Pour éviter que la République gabonaise ne soit traitée de «Ripoublique», les ministres cités dans les affaires de crimes rituels devraient suspendre leur participation au gouvernement et se mettre complètement à la disposition de la justice, même si, conformément aux textes en vigueur, ils bénéficient de la présomption d’innocence.
Au lendemain de la marche -ou des deux marches- contre les crimes rituels le samedi 11 mai, le ministre délégué auprès du ministre du Budget, des Comptes Publics et de la Fonction Publique, chargé de la Fonction Publique a été l’objet, la semaine dernière et sous l’œil des caméras de Gabon Télévision, d’une audition par le premier président de la Cour d’Appel de Libreville, Edouard Ogandaga.
Raphaël Ngazouzet a été entendu sur sa probable connaissance des faits relatifs à l’assassinat d’un ressortissant camerounais en janvier dernier dans une localité proche de Ndjolé dans la province du Moyen-Ogooué. Une première dans le pays. La justice a sans doute voulu montrer sa détermination à lutter contre les auteurs d’assassinats, de crimes crapuleux qui se déroulent quotidiennement au Gabon. Elle veut aussi, semble-t-il, en débusquer les commanditaires qui semblent être convaincus, comme le dit le Pasteur gabonais Max Alexandre Ngoua, que «le corps humain peut être un corps-fétiche ou un corps-marchandise pouvant amener la prospérité».
Présomption d’innocence
Bien entendu, il n’a pas été question, au cours de cette audition, d’une quelconque culpabilité de l’élu du département de la Lopé. Bien sûr, la justice rendra plus tard son verdict sur cette affaire pour laquelle d’autres auditions sont attendues, mais il serait moralement et intellectuellement bienvenu que le ministre délégué, Raphael Ngazouzet se retire momentanément des affaires pour aller préparer et produire ses éléments de défense devant la justice.
D’autres responsables politiques cités pour les mêmes faits devraient aussi être démis de leurs responsabilités avant de revenir à leurs postes, si leur culpabilité n’est pas prouvée. En novembre 2009, quelques jours après sa nomination au poste de directeur de cabinet du président de la République -poste important s’il en est au sein de l’appareil d’Etat- Jean-Pierre Oyiba avait démissionné pour se mettre à la disposition de la justice. Il fut blanchi par celle-ci, et, quelque temps plus tard, il avait été élu député à Franceville. Si son image dans l’opinion est positive, c’est bien en raison de l’acte de courage qu’il avait posé. En fait, au-delà de tout ce que l’on sait du fonctionnement de la justice, un tel acte donnerait un souffle nouveau aux relations entre les politiques, ou les élites en général, et la justice.
Sans condamner d’avance les personnalités citées, une telle démarche, faut-il penser, permettrait aux citoyens de redonner leur confiance à l’action publique et leur donnerait le sentiment d’être dans une société juste. Le Gabon se doit de franchir une nouvelle étape -une étape morale- dans la lutte contre les affaires de crimes rituels qui donnent à notre pays une image de nation vouée à l’irrationnel.
De la responsabilité du chef du gouvernement
Mais pour y arriver, il faut que le Premier ministre intervienne. «Il lui incombe en effet la responsabilité non pas de trancher, mais de saisir les membres du gouvernement cités dans ces affaires, car dans un pays où l’on démissionne rarement de ses fonctions, où l’on quitte difficilement de telles fonctions, on voit mal comment Raphaël Ngazouzet et les autres membres du gouvernement cités iraient spontanément remettre une lettre de démission au chef du gouvernement», comme l’affirme un député de Libreville avant d’ajouter qu’un Premier ministre «se doit d’avoir une certaine rigidité idéologique face aux ‘’affaires’’ auxquelles il a à faire face tout au long de son exercice du pouvoir. Il ne peut indéfiniment rester sans réaction face à ces affaires sensibles». Savoir prendre des décisions dans de telles situations est un bon principe de gouvernement.
Peu avant de quitter son poste à la Primature, Paul Biyoghé Mba avait demandé à son Garde des Sceaux de démissionner du gouvernement pour une affaire d’occupation illégale de parcelle à Alibadeng, mais heureusement pour Ida Réténo Assonouet qu’un nouveau Premier ministre avait été nommé quelques jours plus tard.
En fait, c’est aussi cela l’exercice de la démocratie. Le Président Barack Obama disait récemment que «la démocratie est rude, mais c’est le meilleur système pour permettre à chacun de réaliser ses rêves ou de se les faire retirer». C’est à Raymond Ndong Sima en tant que Premier ministre et détenteur -on l’imagine- d’un rapport sur les auditions déjà effectuées par les juges de leur demander de remettre leurs lettres de démission ou de les démettre du gouvernement. Cela montrerait à quel point les plus hautes autorités tiennent à l’honneur et à la dignité de la République gabonaise qui ne mérite pas d’être citée parmi les «Ripoubliques».