Tout juste achevé, le Congrès ordinaire du Parti démocratique gabonais (PDG) enregistre déjà quelques critiques parmi les participants. Il y a visiblement eu de la précipitation : ces assises dont le bureau était présidé par Michel Essonghé n’a désigné ni le porte-parole du parti, ni le directeur de son Centre d’études politiques. Mais la première force politique du Gabon a montré qu’elle restait capable de mobilisation et de réflexion collective. Inventaire sommaire.
Des réformes, il y en a eu, et on peut les citer : création d’une Commission permanente de discipline, mise en place d’une Commission permanente de révision des textes, dissolution du Comité de Concertation, et puis le Congrès a donné les pleins pouvoirs au président du parti, qui ne sera plus ce qu’il était jusque-là, à savoir une sorte de président d’honneur. Ali Bongo est, en effet, désormais un président actif. Il va même assurer la tutelle de l’Union des Jeunes du Parti. Le Secrétaire général est de fait transformé en intendant et DRH du parti. Ce qui n’est pas loin de déplaire à Faustin Boukoubi qui souhaitait depuis longtemps une implication encore plus importante du «Distingué Camarade» dans la gestion quotidienne du mouvement.
De nouvelles têtes
Ce Congrès a été marqué par une arrivée massive de nombreuses femmes et d’une multitude de jeunes dans les instances et les organes du PDG. Ce qui, assurément, est une promesse tenue par le président du PDG. Les proches du Distingué Camarade font leur entrée au sein du Bureau Politique. Les frères Bongo Ondimba, Alex Bernard et Landry, Ernest Mpouho, Léon-Paul Ngoulakia, Stacy Amiar qui, en ville, est l’époux d’Alia Bongo Ondimba, une des sœurs du chef de l’Etat, Yves-Fernand Manfoumbi, Mathias Otounga Ossiobadjouo, Serge-Maurice Mabiala, Marc-Honorat Obame et bien d’autres symbolisent ce rajeunissement des instances, ainsi que l’arrivée de Chrystel Limbourg comme membre du Bureau politique et président de l’Union des Femmes du PDG, celle de Vivien Pea, et celle de nombreux autres.
Au niveau du secrétariat exécutif, hormis Faustin Boukoubi, Jean-Marie Koumba Souvi et Viviane Biviga, tous ses membres sortants ont été remplacés par de nouvelles personnalités, tel que Léandre Nzué, promu n°3 du parti, et Alex Bernard Bongo Ondimba, nommé Secrétaire national. Au total, près de la moitié des membres du Bureau politique et plus de 80% des membres du Secrétariat exécutif ont été renouvelés, sinon rajeunis. L’arrivée massive de nouvelles têtes a donc poussé de nombreux «éléphants» vers la porte de sortie. Marcel Eloi Chambrier Rahandi, Honorine Dossou Naki, Marcel Doupamby Matoka, Sébastien Mamboundou Mouyama, Emmanuel Nzé Békalé, Jules Marius Ogouébandja, Jacques Adiahénot (absent du congrès), Félix Mba, Akérey Rassaguiza, ne figurent plus dans aucune instance du parti. D’autres sont renvoyés dans un organe qui n’est que consultatif -le Conseil Consultatif des Sages- à savoir Paul Toungui, Idriss Ngari, Léonard Andjembé, François Engongah Owono, Alfred Mabika Mouyama,… Quelques manquements sont cependant à signaler : le Porte-parole du parti, ainsi que le directeur du Contre d’études politiques n’ont pas été nommés, et on n’a pas assisté à la lecture des membres du Conseil national. Le président du Bureau du Congrès et tous ses collaborateurs ont semblé quelque peu dépassés par les événements lors de la plénière du dimanche matin à la Cité de la Démocratie. Ce qui a donné un goût d’inachevé à ces assises pourtant réussies sur la forme.
Les reculades d’Ali Bongo
Des renonciations ont toutefois été notées de la part d’Ali Bongo. Le président du PDG avait décidé de supprimer le Comité permanent du Bureau politique du PDG. Cet organe ne figurait même pas sur le document qu’est venu lire Ali Akbar Onanga Y’Obégué aux membres de la Commission des statuts qu’il présidait. Mieux, le président du Conseil économique et social (CES), Paul Biyoghé Mba dont l’activisme de ces dernières semaines avait été critiquée -voire condamnée- au sein des hautes instances du PDG du fait, disait-on, que le principal responsable d’une telle institution se devait de se tenir loin des joutes politiciennes, a été reconduit au Comité permanent du Bureau politique. Paul Biyoghé Mba, fin manœuvrier, serait allé, à la veille de la clôture du congrès, plaider sa cause et celle de ses partisans auprès des proches du président du parti. Résultat des courses : le Comité permanent n’est plus dissous, le président du CES y est reconduit et deux de ses partisans sont confirmés au Bureau politique. On attend maintenant de voir comment, dans l’Estuaire, il va se conduire avec Léandre Nzué, car s’il a largué Emmanuel Nzé Békalé, il sait quel est le tempérament de l’élu du 2e arrondissement de Libreville.
Dans le Woleu-Ntem, les choses devraient être plus calmes. René Ndémézo’o Obiang a été reconduit comme membre du Comité permanent du Bureau politique, tandis que Charles Mvé Ellah est sorti de toutes les instances du parti. Il redevient donc un simple militant tandis que Raymond Ndong Sima et Emmanuel Ondo Méthogo sont seulement confirmés au Bureau politique et François Engongah Owono nommé au Conseil consultatif des sages.
Dans le Moyen-Ogooué, un boulevard s’ouvre pour Richard Auguste Onouviet, alors que Rose Francine Rogombé et un très grand nombre de ses proches n’ont pas été reconduits ou admis dans les instances du parti, sauf Martin Mabala, nommé… au Conseil consultatif des sages. Dans le Haut-Ogooué, il pourrait y avoir quelques grincements de dents. Car, il n’est pas sûr que Léonard Andjembé, et surtout Paul Toungui et Idriss Ngari aient apprécié d’avoir été nommés au Conseil des sages.
Mais ce qui apparaît comme la principale reculade d’Ali Bongo est la reconduction même de Faustin Boukoubi à la tête du parti. Le Secrétaire général sortant (et finalement reconduit) dont on connaît la poigne et la force de caractère, avait pourtant quitté le siège du Parti depuis plusieurs semaines, parce qu’il ne comprenait pas sa mise à l’écart de l’organisation du congrès. Ne voulant pas se laisser marcher sur les pieds par le Comité d’organisation, cet homme qui ne déroge pas à ses principes avait confié, selon certaines sources, «les clés de la maison» à son premier adjoint, Emmanuel Nzé Békalé. Lors de la cérémonie d’ouverture du Congrès, il a d’ailleurs déclaré : «quelle que soit la décision que vous prendrez dimanche, je resterai un militant fidèle du PDG auquel je dois tant». Mais, on le sait, l’ancien ministre de l’Agriculture a été confirmé pour la deuxième fois. En somme, selon les mêmes sources, en dépit de toute sa volonté, le Distingué Camarade n’a pas fait de ce congrès ce qu’il voulait en faire en totalité. Ce qui pourrait plutôt passer pour une marque d’intelligence et une preuve de sagesse. En fait, au fil des jours, c’est le nom de Germain Ngoyo Moussavou, ancien ministre, membre du Courant des Rénovateurs, et actuel ambassadeur du Gabon à Paris, qui était le plus cité pour prendre les rênes du PDG. Si Faustin Boukoubi a été remis en selle, c’est parce que, là aussi, de proches parents d’Ali Bongo ont demandé à celui-ci de le faire.