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Duel épistolaire Richard Attias/Marc Ona

NYFA3A l’approche de la tenue, à Libreville, de la 2è édition du New York Forum Africa, on assiste à un duel, épistolaire pour le moins, entre les membres du mouvement «Ça suffit comme ça» qui ont entrepris d’organiser un nouveau «Forum national des indignés du Gabon», parallèlement à la manifestation de Richard Attias, et celui-ci qui a écrit, le 28 mai, une «Lettre ouverte aux représentants du mouvement «Ça suffit comme ça»». Morceaux choisis.

Si la lettre ouverte de Richard Attias est parue, sur des espaces publicitaires, pleine page dans les deux quotidiens gabonais, L’union et Gabon Matin, la réplique des «indignés du Gabon» fait le buzz sur la toile, notamment sur les réseaux sociaux, non sans avoir été envoyée à de nombreuses rédactions et personnalités publiques. Ci-après, un dialogue imaginaire entièrement construit avec des extraits des deux correspondances. En situation de contre-attaque, les Indignés du Gabon auront en tout cas été prolixes. Leur réplique est longue de trois pages A4 quand la lettre d’Attias n’en comporte qu’une seule du même format. Ce qui justifie une distribution déséquilibrée du temps de parole.

Marc Ona pour «Ça suffit comme ça» : Monsieur Richard Attias, Vous bénéficiez d’une présomption d’intelligence. Aussi, concernant votre lettre ouverte, le communicateur éminent que vous êtes, a certainement jugé pertinent de «descendre» à ce qu’il croit être le niveau des Gabonais. Mais, M. Attias, tous les Gabonais n’ont pas le niveau de vos amis prédateurs de la République ! Amicalement, nous vous suggérons de nous adresser une lettre ouverte plus sérieuse et mieux construite.

Richard Attias, fondateur du New York Forum Africa : La plateforme du New York Forum Africa est sans aucun doute une aubaine inespérée pour vous vous permettre de tenter de donner un écho, mais je le crains sans réel impact, à vos critiques et contestations. Vous donnez cependant une preuve supplémentaire et vous reconnaissez implicitement que notre communauté internationale est influente et de grande moralité.

Marc Ona Essangui : Oui ! Nous entendons bien profiter de l’aubaine que nous offre votre New York Forum Africa – financé à grands frais par les contribuables gabonais que nous sommes – pour faire entendre nos critiques et contestations, nos cris, nos pleurs, notre douleur, notre indignation. «Votre» ( ?) communauté internationale (personnelle ?) est influente. Certes. De bonne moralité ? Il n’y a qu’au Gabon qu’un individu peut se permettre une telle injure aux peuples en lutte pour leur dignité et leur survie. Le fait qu’un people manager qui vit du ralliement onéreux de «centaines de personnalités économiques, politiques, lauréats de Prix Nobel…» achète une page entière de deux quotidiens pour nous adresser une lettre ouverte est une reconnaissance implicite de notre potentiel.

Richard Attias : Que vous m’interpelliez personnellement comme ce fut le cas récemment est dans l’ordre et la nature des choses. Que vous vous permettiez de diffamer mon épouse, cela ne vous grandit pas. C’est par ailleurs ignorer l’action de sa fondation à l’égard des femmes africaines. Mais dans la vie d’aucuns ont choisi la voie de la médisance et de l’inélégance. Ils ne vivent et subsistent que par les critiques à l’endroit de ceux qui œuvrent, entreprennent, s’illustrent et réussissent dans des combats autrement plus exaltants et honorables.

Marc Ona Essangui : Vous nous accusez d’avoir porté atteinte à votre personne et à celle de votre épouse […] Nous voudrions que vous nous indiquiez un seul communiqué du Front des Indignés qui ait détourné le débat citoyen pour en faire un débat de personnes.

Vous nous accusez de médisance. En quoi ? Parce que nous dénonçons les sacrifices humains que même vos clients reconnaissent, puisque Sylvia Bongo elle-même a organisé une marche de protestation contre cette barbarie ? Parce que nous dénonçons le réflexe patrimonicide (utilisation du patrimoine public à des fins personnelles) lorsqu’Ali Bongo et son entourage immédiat dépensent des milliards de francs en bijoux, haute couture, voyages d’agrément, et qu’ils collectionnent palais et limousines de grand luxe, pendant qu’ils démolissent des hôpitaux, que les Gabonaises accouchent à même le sol à Libreville, que nos enfants nés par terre sont assis par terre à l’école ? Médisance lorsque nous disons que les lois sont iniques car elles ne défendent pas les droits élémentaires du citoyen et mettent le cercle fermé du pouvoir au-dessus du peuple qui ne dispose pas de sa terre, de sa libre opinion, de sa libre expression, de l’accès à une justice équitable ?

Médisance lorsque nous déplorons que les forces de défense et de sécurité ont pour seule et unique mission, non pas d’assurer la sécurité des biens et des personnes, mais de servir de bras séculier à un régime dictatorial ?

Richard Attias : La mission du New York Forum Africa, depuis sa création, est de relancer la croissance et de permettre de créer à terme des emplois grâce aux investissements. Cette mission s’exerce sans considération politique ou motivation personnelle. Nous la menons avec conviction, passion et obstination depuis plus de 20 ans, sur tous les continents grâce à de multiples plateformes et notamment en Afrique […] Votre pays, la Gabon est un pays magnifique qui a pris l’initiative d’être l’hôte de cette illustre assemblée qui se penche sur les enjeux et les défis auxquels fait face l’ensemble de notre continent. De ces échanges, de ces partages d’expériences naissent de volontés, des décisions d’investissement, mais aussi et surtout des solutions aux problèmes posés dès lors que ceux-ci le sont dans un cadre d’honnêteté intellectuelle et dans un esprit critique, positif et constructif.

Marc Ona Essangui : La teneur de votre lettre ouverte, en elle-même, légitime notre ferme opposition à votre imposture et à votre détermination à déchirer les pages du grand livre de notre histoire que nous sommes en train d’écrire, lorsque vous prétendez penser le Gabon à notre place et mieux que nous. En effet, à force de fréquenter les forces obscures qui vous payent grassement avec l’argent du développement qui nous est volé, vous finissez par vous installer dans les mêmes dispositions mentales. Vous avez, vous-même, reconnu que votre forum allait coûter près de 4 millions d’euros, soit près de 2,5 milliards de francs CFA. Avec une telle somme, savez-vous combien de salles de classes ou de lits d’hôpitaux l’État gabonais aurait pu se doter ? Certainement pas, car vous êtes parfaitement «étanche» à ce type de considérations.

Richard Attias : L’édition 2012 du New York Forum Africa a permis d’initier de nombreux projets de développement dont certains seront officiellement lancés dans les prochaines semaines, sans parler des multiples secteurs de l’économie locale qui bénéficient de la tenue de cet évènement et de ses effets induits.

Marc Ona Essangui : Vos propos illustrent magistralement le respect singulier que vous avez pour la critique. Ils reflètent également votre degré «d’honnêteté intellectuelle» lorsque, en prenant soin de ne pas préciser lesquels, parce qu’ils n’existent pas, vous déclarez que le New York Forum Africa 2012 «a permis d’initier de nombreux projets de développement dont certains seront officiellement lancés dans les prochaines semaines, sans parler des multiples secteurs de l’économie locale qui bénéficient de la tenue de cet événement et de ses effets induits.» Et pourtant, cela crève les yeux : les 5 points de la déclaration finale du NYFA 2012 ne sont qu’un entrelacs de flou rhétorique, de truismes péremptoires et de pieuses fariboles sans aucune identification et dont les grands économistes, financiers et décideurs de ce monde réalisent l’exploit d’être «concrets» sans avancer un seul chiffre. Nous comprenons pourquoi vous affirmez que «le Gabon est un business model.» Le 10 mai dernier, vous avez, avec un incroyable aplomb, osé déclarer qu’il y a eu «la création de 9000 entreprises au Gabon en 2012». Vous avez sans doute voulu parler de «9000 entreprises de sacrifices humains» appelés pudiquement crimes rituels, car c’est le seul domaine où le Gabon d’Ali et Sylvia Bongo Ondimba est véritablement émergent.

Richard Attias : L’enjeu aujourd’hui n’est pas d’être contre des initiatives, de tenter d’isoler votre pays et d’en donner une image négative. Le véritable défi est de trouver des solutions aux problèmes que toutes les sociétés actuelles rencontrent.

Marc Ona Essangui : Pour qui vous prenez-vous, M. Richard Attias, pour mépriser et provoquer le mouvement revendicatif d’un pays qui n’est pas le vôtre, et dont vous ne connaissez que le clinquant ostentatoire du palais présidentiel ? Sauf à considérer – et c’est manifeste – que vous avez pris fait et cause pour l’oligarchie qui confisque notre légitimité avec violence et opiniâtreté. Qui a bien pu vous faire croire que vous avez la moindre légitimité pour nous donner des leçons et pour prétendre nous remettre dans les rangs ? M. Richard Attias, retenez bien cette sagesse africaine : «Une pirogue n’est jamais trop grande pour chavirer.»

Donc, gare ! Vous n’êtes pas le premier mercenaire multinational à prétendre nous dicter nos opinions et nos choix d’actions sous prétexte que vous mangez dans la main d’un roi nègre qui considère le Gabon comme un héritage patrimonial, et les Gabonais progressistes comme des hérétiques uniquement destinés aux fers, au gibet, au flagelle et au tisonnier. Le Gabon ne sera jamais le Maroc (un royaume), et Ali Bongo ne sera jamais le roi ni le Commandeur théocratique de personne.

Richard Attias : Je vous ai proposé publiquement le 10 mai dernier de venir participer à un débat en toute objectivité. Cette initiative est restée sans réponse. Je vous la réitère mais vous ne ferez pas de ce débat une tribune politique. Ce n’est pas et ce ne sera jamais la vocation du New York Forum Africa. Si vous refusez, je comprendrai ainsi que tous les participants du Forum que votre combat et que vos intentions et objectifs sont autres.

Marc Ona Essangui :

Nous voudrions que vous nous […] rappeliez dans quelles conditions vous avez officiellement invité le Front des Indignés à un débat. Vous voulez débattre ? Nous sommes prêts. Où et quand vous voulez. Y compris au sein de votre forum, si cela vous rassure. Étant donné votre négation manifeste du génie gabonais, nous vous offrons cette occasion délectable de prouver à notre peuple et à «votre» opinion internationale que c’est vous qui avez raison.

Richard Attias : Mais au-delà de tout, nous devons montrer à nos invités internationaux, nous les africains que nous sommes dignes de leur confiance. Cela reste notre seul parti-pris.

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