Contraint au déménagement pour le dynamitage de la Fondation Jeanne Ebori, le laboratoire du Pr Mavoungou contient des sérums contaminés et de nombreuses souches bactériennes, dangereuses si elles venaient à se répandre dans la nature. Ce qui occasionnerait également l’arrêt d’une collaboration avec le Dr Erwann Loret, co-inventeur du vaccin thérapeutique contre le VIH. Libreville est-il en danger ?
Vouée au dynamitage, la fondation Jeanne Ebori contient une bombe bactériologique dont les dégâts pourraient causer une catastrophe sanitaire : la banque de sérums et la culture de virus entretenus, depuis de longues années, par le Pr Donatien Mavoungou pour ses recherches. Depuis le 12 mai dernier, ce chercheur ne peut plus accéder au Centre des recherches en pathologies hormonales (CRPH), son laboratoire, et donc pas du tout à sa sérothèque, une bibliothèque de sérum servant à l’entreposage des liquides biologiques. Si le laboratoire venait à être détruit avant le déplacement de cette variante de congélateur, ces virus vivant en laboratoire pourraient se répandre dans la nature.
Le Pr Donatien Mavoungou a laissé entendre que sa sérothèque contient «beaucoup de sérums contaminés et de nombreuses autres souches bactériennes qui laissés à l’air libre pourraient contaminer des animaux, notamment les chiens errants qui se nourrissent de n’importe quoi, et par ricochet, les hommes.» Il est entendu, précise le scientifique, que «la durée de vie du virus du Sida à l’air libre est très brève, quelques heures tout au plus et moins le plus souvent», mais il ne faut pas perdre de vue que le VIH est un virus mutant qui se bat pour survivre comme toute autre forme de vie et qu’il n’y a pas que des sérums de sang contaminé. «On ne sait donc pas ce qui pourrait advenir si ces sérums venaient à être lâchés dans la nature», explique l’assistant du chercheur Gabonais.
Ayant reçu la sommation de déménager de la Fondation Jeanne Ebori, le Pr Mavoungou s’est adressé au ministère de l’Enseignement supérieur, sa tutelle. Il a été convenu, avec le directeur général du Patrimoine et de l’Equipement de ce ministère, que le CRPH va bénéficier d’un nouveau local au sein de la Maternité Joséphine Bongo à Owendo, en pleine réfection. En attendant la fin des travaux qui pourraient prendre plus d’un mois, le Pr Mavoungou a transféré ses documents dans un abri de fortune. On note que sa sérothèque ne saurait être mise hors-tension pendant plus d’une demi-heure. Son transfert à Owendo nécessitera donc des précautions particulières (horaire, escorte et balisage du parcours) afin de rallier son nouveau site en moins de 30 mn.
Le Pr. Donatien Mavoungou avec le Dr Erwann Loret, le 29 mars 2013, au Laboratoire de Biologie
Le Pr. Donatien Mavoungou avec le Dr Erwann Loret, le 29 mars 2013, au Laboratoire de Biologie
La perte de cette sérothèque constituerait également la perte d’une partie essentielle de la recherche gabonaise, initiée par le Pr Mavoungou depuis la création du CRHP en 1995, mais surtout l’arrêt de la collaboration, récemment entamée, avec le docteur Erwann Loret, biologiste au CNRS de France, pour le test au Gabon de la protéine Tat (transactivating), qui protège l’accès, chez les personnes séropositives, des cellules infectées par le VIH et empêche ainsi leur système immunitaire de les attaquer.
Créé en 1995 et dirigé depuis lors par le Pr Donatien Mavoungou, le CRPH est le berceau de l’IM 28, ce médicament qui permet de renforcer le système immunitaire du malade du Sida et de bloquer la réplication du virus du Sida, controversé par la classe politique gabonaise mais reconnu par la communauté scientifique internationale, notamment le Pr. Mc Wainberg de l’Université Mc Gill de Montréal. Du 17 au 19 mai 2013, le Pr Mavoungou sera à San Francisco (USA), dans le cadre de 28e Conférence interdisciplinaire internationale de l’International society on hypertension in Blacks (ISHIB) et, du 6 au 3 juin 2013, au 3è Congrès «Drug Discovery & Therapy World Congress 2013». Sa bombe bactériologique sera-t-elle bien gardée durant son absence ?