Au regard de la vraisemblable impuissance des autorités à faire face au phénomène des découvertes macabres avec ablation d’organes et à donner une réponse aux dénonciations devenues quotidiennes, la population silencieuse ne cesse de murir des idées pour tenter de réussir là où les détenteurs du pouvoir semblent affaiblis, mais également pour les amener à réagir.
Après la marche de protestation du 11 avril contre les crimes rituels, censée déboucher sur des décisions ou des actions concrètes pour combattre cette gangrène sociale qui fait hurler tant de Gabonais, les choses semblent plutôt s’être empirées. Au point où nombreux sont tentés de croire que le succès et la forte mobilisation autour de cette marche, d’ailleurs perçue comme une opération politicienne, n’a été qu’une simple provocation ou un défi lancé aux auteurs de ces actes barbares. Ceux-ci, en effet, ne se font pas prier depuis des semaines pour démontrer leur enthousiasme à relever ce défi.
Une situation qui, selon les nombreux avis recueillis çà et là, donne aux populations l’impression d’être abandonnées par ceux qui doivent assurer leur protection et garantir leur sécurité. Par voie de conséquence, elles se mettent à élaborer ou à imaginer des stratégies pour en venir à bout avec la barbarie décriée. De la mise en place des groupes d’auto-défense à la non-participation aux prochaines joutes électorales, en passant par le boycott de la prochaine fête de l’indépendance, autant de stratégies suggérées ici et là, susceptibles selon ceux qui les envisagent, de pousser la puissance publique à agir.
Outre l’idée du boycott du 17 aout 2013, qui circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux gabonais, on note également un appel à se défendre soi-même : «L’auto-défense est une loi de la nature ; elle est bafouée au Gabon par des lois ineptes. Le résultat en est que ce sont les tueurs qui viennent devant la justice pour réclamer réparation pour avoir été combattus. Inspirons nous des américains qui ont su préserver au sein de leur famille, sur leur domicile et leurs quartiers un espace sécurisé où les agresseurs ne se sentent pas en position de force ! Exigeons une loi qui va consacrer notre droit à la légitime défense ! La sécurité se perd chaque jour un peu plus dans notre pays, sachons la préserver», lit-on sur la page Facebook d’un Internaute Gabonais, visiblement exaspéré.
«Gabonais, lèves toi et marche pour ton pays !» ou encore, un tantinet horripilant, «Je dis hein les gabonaises là vous qui portez la vie, vous qui portez le bétail des crimes rituels la! Vous attendez quoi pour aller en masse squatter nu devant le ministère de l’intérieur? Ou bien c’est vraiment ce que vous êtes hein: les poules pondeuses de la viande a crime rituel ?!!!», lisait-on ce 6 juin sur Infos Kinguélé, un groupe de discussion, de 10.140 membres, consacré au Gabon dont le débat du jour avait pour thème «Insécurité, plat quotidien au Gabon».
«Boycottons tous pacifiquement le défilé du 17 aout 2013 en restant chacun dans sa maison de 1h00 à 14h00 du même jour. Rues vides, marchés et commerces fermés et restez chez-vous», suggère un autre gabonais sur Google+. Des idées et autres qui ne manqueront pas d’être muri en attendant que les autorités surprennent les populations à travers des prouesses sans conditions dans cette lutte pour la dignité humaine.
Si les citations ci-dessus sont uniquement tirées des réseaux sociaux, dans le réel les Gabonais rencontrés n’en pensent pas moins. Par une sorte d’autocensure, ils refusent simplement d’être enregistrés ou cités. Mais on ne saurait pour autant négliger ces idées qui circulent sur l’Internet, si l’on tient compte de ce que les réseaux sociaux ont joué un rôle, aujourd’hui controversé, lors du printemps arabe.