Si l’agriculture vivrière nécessaire à nourrir les populations peine à démarrer au Gabon, l’agriculture industrielle d’exportation, elle, se porte plutôt bien si l’on en croit les projets de Siat Gabon (Société d’investissement pour l’agriculture tropicale au Gabon). Faute de main d’œuvre locale, elle songe à importer quelques milliers d’employés depuis les pays voisins dans le Moyen-Ogooué d’ici 2025.
Alors qu’il visitait, le 30 janvier dernier, le complexe industriel de Makouké tenu par la Société d’investissement pour l’agriculture tropicale au Gabon (Siat Gabon), qui y exploite également une palmeraie de 6 500 hectares, Régis Immongault, ministre de l’Industrie et des Mines, a été informé du projet de cette société à capitaux belges de porter cette palmeraie à 25 000 hectares à l’horizon 2025.
Le ratio technique étant de deux employés pour l’entretien d’un hectare de palmeraie, Siat Gabon, qui fourni actuellement 4 500 emplois directs et indirects, sera obligée de porter ses effectifs à 13 000 employés. Seul problème, l’entreprise a déjà beaucoup de mal à trouver sur place le personnel nécessaire. Les gabonais ne se précipitent pas pour postuler à ce travail difficile, physique et, c’est un fait, plus pénible qu’un emploi du bureau.
L’industriel belge est bien obligé de reconnaître que sur l’ensemble des sites qu’il exploite actuellement au Gabon, le personnel est en grande majorité constitué d’expatriés. Alors que Jean Fieri Ntsiengori, directeur de l’usine de Makouké à Lambaréné, a déjà fait part au gouverneur de la province, Pascal Yama Lendoye, de son intention d’embaucher 500 ouvriers agricoles supplémentaires dans un avenir très proche, il sait qu’il aura beaucoup de mal à recruter localement.
Logiquement, les dirigeants de Siat Gabon ont formulé au gouvernement gabonais, par l’entremise de Régis Immongault, une demande d’autorisation d’importer de la main-d’œuvre étrangère en quantité suffisante. Mais si personne ne conteste que pour satisfaire le marché local en huile et savon, Siat doit nécessairement s’étendre et développer sa palmeraie, il n’est pas certain que le gouvernement gabonais, qui freine déjà sur la libre circulation des personnes dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, accorde l’autorisation d’importer plusieurs milliers d’ouvriers dans les 10 ans à venir.
Le blocage n’est ni économique, ni lié à des problèmes sécuritaires avérés et identifiés. Il est avant tout psychologique. Les populations locales ne veulent certes pas travailler dans des plantations, du moins pas aux salaires et conditions de vie proposés, mais elles ne se privent pas pour autant de critiquer ces «étrangers qui prennent le travail des gabonais». Les responsables politiques ne veulent pas être tenus pour responsables d’une vague d’immigration importante, forcément très visible dans une région assez peu peuplée (25 000 habitants pour Lambaréné).
Pourtant, et toutes les études s’accordent sur ce point, l’immigration est une source de richesses conséquente pour une région. Hormis le fait qu’ils travaillent, donc produisent de la valeur, et vivent sur place en y dépensant l’essentiel de leur salaire pour leurs besoins quotidiens, 7 à 8 000 salaires de plus dans une ville comme Lambaréné sont loin d’être négligeables pour les commerçants locaux, les immigrés rapportent aussi à l’État sous forme d’impôts, de taxes locales et de TVA. Mais surtout, ils aménagent la province, construisant ce que les autochtones ne veulent pas faire, ici une plantation prospère, ailleurs des routes et des bâtiments, et développent les petits métiers de services qui se font rares en province : garagistes, tailleurs, épiciers, maçons, briquetiers et autres. Pas un pays prospère ne le serait devenu sans l’apport d’une main d’œuvre étrangère importante.
Siat Gabon, tenu pour le petit poucet vis-à-vis de son principal concurrent, Olam Gabon, parvient à prospérer dans une relative harmonie sociale, et l’usine de Makouké prend une importance grandissante dans la province du Moyen-Ogooué. Reprise en 2004 par le groupe Siat, suite à la privatisation d’Hévégab, d’Agrogabon et du Ranch de la Nyanga, elle a atteint, après modernisation, une production de 10 000 tonnes d’huile rouge à l’année. De l’huilerie de Makouké, l’huile est ensuite transportée par barge sur le fleuve Ogooué ou par camions citernes, vers le Complexe Industriel de Lambaréné où se situent la raffinerie et la savonnerie.
Alors que la production actuelle de l’entreprise ne couvre que 40 à 45% du marché gabonais, Siat Gabon envisage d’investir 315 milliards de francs CFA en 10 ans afin d’étendre les palmeraies de Bindo et d’Ebel Abanga et porter la superficie totale des plantations à 25 mille hectares. L’objectif est de doubler les chiffres actuels pour répondre à 85% des besoins nationaux en 2014.