Dans une Interview accordée au satirique La Une, le leader de Brainforest et membre du mouvement Ça suffit comme ça, Marc Ona Essangui, a fait le point et décliné un nouveau scénario quant à l’organisation de la Conférence nationale. Comme au Niger et au Sénégal, au début des années 1990, ces assises pourraient se tenir sans l’aval du pouvoir.
Pour son retour en kiosque après six mois d’interdiction par le Conseil national de la communication, le satirique La Une a titré «Enfin, la Conférence nationale !», précisant en appel de titre «Marc Ona dévoile son chronogramme». L’article est donc une interview du leader associatif Marc Ona Essangui, membre éminent du mouvement Ca suffit comme ça qui a lancé, début décembre 2012, l’opération d’inscription sur les listes pour la participation à l’organisation de la Conférence nationale souveraine (CNS), espoir d’une sortie de crise pacifique selon certains.
Alors qu’il lui est indiqué, dans un contexte marqué par la concertation politique organisée par le président Ali Bongo autour de la biométrie et du Conseil national de la démocratie, que le doute s’installe quant à la plausibilité de la CNS dont l’idée a été lancée le 3 juillet 2012 à Paris, Marc Ona répond qu’«Il n’y a aucun lien entre ce que vous dites et la CNS. La consultation politique dont vous parlez est un gadget pour distraire les Gabonais, mais surtout pour essayer de présenter une image d’homme de dialogue à l’international alors que la réalité est autre.»
Pour le membre de Ça suffit comme ça «Ali Bongo a affiché clairement ses intentions d’instaurer une dictature avec la révision unilatérale de la Constitution, la création des agences rattachées à la présidence et qui échappent au contrôle de l’administration, la nomination aux postes clés du pays des hommes et des femmes à la moralité douteuse et qui gèrent l’essentiel des instruments de souveraineté, le maintien à la tête des institutions républicaines de ceux qui brillent par une gestion désastreuse des budgets de leurs institutions et qui assurent à Ali Bongo stabilité et assurance pour une mauvaise gouvernance qui transforme le Gabon en véritable champ de course pour les affairistes véreux, avec au bout du compte un enrichissement illicite sans précédent.»
Et de poursuivre, pour étayer sa pensée : «Vous comprenez qu’avec un tel tableau, la CNS, telle que nous la définissons et nous la concevons, ne fait pas le bonheur d’Ali Bongo et ses complices dans le maintien de la situation désastreuse que nous dénonçons. Ces alliés et complices se retrouvent dans les deux camps, opposition et majorité. Au regard de cette complicité, nous sommes obligés de mobiliser le peuple pour l’organisation de la CNS. C’est le peuple souverain qui montrera la voie à suivre.»
Revenant à la charge, Maximin Mezui, directeur de La Une, qui mène lui-même l’entretien, demande si les tenants de l’organisation de la CNS sont assurés de ce que le peule les suit. Ce à quoi le membre de la société civile gabonaise répond : «La mobilisation du peuple n’est plus un doute pour nous. Depuis le lancement des inscriptions, nous comptons sur papier 15 300 inscrits et 1 178 en ligne pour la diaspora. C’est un total de plus de 16.000 gabonais décidés à réformer le mode de gouvernance du pays. Libreville à elle seule avec plus de la moitié de la population du pays qui y vit, nous a confirmé la tendance à aller vers plus de réformes et de démocratie. Les appels venus des 9 provinces pour réclamer les inscriptions nous renforcent dans la conviction que le peuple réclame la CNS. A nous de montrer que nous sommes déterminés. Surtout quand ceux que nous rencontrons disent qu’ils sont habitués aux tergiversations des leaders des partis politiques dits de l’opposition.»
Résolument optimiste et s’appuyant sur les exemples de quelques pays africains, Marc Ona indique : «Face à ces inquiétudes légitimes du peuple, nous sommes tenus d’aller jusqu’au bout avec ou sans le pouvoir. Les Sénégalais ont organisé les assises nationales sans l’aval du pouvoir de Wade. Maky Sall gouverne aujourd’hui le Sénégal avec les actes des assises nationales organisées par la société civile réunis au sein du mouvement M23 de mon ami Alioun Tim, la coalition des partis politiques. Le Niger a réussi la même chose. Mais ceux qui voient en notre projet une menace pour leur survie politique sont très mal à l’aise avec l’idée de la CNS. On les retrouve bien évidemment dans le camp du pouvoir et dans l’opposition. Nous allons surmonter ces blocages».
Mais, suffit-il d’organiser les inscriptions pour rendre effective la CNS ? interroge Maximin Mezui. Et le prix Goldman pour l’Environnement en 2009 de répondre : «Pas du tout. Le chronogramme est déjà arrêté. Les mois de janvier et février sont mis à profit pour organiser les commissions, créer les comités de quartier et renforcer l’organisation au sein de notre coalition (partis politiques, société civile et diaspora). […] Nous sommes en train de mettre sur pied la commission nationale d’organisation de la CNS. Nous avons opté pour l’organisation des conférences provinciales tout au long du mois de mars avant la convocation de la grande CNS de Libreville. A Libreville, il est prévu des conférences d’arrondissement. C’est la somme des résolutions de ces différentes assises qui constituera l’essentiel des problématiques à évoquer et à débattre lors des grandes assises de Libreville.»
Sept mois déjà depuis que cette idée de conférence nationale a été lancée à travers le mémorandum dit de Paris. Presque impératif, le texte déclinait un chronogramme portant sur la «dissolution de l’Assemblée nationale», la «réhabilitation de l’Union nationale», la «réhabilitation de tous les fonctionnaires et étudiants victimes de suspension arbitraire de salaires et de bourses pour des questions d’ordre politique», la «restauration de la couverture nationale de TV+ et restitution de son matériel confisqué à ce jour par la garde présidentielle» pour aboutir à la «tenue de la Conférence nationale souveraine à Libreville avec une facilitation internationale de haut niveau» en septembre 2012. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors et ce chronogramme a été réaménagé sinon chamboulé pour aboutir aux perspectives que laisse maintenant entrevoir Marc Ona. Le nouveau scénario sera-t-il finalement déroulé tel qu’annoncé ? Le temps tranchera.