La condamnation, le 29 mars dernier, de Marc Ona à six mois de prison avec sursis et au paiement de 5 millions de francs CFA au plaignant, suscite une levée de boucliers à travers le monde, plus particulièrement au sein du réseau des récipiendaires du Prix Goldman pour l’environnement. Bon nombre de ces héros de l’écologie ont écrit au président Ali Bongo et envisagent d’autres actions en faveur du trublion de la société civile gabonaise.
Ignace Schops, fondateur du Parc national Hoge Kempenn en Belgique, ambassadeur international de la biodiversité pour l’International Union for Nature Conservation (IUCN), Prix Goldman 2008, membre du conseil de la Fédération Europarc (le plus grand réseau sur le patrimoine naturel en Europe) et membre à part entière du Club de Rome, a écrit, le 1er avril 2013, au président Ali Bongo, avec ampliation à Liban Soleman son chef de cabinet. À l’entame de ce courrier ayant pour objet «requête urgente», on peut lire : «Cher monsieur le président, je voudrais vous demander de reconsidérer cette décision. J’ai plusieurs raisons pour cela. Marc Ona donne la voix à ceux qui sont sans protection, aux espèces sans voix, Marc donne la parole aux arbres sous lesquels vous vivez… Marc Ona nous protège -nous les êtres humains- et les générations futures afin que ayons toujours un avenir durable. La biodiversité diminue très rapidement partout dans le monde. Toutes les 12 minutes une espèce s’éteint ! Et comme nous sommes nous-mêmes une espèce, nous avons la responsabilité de protéger la faune autant que possible.»
Surfant sur tout ce que le président Ali Bongo a entrepris pour faire du Gabon un pays moteur de la conservation de la nature, le membre du Club de Rome, sans faire allusion à Olam, rappelle au chef de l’Etat gabonais que «vous n’avez pas besoin de palmiers et de caoutchouc dans les parties les plus précieuses de votre pays … la biodiversité en tant que tel est l’atout le plus précieux !» Poursuivant, Ignace Schops dit espérer «que le Gabon est prêt à franchir une nouvelle étape vers un monde plein de faune, se souciant des personnes et des espèces.» Et de conclure en ces termes : «Marc Ona est un héros ! Offrez-lui l’opportunité et écoutez ses arguments. Il aide vraiment Gabon.»
Plus iconoclaste et offensif est le mail adressé au président gabonais par Bruno Van Peteghem, fondateur de l’ONG calédonienne Corail Vivant et du parti politique Vert Pacifique. Dès l’entame de sa prose, celui-ci indique au président Ali Bongo qu’«il n’est pas très digne de laisser votre puissant Chef de Cabinet se venger, via la justice, des allégations fondées, ou non, de Marc Ona Essangui. Chez nous, en France, on mesure l’importance d’un homme à la qualité de ses ennemis. Votre fameux Chef de Cabinet, qui bénéficie de votre immunité présidentielle et donc ne sera jamais inquiété, aura eu le grand mérite de faire parler les médias de votre pays ainsi que le réseau internationalement reconnu de la Fondation Goldman. Un privilège rare.»
Un tantinet menaçant, Bruno Van Peteghem poursuit en indiquant que le procès intenté à Marc Ona pourrait déteindre sur l’image internationale du président Ali Bongo : «Vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes des lanceurs d’alerte et, à ce titre, votre bon DirCab va vous faire bénéficier d’une image planétaire car, et dorénavant vous n’y pouvez plus rien, pour l’inconscient populaire «Il n’y a pas de fumée sans feu.… » puisque sanction il y a. L’égo de votre Chef de Cabinet affairiste (semble-t-il) et revanchard (assurément), va vous apporter une réputation mondiale que, sans doute, vous ne méritiez pas et que vous aviez eu la sagesse de construire patiemment.»
De notoriété mondiale, le Prix Goldman pour l’environnement que certains qualifient de prix Nobel de l’écologie, reçu par Marc Ona en 2009, accorde à ses récipiendaires une reconnaissance internationale qui renforce leur crédibilité ainsi qu’une visibilité mondiale pour les problèmes dont ils se font les hérauts. Elu municipal en France, Bruno Van Peteghem qui avait reçu ce prix en 2001, conclu son courrier à Ali Bongo en insinuant que, pour son image de marque, le Gabon gagnerait à ménager la figure emblématique de sa société civile : «Les valeurs portées par tous les récipiendaires du Goldman Environmental Prize en général, et par Marc Ona Essangui en particulier, […] vous assureraient pourtant la reconnaissance internationale et valideraient l’image d’un pays progressiste, à l’écoute de ses concitoyens et de leur environnement. Un modèle de développement pour l’Afrique, qui n’existe pas à ce jour, et dont vous seriez le leader incontesté.»
D’autres Prix Goldman tels que le professeur de botanique américain Paul Cox (Prix Goldman 1997) ; le grand reporter et journaliste d’investigation, Steve Wilson (Prix Goldman 2001) ; Silas Kpanan’Ayoung Siakor, directeur de l’Institut du développement durable au Libéria (Prix Goldman 2006) ; le scientifique et chercheur de la biodiversité, Humberto Rios (Prix Goldman 2010) ou le biologiste Grec, Giorgos Catsadorakis (Prix Goldman 2001, envisagent une déclaration commune, une pétition internationale et une «une lettre conjointe à la Maison Blanche et à d’autres personnes concernées du gouvernement américain».
La célèbre ONG Greenpeace s’est également invitée dans cette affaire. «Pour Greenpeace, l’intérêt général du public à l’information doit prévaloir sur la protection de la réputation individuelle ou industrielle. La condamnation de Marc Ona entre ainsi en contradiction totale et regrettable avec de nombreux textes internationaux protégeant la liberté d’expression. C’est pourquoi nous relayons l’appel de 5 ONG au gouvernement français lui demandant d’exprimer «publiquement sa préoccupation suite à cette atteinte aux libertés publiques au Gabon». Le silence ne saurait être une réponse acceptable au courage des activistes du bassin du Congo qui luttent pour la défense du second poumon de la planète», indique Greenpeace sur son site Internet.
Les cinq ONG indiquées par Greenpeace sont : le CCFD-Terre Solidaire, le Secours Catholique, Sherpa, Survie et Transparency International France. Celles-ci «expriment leur entière solidarité avec Marc Ona, et attendent du gouvernement français qu’il exprime publiquement sa préoccupation suite à cette atteinte aux libertés publiques au Gabon», peut-on lire sur le site Survie.org.
Pour sa part, l’organisation Secours Catholique, partie prenante de la plateforme «Publiez ce que vous payez» (PCQVP), a exprimé sa «vive préoccupation à la suite de la lourde condamnation prononcée contre Marc Ona, figure centrale de la société civile gabonaise». Celui-ci, pour rappel, a écopé de six mois de prison avec sursis et d’une amende de cinq millions de francs CFA, pour diffamation contre le chef de cabinet du président Ali Bongo. Le chef de l’Etat gabonais qui a reçu bon nombre de mails à ce sujet, va-t-il solliciter de son chef de cabinet un retrait de cette plainte qui va sans doute passer en Cour d’appel ? Time will tell, comme disent les amis Américains de Marc Ona.