Le secrétariat exécutif du parti démocratique gabonais (PDG), au cours de son tour d’horizon sur l’actualité politique du pays le 14 février 2013, s’est arrêté sur l’affaire relative à la perquisition des deux villas perchées sur la colline de Cimiez à Nice susceptibles d’appartenir à feu le président gabonais Omar Bongo Ondimba.
Vingt quatre heures après l’annonce de la perquisition par les limiers de l’Office central de la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), de deux villas situées à Nice sur la côte d’Azur, susceptibles d’appartenir à l’ancien homme fort du Gabon, en l’occurrence, Omar Bongo Ondimba, les militants et militantes du Parti démocratique gabonais n’ont pas tardé à manifester par la voix de leurs porte parole, Charles Mve Ellah, leur mécontentement par rapport à ce qu’ils qualifient de «dérapages médiatique à l’encontre d’un mort».
En effet, l’intérêt accordé par les médias nationaux et internationaux à cette affaire de détournement de fonds publics africains, blanchis en France sous la forme d’acquisitions immobilières, par trois dirigeants, feu Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo) et Teodoro Obiang Nguema (Guinée-Equatoriale) ne semble pas du goût de fratrie PDG, qui aurait souhaité plutôt une reconnaissance, à l’endroit du feu président Omar Bongo Ondimba qu’ils créditent d’«un rôle non négligeable dans le développement de la coopération franco-africaine, ainsi que la contribution au rayonnement de son pays et même de la France».
«Le secrétariat exécutif du PDG s’est indigné de l’acharnement orchestré contre la mémoire du feu président Omar Bongo Ondimba (…). Pour des questions d’éthique et de respect des valeurs cardinales de notre société, nous dénonçons les dérapages médiatiques à l’encontre d’un mort, dont l’œuvre reste gravée dans les mémoires», a fustigé le secrétaire général adjoint du PDG, Charles Mve Ellah, avant de rassurer que, cette énième tentative de bafouer l’image et la mémoire du bâtisseur de «l’unité nationale» par effet d’entrainement celle du régime, «ne saurait ébranler encore moins ralentir la détermination du président de la République Ali Bongo Ondimba, qui s’est résolument engagé à faire du Gabon un pays émergent».
Bruno Ben Moubamba, candidat à la présidence en 2009, mais aussi un temps à la succession de Pierre Mamboundou à la tête de l’UPG, opposant donc à priori à Ali Bongo et au PDG, tient à peu près le même discours dans une interview sur le site infogabon.com, mais avec des arguments : «Le débat des BMA [Biens mal acquis – ndrl] devrait être abordé sous un angle juridique, sous un angle diplomatique, sous un angle historique et encore plus sous un angle géostratégique ou économique. Puisqu’il s’agit d’Afrique, on fait tout pour installer une cacophonie médiatique troublante dans laquelle on saupoudre un peu de tous ces ingrédients agrémentés de l’indispensable piment paternaliste : la morale. Mais à y regarder de près, les donneurs de leçon de morale ne sont pas si propres que cela !
«Tout le monde ne peut pas tranquillement disposer d’un compte bancaire bien garni et non déclaré au Japon ou au Qatar comme certains chefs d’état européens. Tout le monde ne peut pas non plus créer un fond d’investissement de plus d’1 milliard d’euros après un mandat présidentiel en occident !»
«Finalement, cette affaire des Biens Mal Acquis est devenue bizarre, en général, parce que les plaignants ne sont pas des acteurs économiques, ni des africains eux-mêmes.
Rappelant qu’un un plaignant gabonais, Grégory Ngbwa Mintsa, avait été écarté de la procédure au motif qu’il n’avait pas «d’intérêt à agir» en France, il met en doute la volonté de la justice française de faire réellement toute la justice sur cette affaire : «Comment mieux vous expliquer, chers compatriotes, que la gestion de votre pays, la maîtrise de vos fonds publics, l’exploitation de vos ressources énergétiques (On vous renvoie aux accords de certains ONG avec certaines multinationales liées à l’uranium), en réalité, votre bien-être, n’est pas votre affaire ? Ne vous mêlez surtout pas de ce qui vous regarde. (…) Chacun doit comprendre que le fameux intitulé “Biens mal acquis” provient du rapport d’enquête du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) pour l’année 2007. Dans la relation des faits et l’analyse faite par les “spécialistes” et pseudo “amis” de l’Afrique, les gens ignorent tout de la moitié du sous-titre du rapport 2007 du CCFD. Parce que, ceux qui se sont inscrits dans une démarche sincère et différente des “règlements de compte personnels” doivent informer l’opinion publique que l’étude du CCFD de 2007 avait pour titre, et ce n’est pas un détail “La fortune des dictateurs et des complaisances occidentales”. (…) Les Africains sont peut-être des grands enfants mais nous avons assez grandi pour nous souvenir que le rapport 2007 du CCFD est accablant pour les bailleurs de fonds internationaux, pour les entreprises occidentales, pour leur recours aux paradis fiscaux, leur violation des règles de l’OMC et l’opacité de leur comptabilité afférente aux ressources énergétiques. Le rapport parle de “pillage occidental organisé” et stigmatise le fait que l’argent récupéré chez les dictateurs n’est jamais rendu aux africains.»
«Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de justifier l’injustifiable mais de stopper l’hypocrisie du dossier des “Biens mal acquis” qui consiste à “émasculer” les leaders africains et cela ne peut plus être accepté, car le leadership africain ne s’arrête pas avec ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui. Tout chef d’état doit disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour ne pas se transformer en mendiant. (…) C’est aux Africains eux-mêmes de régler certains problèmes car on ne demande pas aux Émirs du Qatar comment ils ont fait pour acheter le Paris Saint-Germain (PSG), club de football. Et si le PSG était un Bien Mal Acquis ?»
Ces deux villas qui viennent d’être perquisitionné, et pour lesquelles les deux juges parisiens qui enquêtent dans le cadre de l’affaire dite des «biens mal acquis» tentent de déterminer si l’argent qui a servi à l’acquisition de ces dernières appartenait à l’État gabonais, viennent s’ajouter à la longue liste d’adresses de la famille Bongo qui se chiffrait en 2007 à 39, rien que pour la France dont une dizaine de résidences à Nice mais aussi à Villeneuve-Loubet.
Ce patrimoine azuréen estimé à l’époque par Sherpa à plus de 21 millions d’euros n’était manifestement pas exhaustif. Les deux villas visitées, le 13 février, par les policiers, rue Flirey sur la colline de Cimiez, ne figuraient pas dans l’inventaire de 2007. «C’est plutôt une bonne nouvelle. Cela démontre que l’enquête se poursuit et qu’elle permet de découvrir de nouveaux éléments», s’est réjoui Maud Perdriel-Vaissière de l’association Sherpa.