Annoncée en grande pompe, l’opération d’entrée en bourse du leader belge de l’agro-industrie au Gabon tourne littéralement à l’échec. La rivalité entre la BVMAC et le DSX y est pour beaucoup mais également les ratés de BGFI Bourse.
L’opération d’introduction en bourse de la filiale gabonaise du groupe Siat (Société d’investissement pour l’agriculture tropicale) se caractérisait par la cession de 1.170.000 actions, dématérialisées et entièrement libérées dont le prix, pour chaque action était fixé à 28 500 francs CFA. Siat Gabon présentait alors cette initiative, bien plus risquée que véritablement réfléchie, comme «la première opération du genre sur le marché financier de l’Afrique centrale». Mais aujourd’hui, la liesse est fortement retombée manquant de créer des frictions entres les différents acteurs boursiers de la sous région. Aujourd’hui, dépité, Pierre Vandebeeck reconnaît volontiers : «Nous regrettons d’avoir lancé cette opération».
Le patron de Siat semble en effet être bien redescendu sur terre. L’introduction de Siat Gabon à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) a connu, dès son annonce de multiples protestations de la part d’un grand nombre d’experts des marchés boursiers. Une controverse que la société spécialisée dans le palmier à huile, l’hévéa et l’élevage avait minimisée pensant que ses détracteurs abandonneraient quelques temps après. C’était sans compter la promesse de «sabotage» annoncée par Théodore Edjangué, le président de la Commission des marchés financiers (CMF), régulateur du marché boursier camerounais.
L’introduction qui devait lancer le compartiment actions de la place de Libreville et permettre au groupe belge de lever 51 millions d’euros est visiblement en train de tourner au fiasco, à en croire son responsable : «Pour l’instant, seul 4 % du capital a été souscrit et payé, principalement par des petits porteurs gabonais. Nous avons des promesses jusqu’à 20 % [bien que fixées à 30% au début de l’opération – ndlr], mais aucun investisseur institutionnel n’a encore rien versé à cause des doutes sur la réalisation de l’opération». On s’en doutait pourtant, même si Pierre Vandebeeck prétend à ce jour, «Nous ne cherchions pas à vendre à tout prix. Nous honorons l’engagement contractuel pris en 2004 de faire rentrer des investisseurs régionaux au capital. Mais la BVMAC n’est pas prête».
Il apparait plutôt que ce soit le Cameroun qui n’est encore prêt à cautionner Siat Gabon en Bourse. Sa débâcle, c’est évident, aurait été provoquée par la rivalité entre la bourse de Libreville, commune aux six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), et le Douala Stock Exchange (DSX). En effet, présenté comme le principal marché de la sous-région, les autorités camerounaises, par le biais de la Commission des marchés financiers du Cameroun (CMF) s’étaient fendues d’un communiqué visant à décourager les souscripteurs nationaux à répondre à l’appel de Siat Gabon, dès le mois d’avril dernier. Théodore Edjangué, président de ladite institution, avait de ce fait estimé que l’opération de Siat Gabon était conduite par «des acteurs dont les principaux ne sont ni agréés, ni connus sur le marché financier camerounais». Ce qui avait aussitôt provoqué l’annulation d’un rendez-vous entre l’arrangeur principal, BGFI Bourse, et des investisseurs camerounais qui avaient expliqué leur doute : «C’est une question de survie pour la CMF car, en cas de fusion entre les deux places, il est question de la supprimer». Un décryptage hâtif qui expliquerait donc tout.
Mais, indique-t-on, la concurrence entre les deux places ne serait pas la seule raison de la débâcle de Siat Gabon. En effet, BGFI Bourse pour qui cette introduction constituait une première dans le genre, fait elle aussi l’objet de critiques et de nombreux doutes au regard des scandales relevés à son endroit, depuis quelques temps. Si bien qu’un banquier Camerounais, selon l’hebdomadaire Jeune Afrique, aurait relevé deux insuffisances dans l’organisation de l’opération entreprise par Siat Gabon : «La période de souscription [initiale] était trop courte et la valorisation [28 500 F CFA, soit 22 euros] excessive». Et encore, rapporte le banquier, l’approche de BGFI Bourse a été «mauvaise» avec un travail de lecture de marché «insuffisant».
Léandre Bouanza Mombo, directeur général de la société de gestion et d’intermédiation en bourse (BGFI Bourse), reconnaît lui-même avoir «mal jaugé la capacité du public à absorber l’introduction», avant d’évoquer des «couacs de planification avec certains pays qu’on n’a pas pu atteindre, comme le Tchad». Si c’est dans cette ambiance que le groupe bancaire BGFI Bank prépare un emprunt obligataire régional de 80 milliards de francs CFA pour la fin du premier semestre…