Les associations de lutte contre les crimes rituels, au combat depuis plusieurs années, sont depuis quelques temps sollicitées, soutenues et même accompagnées par des hommes et des partis politiques qui montent tour à tour au créneau pour dénoncer un « fléau national ».
Le rythme que la question des crimes rituels a imposé à l’actualité a littéralement embarqué les acteurs politiques qui ont besoin d’exister et qui n’existent que parce qu’ils sont écoutés. Et pour être écouté aujourd’hui au Gabon, il faut donner le sentiment d’être préoccupé par la question des crimes rituels qui constituent l’inquiétude et le quotidien des populations gabonaises.
Avant et après la marche du 11 mai dernier, la participation de Sylvia Bongo Ondimba a défrayé la chronique notamment sur les réseaux sociaux et dans la presse. Quelques « illuminés » ont vu dans cette présence aux côtés de Jean-Elvis Ebang Ondo une récupération politique d’un combat élevé au rang de la noblesse. La société civile et l’opposition dite radicale ont chacune dénoncé cette présence « gênante » qui n’aurait eu pour but, selon elles, que de détourner les Gabonais du vrai problème.
Il faut peut-être s’arrêter un instant, un mois plus tard, pour constater que la récupération politique dont certains ont accusé le couple présidentiel a fini par trouver une place confortable chez d’autres acteurs politiques. Pour l’essentiel, il faut retenir les déclarations de l’UPNR, les engagements de l’UPG et la position du RPG.
Louis-Gaston Mayila, dans sa dernière sortie intervenue quelques jours après la marche du 11 mai, au nom de l’Union Pour la Nouvelle République, a vivement condamné la pratique des crimes rituels, pendant qu’il y avait avec Georges Mpaga une affaire de suspicion et de liste qui faisait de l’ancien baron du régime d’Omar Bongo un commanditaire. Louis-Gaston Mayila est allé jusqu’à réclamer un retour à la peine capitale : un autre Hollando pour punir « valablement » les criminels, commanditaires et assassins compris.
Plus récemment, c’est Bruno Ben Moubamba qui s’est fait une place dans les médias en convoquant la presse nationale et internationale pour dire la position de l’Union du Peuple Gabonais, un parti qui n’a pas fini son agonie. L’UPG a dénoncé l’incapacité du gouvernement à régler le problème des crimes dits rituels. « La démission immédiate de l’ensemble du gouvernement gabonais », a lancé l’UPG, sollicitant également une nouvelle loi, plus répressive sur les crimes de sang à caractère fétichiste. L’UPG est allé jusqu’à annoncer des sit-in et autres actions concrètes.
Et enfin, il y a le Rassemblement Pour le Gabon. Un parti de la majorité, en quête d’existence. Dans un communiqué de son secrétariat exécutif rendu public le 5 juin dernier, le RPG estime que la dénonciation du phénomène ne suffit plus. Il considère donc que « le moment est venu d’analyser ce problème en profondeur pour mieux l’appréhender et explorer toutes les pistes de solutions possibles ».
Voilà donc ce que les Gabonais ont pu entendre ou lire, dans la presse audio-visuel ou écrite : que les crimes rituels sont une abomination, qu’il faut dénoncer et punir. Mais cela, les Gabonais le savaient déjà. Le combat de longues dates et les actions de l’Association de Lutte contre les Crimes Rituels (ALCR) ont eu le mérite de le faire savoir depuis 2005.
Il conviendra donc pour tous que dans chacune de ces prises de position il y a une tentative de récupération politique, une compassion apparente des hommes et des partis politiques qui ont là une occasion de sortir d’une léthargie ou d’un silence dans lequel les avaient plongés une actualité peu riche. Et oui, « les crimes rituels » sont un phénomène social qui préoccupent les populations et qui apparaissent comme l’opportunité à ne pas manquer pour des politiques en quête d’audience.
Et au bout, il faut peut-être se dire que lors de la marche du 11 mai, ceux qui deviennent soudain les hérauts de la lutte contre les crimes rituels auraient du être là avec Jean-Elvis Ebang Ondo, parce qu’avant tout c’est à lui que revient le mérite d’avoir osé.