Les cinéastes africains ont rendu un hommage à leurs « amis » qui ont quitté les plateaux et les scènes depuis la dernière édition du FESPACO de 2011, et notamment à Dieudonné Kabongo et Charles Mensah dont les œuvres et l’engagement ont contribué à faire un « cinéma africain » compétitif.
C’est la salle du cinéma ‘le Burkina’ qui a servi de cadre à ces magnifiques hommages. Les souvenirs des cinéastes africains disparus ont permis de refaire le parcours du 7ième Art sur le continent. Des projections de films documentaires, des prestations artistiques et des mots ont rythmé la soirée qui s’est étendue jusqu’à minuit, heure locale.
Pour la délégation gabonaise, l’attente était beaucoup plus grande. Le Gabon étant l’invité d’honneur, l’hommage rendu à son cinéaste Charles Mensah a été des plus émouvants. D’abord des chants-chorales puis la projection d’un film réalisé pour l’occasion par le cinéaste burkinabé Issaka Compaoré et dont le titre est simplement ‘Charles Mensah’. Ce film retrace le parcours d’un homme qui a mis sa force, son intelligence et sa vie au service d’un art perçu comme mineur il y a encore quelques décennies et qui a fini par devenir majeur dans le cœur des Africains. Il s’agit d’un film hommage dans lequel les cinéastes saluent l’œuvre de Charles Mensah à travers des témoignages de ceux qu’il a accompagnés, de ceux qu’il a soutenus et de ceux qu’il a « ressuscités » en quelque sorte. Les témoignages entre autres de Mahama Johnson Traoré du Sénégal ou de Ramatou Kéita du Niger l’ont confirmé.
Celui qui a dirigé pendant plusieurs années le Centre Nationale du Cinéma (CENACI) au Gabon a vite compris que cet art ne pouvait pas se développer s’il n’y avait pas de structures légales pour accompagner les projets dans leurs différentes phases que sont la conception, la réalisation et la diffusion. Avec lui, le Gabon est devenu en Afrique Centrale le seul pays où chaque année le
Président de la Fédération Panafricaine des Cinéastes, Charles Mensah est resté pour tous « l’homme au grand cœur » qui a, au détriment de sa santé et de ses intérêts, investi son capitale expérience et partagé, sans réserve aucune, sa passion pour le cinéma africain dans lequel il croyait.
A la fin de ce film d’Issaka Compaoré, la salle, bien qu’encore dans le noir, a été illuminé d’une soudaine admiration qui a donné lieu à des applaudissements continus. Un vibrant hommage qui a eu le don d’émouvoir la fille du cinéaste venue à Ouagadougou pour l’occasion. Mahiné Mensah qui a longtemps couru sur les plateaux de tournage et tourné dans des productions de son père s’est dite « surprise de voir que tant de personnes disent devoir quelque chose à mon père ». « J’étais aux écrans noirs et aujourd’hui je suis au FESPACO, je ne cesse d’entendre tous ces éloges de tout ce monde que mon père a accompagné ou encouragé », a-t-elle ajouté.
A cette soirée, il y avait bien évidemment les ministres burkinabé de la culture et gabonais de la communication. Pour Baba Hama, ministre de la culture du Burkina Faso, « ce qui est intéressant c’est que cet hommage soit rendu par les cinéastes eux-mêmes alors qu’ils exercent un métier libéral qui leur demande d’aller toujours à la recherche de financement, ils ont consacré ce temps à faire des films pour saluer la mémoire de leurs confrères disparus ». Blaise Louembet, ministre de l’économie numérique, de la communication et de la poste, a indiqué que « le message que nous tirons de cet hommage c’est que l’œuvre de Charles Mensah est bien trop considérable pour que l’on n’en tienne pas compte » avant d’ajouter que « le gouvernement va continuer de s’en inspirer pour développer le cinéma gabonais ».
Un hommage aux allures d’exorcisme d’une douleur laissée par un homme humble et engagé que l’Afrique regrettera toujours. « Et maintenant, pouvait on entendre dire au bout de cette première nuit de la 23ième édition du FESPACO, le festival peut commencer car le deuil est fait ».
Samperode MBA, envoyé spécial à Ouagadougou.
