l’ont déclenchée.

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES