Alors que les terrains de golf sont de plus en plus décriés à travers le monde pour leurs effets pervers sur l’environnement, le Gabon qui se positionne en défenseur de la nature, va faire réaliser deux parcours de golf pour presque 4 milliards de francs CFA, notés dans la loi de finances 2013.
Le golf serait-il une discipline sportive prioritaire au Gabon ? On note, dans la loi de finances 2013, qu’une enveloppe de 3,750 milliards de francs CFA est destinée à la construction de deux parcours de golf. L’un à la Pointe-Denis et l’autre à la cité de la Démocratie à Libreville. L’urgence ou la pertinence de cet investissement avec l’argent public ne se justifient que difficilement lorsqu’on sait que le pays compte déjà cinq terrains de golf, le meilleur de tous étant le Golf Club de Libreville, qui tend à accueillir les plus importants tournois de golf gabonais tandis qu’un autre cours, hautement considéré, se trouve à Port-Gentil. Les autres parcours sont situés à Franceville, Gamba et à Moanda où s’organise un open international qui a accueilli sept pays en 2012.
Alors que l’Organisation patronale gabonaise (OPG) se plaint de ne pas accéder aux marchés publics et dénonce des appels d’offres et passations de marchés «truqués» qui excluent les PME gabonaises, l’Agence nationale des grands travaux a lancé, le 24 septembre 2012, un avis d’appel à manifestation d’intérêt concernant l’«Assistance technique pour la construction d’un terrain de golf international à Libreville». Selon les critères de préqualification, les entreprises soumissionnaires doivent justifier d’une expérience de plus de cinq ans dans les prestations similaires ; justifier des moyens matériels, techniques adéquats et d’un personnel clé en adéquation avec la mission ; justifier d’une capacité financière leur permettant de démarrer l’exécution des prestations dès la notification du marché.
Emmanuel Charles Eyéghé, président de l’OPG, peut toujours s’époumoner. Quelles PME locales disposent d’une expérience de plus de cinq ans en réalisation d’un parcours de golf ? Lesquelles pourront justifier d’une capacité à préfinancer le lancement de ces travaux ? L’appel d’offres a d’ailleurs été lancé sur l’international, ainsi qu’en témoigne une annonce dans l’hebdomadaire «Jeune Afrique». Et pourtant, le Golf de Libreville anciennement Club de Golf de l’Estuaire n’a pas été réalisé, à la fin des années 60, par une entreprise alors venue de l’étranger.
On sait bien que c’est sur les cours de golf, à l’abri de regards du commun des mortels, que les grands patrons, industriels, capitalistes et politiques, concluent leurs affaires, mais dans le cas du Gabon les choses ont jusqu’ici fonctionné sans ces jardins de jeux pour riches. De plus, comment comprendre que le pays qui se veut protecteur de l’environnement et promoteur d’un Gabon vert, opte pour des cours de golf au moment où ceux-ci sont décriés par les ligues de protection de l’environnement ? Selon ces organisations, les terrains de golf consomment non seulement d’immenses ressources foncières, mais aussi une quantité d’eau et d’insecticide alarmante.
En 2005, l’Association des Green-keepers français (Agref) indiquait qu’avec une moyenne de 40 ha pour un parcours, le besoin en arrosage est de «3 176 m3 d’eau par hectare et par an». Ce qui, selon l’association, équivaut aux besoins moyen de 7 000 habitants. «C’est beaucoup pour divertir les quelques centaines de membres d’un seul golf», s’était indigné l’Agref qui dénonçait également les milliers de balles de golf qui se perdent dans la nature sans être recyclés. En outre, les terrains nécessitent une quantité monstre d’insecticides et d’engrais chimiques, obligatoires pour maintenir la santé des prairies vertes pendant toute l’année. On imagine déjà les belles annonces que la SEEG publiera pour justifier les coupures d’eau dans les quartiers de Libreville.
«Le plus grand danger du golf, c’est qu’il provoque souvent de la pollution et des dommages écologiques. La construction d’un terrain de golf endommage toujours la diversité écologique locale et menace l’environnement des habitants logeant à proximité», explique Fu Chonglan, un expert de l’Institut du Développement urbain et des recherches environnementales de l’Académie chinoise des sciences sociales. Alors, Gabon vert ou Gabon doré ?