Décidés à prendre à bras le corps la question de la lutte contre l’enrichissement illicite dans notre pays, les pouvoirs publics en tête desquels le président Omar Bongo Ondimba, encouragés par les partenaires au développement, ont adopté la loi N°002/2003 instituant un régime de prévention et de répression de l’enrichissement illicite et la loi N°003 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite (CNLCEI) qui célèbre ce 7 mai 2013 ses dix (10) ans d’existence.
« La CNLCEI a 10 ans aujourd’hui, un âge qui permet à un enfant de courir. Nous avons fait un bon chemin », a constaté M. Vincent Lebondo Le-Mali, Magistrat, président de la Commission avant de rappeler que la structure dont il a la charge depuis 2008 est une « Autorité Administrative Indépendante (…) qui agit au nom de l’Etat sans pour autant relever de l’autorité d’un membre du Gouvernement ».
Seule entité sur le continent dotée de telles missions, la Commission est chargée d’éduquer, prévenir, sensibiliser, constater les faits d’enrichissement illicite, collecter et conserver les Déclarations des biens, de donner son avis sur toute question d’enrichissement illicite, de conflit d’intérêt ou toute autre question relevant de sa compétence. Tout un programme. Une véritable action de salubrité publique confiée à la CNLCEI qui doit permettre au Gabon de tourner le dos définitivement à la corruption.
COURSE EFFRENEE POUR L’ENRICHISSEMENT ILLICITE
Omar Bongo Ondimba, dans son allocution , le 02 décembre 2007, à l’occasion du 40ème anniversaire de son accession à la magistrature suprême avait déclaré qu’ « (…) Il est temps que la classe dirigeante , au premier rang de laquelle ceux qui ont la charge de conduire les affaires publiques, cesse de s’investir pour elle-même au détriment de l’action publique » et d’ajouter « Je ne crois pas que vous, génération qui allez prendre le relais, y arriverez pendant que la course pour l’enrichissement illicite est si forte. Je ne crois pas que faire main basse sur l’argent destiné à construire les routes, ou le rendre indisponible, soit profitable au Gabon ni aux Gabonais ».
Un an plus tard, en 2008, le Gabon et toute l’Afrique centrale était placée dans la zone endémique à travers l’indice de perception de la corruption (IPC) de l’ONG Transparency international.
En octobre 2010, le nouveau président de la République Gabonaise, Ali Bongo Ondimba, annonçait vouloir d’un « Gabon exempt de corruption » et que la « sanction soit juste » contre les auteurs des comportements déviants vis-à-vis des finances publiques. Il s’agissait d’un tournant dans la croisade contre les destructeurs de notre tissu socio-économique.
Dans la foulée, la Commission Nationale de Lutte Contre l’Enrichissement illicite, a vu s’accroitre ses moyens financiers (de 500 millions à plus de 1 milliard 900 millions en 2013), matériels et humains, afin d’accélérer le rythme dans le traitement de dossiers.
Elle a fini par donner une visibilité à la Déclaration de biens, qui, hier, n’était pas suivie dans les faits au sommet de l’Etat.
Les courbes croissantes des Déclarations de biens illustrent que les Gabonais sont très sensibilisés. « On sait que dans le paysage, les choses bougent », a observé M. Lebondo, signifiant ainsi que les acquis doivent être capitalisés grâce au « travail pédagogique » à travers des séminaires, conférences et campagnes médiatiques…
Cependant, face aux Gabonais qui voient les actes de corruption s’installer dans la durée à la lumière de ce qu’ils considèrent comme de ‘’maigres résultats’’ dans la répression, le premier responsable de l’Institution en charge de la lutte contre la mal gouvernance des deniers publics rétorque que « ne pas faire du bruit pendant l’instruction n’a rien à voir avec l’impunité ».
DES DOSSIERS FINALISES
En matière de constatation des faits d’enrichissement illicite, mission délicate, la CNLCEI compte à ce jour dans son portefeuille 102 dossiers qui sont au « stade de l’initiation, très avancés, même finalisés », a indiqué M.Vincent Lebondo Le-Mali à l’issue d’une audience accordée fin avril 2013 par le Premier –Ministre , chef du Gouvernement Ndong Sima, à une délégation de la Commission dont la mandature tire à sa fin, en juin prochain.
Déjà, des mesures conservatoires allant de la saisine de véhicules aux blocages des comptes sont légions.
« Nous avons une difficulté. En principe, nous devons transmettre au juge nos dossiers quand ils sont bouclés mais à l’heure actuelle, la juridiction spéciale (Cour Criminelle Spéciale) prévue pour les recevoir n’est pas mise en place », a –t-il soutenu, non sans inviter ses compatriotes à la sérénité somme toute requise car la CNLCEI exerce sa charge sans « pression et dans les conditions prévues par la loi » avant de laisser à la justice le soin de sanctionner ce qui mérite de l’être.
Mieux, en prévoyant que la Commission est partie jointe à la procédure, cela permet à cette Institution de suivre le dossier jusqu’à son terme et même de faire appel en cas de décision judiciaire non satisfaisante, a rassuré le patron de cet organe qui entend traiter le problème dans sa globalité. A ce titre, les instruments de lutte se renforcent.
Le Gabon a validé le document de stratégie de lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux, le 27 novembre 2012 aux fins d’augmenter, pour les cinq (5) prochaines années, les capacités opérations de la CNLCEI et de l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF). Ladite stratégie, menée avec l’appui du PNUD, sera remise officiellement aux plus hautes autorités.
LA STRATÉGIE ATTEND SA MISE EN ŒUVRE
« Reste maintenant l’ identification et la mobilisation des ressources qui vont étoffer le dispositif de mise en œuvre et la mise en place des organes de la stratégie, mais surtout l’élaboration du plan d’action et du plan d’actions prioritaires qui consiste à définir les programmes, à regrouper les actions en fonction des programmes, à décliner les actions en activités et en programmes ainsi qu’à développer un plan de financement de la stratégie », a énuméré M.Raymond Onana, expert international ayant conduit l’étude.
Elle concernait les secteurs prioritaires : secteur Privé & Climat des affaires ; Budget d’investissement public et Marchés publics ; Décentralisation ; Education ; Finances (Douanes/Impôts/Trésor) ; Forêts et Environnement ; Mines & Industries Extractives ; Santé Publique ; Transports ; Justice.
Les objectifs stratégiques sont notamment la réduction significative de la corruption et le blanchiment des capitaux tandis que les résultats attendus vont de la croissance soutenue dont le taux se situe à une moyenne de 10 % l’an à la sortie du Gabon de la zone endémique avec une note d’au moins égale à 5 sur 10 de l’IPC de Transparency International.
Sans attendre, le pays a quitté en 2012 la zone endémique pour celle de l’intégrité.
De son côté, la Fondation Mo Ibrahimm, en pointe dans les questions de bonne gouvernance, dans son baromètre 2012, a placé le Gabon à la 22è place.
Un tel positionnement résulte de la décision des dirigeants du Gabon, Etat-partie de la Convention des Nations Unies Contre la Corruption et celle de l’Union Africaine en la matière, à promouvoir des solutions durables contre la corruption, sans passion.
Depuis 2010, une journée de lutte contre la corruption a été instituée, chaque 09 décembre, par décret, avec à l’ouvrage la CNLCEI sur des thèmes comme « Le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption » ou « lutte contre la corruption dans le secteur privé : Ethique et déontologie ».
Un Réseau national des Acteurs Étatiques et non Étatiques contre la corruption a été jeté sur les fonts baptismaux afin de booster la lutte sans merci contre les prédateurs.
L’expérience gabonaise a permis l’attribution, à Libreville, du siège du Réseau des Institutions anti-corruption d’Afrique centrale au terme des travaux constitutifs tenus en novembre 2012 dans la capitale.
Et, depuis le début de la semaine, une délégation de la Commission séjourne au Lesotho dans le cadre de l’évaluation de ce pays d’Afrique australe prévue par la Convention de l’ONU.
En effet, le Gabon a été désigné par l’ONU pour être le premier examinateur du Lesotho quant au suivi de l’application de la Convention de 2003 qui a pour objet de « promouvoir et de renforcer les mesures visant à prévenir et combattre la corruption de manière plus efficace ( …) de promouvoir l’intégrité , la responsabilité et la bonne gestion des affaires publiques et des biens publics ».
PAS D’EFFETS D’ANNONCES
A ce stade, il ne peut s’agir d’effets d’annonces. A n’en point douter, la CNLCEI, en 10 ans, s’est enrichie d’expériences locales et extérieures, en nouant des partenariats multiples et variés au bénéfice de la croisade contre toutes les formes de prévarication de notre économie.
L’activité, menée par les Membres et autres personnalités dédiées à la tâche, conjuguent sensibilisation et répression, sous l’œil vigilant des ONG et des médias.
Toutefois, le spectre doit s’élargir. La lutte contre l’enrichissement illicite est « Notre affaire à tous », selon le slogan de la Commission, laquelle fonde de grands espoirs sur une adhésion totale et sans faille du peuple gabonais.