Gabon Télévision a décidé de percer le flou qui voile la pratique de l’homosexualité au Gabon. Présentée par Jean-Eric Nziengui Mangala et Moussa Nziengui, l’émission l’Heure de vérité recevait, le 19 février 2013, le pasteur Francis Michel Mbadinga de l’église Béthanie avec lequel un débat, au langage hautement truculent, a permis d’apprécier le niveau d’acceptation de l’homosexualité au Gabon.
«L’homosexualité est le désir, l’amour, l’attirance ou les relations sexuelles entre personnes de même sexe, selon une perspective comportementaliste ou empirique. C’est également un goût, une orientation sexuelle, selon une perspective psychologique ou sociologique. L’homosexualité fait partie de la sexualité humaine mais aussi animale», indique l’encyclopédie participative en ligne Wikipedia.
Le mardi 12 février 2013 donc, le projet de loi ouvrant la voie au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels a été adoptée en première lecture à l’Assemblée française par 329 voix contre 229, comme 13 autres pays dans le monde au 20 février 2013. Si la France s’est clairement prononcé sur ce débat qui fait couler encre et salive, il est à noter que la majorité des pays africains sont loin de vouloir se prononcer sur ce type de pratiques. Le Cameroun, pays voisin du Gabon qui dispose de lois en la matière, a d’ailleurs récemment arrêté et mis en prison des personnes soupçonnées d’homosexualité. 88 pays ont des lois qui pénalisent l’homosexualité et dans 6 pays, elle est passible de la peine de mort : Arabie saoudite, Iran, Nigeria, Mauritanie, Soudan et Yémen.
L’émission de Jean-Eric Nziengui Mangala et Moussa Nziengui a eu le mérite de laisser une bonne dizaine de personnes se prononcer sur le sujet au niveau du Gabon. Dès l’entame, une bande indiquant «interdit aux moins de 12 ans» balisait le bas de l’écran.
Deux ou trois invités, sur le plateau de Gabon Télévision ce jour là, ont brandi le principe du libre arbitre qui laisse à chacun le droit de se déterminer et de décider de ses choix et orientations diverses. Ce, notamment du fait que la Constitution du Gabon défini le mariage comme une «union entre deux personnes», sans plus, ce qui ouvre la porte à bien d’interprétations. Les uns parlent alors de l’exercice du droit et de la liberté des homosexuels qui sont donc libres et «ont le droit de faire ce qui leur plait sans en avoir à offusquer qui que ce soit. Surtout lorsqu’ils assument pleinement et publiquement leur choix». Cela dit, de la relation sexuelle au mariage, il y a une grande marge que la plupart n’avaient pas l’air de mesurer.
Pourtant, la majorité des personnes intervenues dans le micro-trottoir réalisé à la faveur de cette émission estiment que cette pratique ne correspond pas aux us et coutumes gabonaises, ni même aux prescriptions bibliques. La tradition était d’ailleurs le plus souvent invoquée pour fustiger cette pratique.
«Quand vous voyez les débats en Occident et particulièrement en France, on nous fait ressortir le fait que c’est un État laïc et que ce n’est pas la religion qui va imposer sa loi. On essaie de nous présenter comme des bandits, des gangs, des terroristes parce que lorsqu’on n’est pas dans la pensée unique de l’Occident qui veut imposer ses histoires, on est des arriérés, on nous dira qu’on fait de l’extrémisme religieux. C’est totalement faux !», a plaidé le pasteur Francis Michel Mbadinga pour planter le décor. L’homme d’église s’est appuyé sur la définition d’une ancienne version du dictionnaire médical Vidal qui explique que «l’homosexualité est une déviance mentale faisant l’objet d’un traitement psychiatrique et psychologique». Dans le nouveau Vidal par contre cette définition a été supprimée du fait de l’évolution des mentalités, mais aussi de la recherche scientifique.
Pour le révérend Mbadinga, «l’homosexualité n’est pas une pratique saine. Elle doit être dénoncée», ajoutant que nos traditions n’autorisent pas ce phénomène. «Imaginer qu’on apprenne dans nos villages qu’un homme et un homme couchent ensemble. Que l’on apprenne que l’une de leur fille a pour mari une autre fille. Vous allez être bannis et les vieux finiront par vous tuer de toutes les manières», a rappelé le Pasteur Mbadinga, non sans se demander qui va produire les enfants qu’adopteront ces homosexuels. Question un peu ridicule dans un monde de 7 milliards d’individus, qui en comptera 9 milliards en 2050, et qui se demande déjà comment il fera pour les nourrir tous.
S’il est sain de pouvoir programmer une émission sur un sujet aussi conflictuel à la télévision publique, il faut reconnaître que le débat fut largement faussé par le fait que les tenants de l’interdiction, légale ou formelle, de l’homosexualité, n’avaient pas de véritable contradicteur crédible. Il faut dire que s’afficher en défenseur de la liberté individuelle sur le sujet n’est pas facile. Pour la majorité de la population, l’homosexualité est une tare, quelque chose entre le vice et la maladie, et toute personne prenant la défense des homosexuels est considérée comme suspecte. Bien peu d’intervenants ont envie de devenir des parias du simple fait qu’ils défendent une idée libérale de la société.
En définitive, à entendre les différents intervenants de cette émission, le poids des traditions et la suprématie des dogmes religieux sont encore trop forts, et même si rien n’est dit côté officiel, le Gabon est loin de pouvoir admettre ce phénomène. En attendant, les homosexuels du Gabon, pourtant très nombreux, sont condamnés à vivre leur vie amoureuse dans la clandestinité ou à s’exiler pour ceux qui le peuvent.