Le système de transferts d’argent mis sur pied par des banques ou agences semble avoir fait son temps. Aujourd’hui les Africains, en particulier ceux qui ont migré vers l’étranger en quête de l’Eldorado, ont compris qu’ils payaient trop cher pour envoyer à leur famille ce qu’ils avaient durement gagné.
Il y a quelques années, le Gabon ne comptait qu’une seule société de transfert d’argent. Il s’agissait en son temps, de l’un des leaders mondiaux en la matière : Western Union. A cette époque, la seule et unique agence où il fallait effectuer ses opérations se trouvait au centre-ville. Il fallait donc être plus que matinal pour espérer être parmi les cent premiers. Face à la condescendance, au mépris et à l’insolence des employés et à la cherté des coûts de transfert, les personnes qui désiraient envoyer de l’argent à leurs proches urgemment dans le besoin, pour la majorité des étrangers, étaient contraint à la patience et à l’obséquiosité.
Dans la longue file d’attente qui se tortillait dans la ruelle, de petites affaires avaient droit de citer. Certaines personnes avaient compris le jeu et venaient très tôt occuper des places qu’ils revendaient ensuite au plus offrant. Et cela a fonctionné ainsi jusqu’à un passé récent qui a vu l’ouverture de nouvelles entreprises et agences de transfert d’argent.
Petit à petit, la pionnière a vu son chiffre d’affaire baisser, tandis que la concurrence se faisait de plus en plus rude. Les prix ont ainsi baissé, mais restent conséquents malgré tout. Dans un article publié par Reuters, on découvre que «selon un rapport de la Banque mondiale publié le 28 janvier 2013, les transferts d’argent à destination de l’Afrique sont, à l’échelle mondiale, les plus onéreux. Avec des frais d’envoi supérieurs de près de 4% à la moyenne mondiale, il n’y a effectivement pas de quoi se réjouir». Ce même rapport relève que «le prix total des transactions représente pour les migrants un manque à gagner de quatre milliards de dollars chaque année». L’article de Reuters remarque que ces «quatre milliards, faute de contribuer au développement du continent, atterrissent directement dans les caisses des sociétés de transfert».
Derrière ce réseau formel, bien organisé, est né le réseau informel, familial même peut-on dire. Selon un adepte de ce réseau informel, «les transferts se font au départ entre des personnes qui se connaissent très bien. Une sorte de cercle dans lequel personne ne peut trahir personne. Ce sont généralement des commerçants qui ont des antennes dans d’autres régions. Ensuite, de bouche à oreille, on commence par «aider» les amis qui amènent aussi leurs amis. Et le réseau grandi tout seul parce qu’on ne prend pas cher». On parle ailleurs du «don manuel par personne interposée. Ici, plutôt que de placer sa confiance dans une entreprise, l’expéditeur s’en remet à ses compatriotes» ou à quelqu’un de confiance. Le «main à main» indique-t-on, subtil mélange de confiance et de système D.
Ce système qui se fonde entièrement sur la solidarité fait son bonhomme de chemin. Certains passeurs déclarent même ne pas prendre de contrepartie lorsqu’ils convoient de l’argent vers la destination qu’ils rallient. «Je le fais juste pour aider», a indiqué un commerçant Malien qui a l’habitude de convoyer de l’argent à destination de son pays pour ses frères de Libreville. Une forme de service rendu à sa communauté en fait.
Le risque, lorsqu’on fait convoyer l’argent par quelqu’un en qui on a posé sa confiance, reste grand cependant. Il est arrivé que le passeur se fasse agresser par des bandits ou que les effets soient volés avec tout l’argent. «On sait que ça peut arriver. Donc on n’est heureux que lorsqu’on est certains que l’argent est arrivé à ses récepteurs. Qu’est-ce qu’on peut bien faire ? Les transferts par la banque et par les entreprises de transfert sont trop chers ».
La concurrence faite aux entreprises spécialisées reste donc anecdotique pour le moment, même si le programme Send Money Africa indique que les sociétés Western Union et Moneygram, leaders mondiaux sur le marché, contrôlent plus de 50% transfert d’argent sur le continent. La nouvelle donne, ce sont les transferts d’argent par téléphone, encore rares, mais amenés à se développer très rapidement. Et là, la suprématie des agences conventionnelles risque bien d’être mise à mal.